Werther de Goethe, la première traduction en français, 1776

Publiées en allemand, à Leipzig en 1774, chez Weygand, Die Leiden des jungen Werthers, sont traduites en français, par deux fois dès 1776, et encore une autre fois en 1777. Ces traductions paraissent toutes hors de France. Il faut attendre presque huit ans pour qu’une quatrième traduction voit le jour, mais cette fois à Paris.

On sait que cette oeuvre de Johann Wolfgang von Goethe [1749-1832], un roman par lettres qui se finit mélodramatiquement par le suicide de Werther, le héros romantique, est publié anonymement en septembre 1774 à Leipzig.
Presque immédiatement une traduction de l’allemand en français est engagée, par au moins trois personnes différentes, qui ne semblent pas s’être données le mot. Tant et si bien que la première tentative est achevée, un peu moins d’un an après, au 1er août 1775, pour paraître en Bavière au début 1776.

  1. LA PREMIÈRE TRADUCTION EN FRANÇAIS A ERLANG.
    Les Souffrances du jeune Werther, en deux parties [Filet] Traduit de L’original Allemand par le B. S. d. S.
    [A Erlang : chez Wolfgang Walther. In-8, 214 p., 1776].
    https://books.google.fr/books?id=9bU7AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ViewAPI&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false

L’auteur, dont le nom n’est signalé que par des initiales, est le baron Carl Sigmund von Seckendorf*[1744-1785].

L’éditeur est Wolfgang Walther [1774-1806].

L’ouvrage est composé :
• D’une présentation de l’ouvrage [pages 3-8] par le traducteur Carl Sigmund von Seckendorf, datée du 1er août 1775.
Dans cette présentation le traducteur explique qu’il s’est hâté de faire imprimer l’ouvrage, ayant appris, dit-il, que deux autres traductions doivent paraître, l’une à Paris, l’autre à Lausanne.
Carl Sigmund von Seckendorf cherche aussi à démontrer que l’ouvrage n’est pas moralement nuisible : < Celui, hélas ! qui ne s’apercevrait point de l’époque où Werther commence à s’égarer, ou qui serait tenté par cette Lecture de commettre une action si dénaturée devra, je le répète, chercher dans son Cœur infecté, bien plus que dans cet ouvrage, le germe de ces malheureuses instigations. Heureux celui, qui sait mettre un terme à ses désirs ! Il puisera, dans l’exemple frappant que nous lui présentons, une morale pure, qui l’affirmera dans ses principes. >

• De la traduction de la présentation < par l’éditeur supposé >.
< J’ai fait, avec la dernière diligence, le recueil de tout ce que j’ai pû trouver de relatif à l’histoire du pauvre Werther, & vous le présente […] >.

• De la traduction de la Première partie de l’ouvrage, composé des lettres du 4 mai 1771 au 10 septembre 1771 [pages 11-108].
• De la traduction de la seconde et dernière partie de l’ouvrage, du 20 octobre 1771 jusqu’à l’enterrement de Werther [pages 111-214].

La pagination est faite en continu. L’indication de la seconde partie est clairement marquée par une page de titre intermédiaire [comptant dans la pagination], sans illustration, portant seulement l’indication : Les Souffrances du jeune Werther. Seconde partie.

ÉLÉMENTS TYPOGRAPHIQUES DE L’ÉDITION DE VON SECKENDORF.
Dans cette édition, une erreur d’impression donne la date du 4 mars 1771, comme date de la première lettre. Il s’agit dans le texte original en allemand du 4 mai [am 4, May ; 1771].

Vignette sur la page de titre : Dans une sorte de corbeille servant de nid, posée sur un entablement, deux colombes, ailes éployées, s’ébattent dans une guirlande de roses.
Pas de gravure en frontispice.

En tête de la présentation de l’ouvrage < par l’éditeur supposé >, une vignette figure, dans un décor de jardin, à l’ombre d’un saule, assis sur un banc, côte à côte, un homme jeune lisant un roman à une jeune femme qui l’écoute avec passion.


En illustration de la dernière page du roman, au pied d’un rosier en fleurs, un jeune homme allongé, la tête enfouie dans son bras, semble pleurer, sur ce qui représente sans doute une pierre tombale.

Tout au long du texte de l’ouvrage, en tête de page, un discret ornement typographique est composé de trois éléments : deux feuilles minuscules disposées symétriquement autour d’un élément floral carré.

La mise en page est soignée : Caractères italiques pour le texte de la présentation par le traducteur, caractères romains pour les textes du corps de l’ouvrage. Chaque courrier de Werther démarre avec une lettrine sur deux lignes. Composition des paragraphes a linea. Pagination à l’aplomb des marges.
L’ensemble suggère une simplicité harmonieuse.

LES PROTAGONISTES DE L’ÉDITION DE VON SECKENDORF.
Le traducteur.
Le traducteur en français de Die Leiden des jungen Werthers, dont le nom n’est signalé que par des initiales, est le baron Carl Sigmund von Seckendorf [1744-1785]. C’est un ancien lieutenant-colonel.
Âgé d’une trentaine d’années, il est alors Chambellan de la cour de Weimar. Amateur de musique, homme de lettres, il participe, ainsi que Goethe, au salon littéraire de la duchesse Anne-Amélie de Brunswick.

L’éditeur.
L’éditeur est Wolfgang Walther [1774-1806], établi de longue date à Erlangen [Bavière], actif jusqu’en 1804.
Le nom de la ville d’Erlangen est donné ici, en parler < francique >, comme Erlang.

LA TRADUCTION DU TITRE.
Presque d’emblée l’ouvrage connaît pour son titre trois traductions différentes : Les Souffrances du jeune Werther ; Werther ; Les Passions du jeune Werther.

  1. Première traduction.
    Le titre allemand < Die Leiden des jungen Werthers > est d’abord traduit en français, ici en 1776, par < < Les Souffrances du jeune Werther >.

Deux autres façons de traduire le titre verront rapidement le jour.

  1. Seconde traduction.
    En 1776 également, la seconde traduction, faite par le suisse francophone Georges Deyverdun [1734-1789], précepteur à la Cour de Berlin, propose avec simplement < Werther >, une solution plus elliptique, faisant l’économie de l’ambiguïté du terme de passion, comme souffrance, et de passion, comme sentiment amoureux.
    Werther, traduit de l’allemand.
    [A Maestricht : Chez Jean-Edme Dufour & Philippe Roux, Imprimeurs & Libraires, associés. In-12, VIII-201+230 pp., M. DCC. LXXVI. (1776)].
    Ce titre sera repris dans les rééditions : Maestricht, chez J. E. Dufour & P. Roux en 1784 ; Maestricht, chez J.P. Roux en 1791 ; Maestricht et Grenoble, en 1792 ; Lille, chez C. F. J. Lehoucq en 1793 ; etc.
  2. Troisième traduction.
    Enfin en 1777, la traduction de Philippe François Aubry [1746-1812] produite avec la collaboration du comte Woldemar Frédéric de Schmekow [1749-1794], retiendra comme titre < Les Passions du jeune Werther >, ou plus simplement encore, sans l’article < Passions du jeune Werther >.
    Les Passions du jeune Werther, Ouvrage traduit de l’allemand de M. Goethe. Par Monsieur Aubry°
    [A Manheim. Et se trouve à Paris : chez Pissot, rue de Hurepois. In-8, XXXIX (1) 220 p., M. DCC. LXXVII. (1777)].

Ce dernier titre sera celui de toutes les éditions reprenant le texte d’Aubry. Et elles sont très rapidement fort nombreuses, au point que cette traduction est considérée comme la plus répandue des trois : Reims, chez Cazin en 1784 ; Paris, chez Cazin en 1786 ; Paris, chez Denos, c. 1790 ; Londres en 1792 ; Paris en 1792 ; Paris, chez Le Prieur en 1793 ; Paris, chez Devaud en 1795, etc.