À la fois historien reconnu, et doyen de Faculté de province, Auguste Filon peut légitimement prétendre à être admis, un jour ou l’autre, à l’Institut de France, plus précisément à l’Académie des Sciences morales et politiques, dans la section Histoire générale et philosophique, qui correspond le mieux à sa vocation.
Encore faut-il, après que des fauteuils aient été déclarés vacants, que le classement préalable de la section soit favorable, car il influence fortement le vote des membres des autres sections.
Ce ne sera jamais le cas, au cours de quatre tentatives. À chaque fois Auguste Filon sera largement surpassé : le 26 décembre 1840, par Adolphe Thiers [1797-1877], placé hors ligne, élu à l’unanimité ; le 29 juillet 1871, par Henri Martin [1810-1883], placé en première ligne, élu à l’unanimité ; le 24 février 1872, par Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire [1805-1889], placé en première ligne, élu au premier tour avec 22 suffrages ; le 7 mars 1874, par Mathieu Auguste Geffroy [1820-1895], élu au deuxième tour avec 19 suffrages.
PRESTIGE DE L’INSTITUT DE FRANCE.
En terme de carrière réussie, il est convenu en France, tout au long du XIX ème siècle, d’estimer que son sommet réside dans l’appartenance à l’Institut de France, obtenue à la suite d’une élection par des pairs, dans l’une de ses cinq Académies.
Ces cinq académies sont : l’Académie française ; l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; l’Académie des Sciences ; l’Académie des Beaux-Arts ; l’Académie des Sciences morales et politiques.
Un fauteuil s’étant libéré par un décès, il convient, après qu’il soit déclaré vacant, en respectant un délai de convenance, et en ayant raisonnablement évalué ses chances [et celles de ses concurrents], il convient donc à la suite d’un accord tacite, de se déclarer publiquement, en déposant officiellement sa demande et son curriculum, puis en faisant les visites d’usage. Et en réitérant si besoin cette démarche, à défaut d’être élu dès la première candidature, ce qui arrive somme toute assez rarement.
En sachant donc attendre qu’un autre fauteuil se libère, tout en menant campagne, par la lecture de Mémoires, l’hommage des ouvrages publiés et le relais d’amitiés communes et efficaces…
1840
CONFIGURATION DE LA SECTION HISTOIRE GÉNÉRALE ET PHILOSOPHIQUE
Fondée en 1832, au sein de l’Institut de France, l’Académie des Sciences morales et politiques, est composée à cette date de cinq sections, chacune de six membres.
Dans l’ordre canonique : Philosophie ; Morale ; Législation, droit public et jurisprudence ; Économie politique et statistique ; Histoire générale et philosophique.
En 1840, date à laquelle se présente une première fois Auguste Filon, les six fauteuils de la section se répartissent ainsi :
Fauteuil 1 : Emmanuel de Pastoret [1755-1840] ; Fauteuil 2 : Jules Michelet [1798-1874], élu en 1836, au fauteuil occupé antérieurement par Carl Friedrich Reinhard [1761-1837] ; Fauteuil 3 : Joseph Naudet [1786-1858] ; Fauteuil 4 : Louis Bignon [1771-1841] ; Fauteuil 5 : François Guizot [1787-1874] ; Fauteuil 6 : François Mignet [1796-1884].
1840
PRENDRE DATE
Ce que fait, très tôt, Auguste Filon, dès octobre 1840, en posant sa candidature auprès de la section d’Histoire générale et philosophique de l’Académie des Sciences morales et politiques.
Auguste Filon a alors tout juste quarante ans, et sait très bien par ailleurs qu’il ne saurait l’emporter dans ce premier essai, mais que c’est façon de se manifester et de prendre date.
Au décès d’Emmanuel Pastoret [1755-1840], survenu le 28 septembre 1840, se libère le fauteuil 1 de la section.
Se présentent à l’élection : Adolphe Thiers [1797-1877] ; Rosseeuw Saint-Hilaire [1802-1889], professeur d’Histoire ancienne à la Faculté des Lettres de Paris ; Narcisse Achille de Salvandy [1795-1856], déjà membre de l’Académie française [19 février 1835], ancien ministre de l’Instruction publique [1837-1839] ; Auguste Filon [1800-1875].
Selon l’usage, à titre indicatif pour l’ensemble des membres des autres sections de l’Académie des Sciences morales, la section a classé les candidats, en plaçant Adolphe Thiers, déjà membre de l’Académie française [20 juin 1833], président du Conseil de 1836 à 1840, hors ligne.
Adolphe Thiers sera, sans surprise, élu le 26 décembre 1840, dès le premier tour, à l’unanimité des suffrages.
1841
MÉMOIRE SUR L’ÉTAT MORAL ET RELIGIEUX DE LA SOCIÉTÉ ROMAINE
L’Académie des Sciences morales et politiques autorise des candidats déclarés à lire au cours d’une séance plénière, un Mémoire. Manière de prendre mutuellement connaissance et de se soumettre au jugement de ceux qui décideront de votre admission, au cours d’une élection ultérieure.
C’est dans ce cadre que qu’Auguste Filon est autorisé à lire un Mémoire sur l’état moral et religieux de la société romaine à l’époque de l’apparition du christianisme.
Lu à l’Institut (Académie des sciences morales et politiques) Par M. Filon. Maître de conférences à l’École normale.
[Paris : Typographie de Firmin-Didot. Imprimeurs de l’Institut, Rue Jacob, 56. In-4, 56 p., 1841]. Sur titré : Institut royal de France.
1841
UN FAUTEUIL SE LIBÈRE
Louis Bignon [1771-1841], pair de France, élu le 8 décembre 1832, décède le 6 janvier 1841, ce qui libère le fauteuil 4, pour une nouvelle élection.
Auguste Filon ne pose pas sa candidature.
La section d’Histoire présente en première ligne l’historien Amédée Thierry [1797-1873], déjà correspondant de l’Académie [23 novembre 1833], dans la section Histoire générale et philosophique [place 1], au moment de la création des places ; en seconde ligne ex aequo, l’historien du judaïsme Joseph Salvador [1796-1873] et Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire [1805-1889], professeur suppléant à la Faculté des Lettres de Paris.
Le samedi 13 mars 1841, dès le premier tour, sur 24 votants, Amédée Thierry obtient 20 suffrages, Joseph Salvador [1796-1873] 2, Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire [1805-1889], 2.
Amédée Thierry est élu.
1841-1870
SUR TRENTE ANS : LONGUE PÉRIODE SANS AUCUNE ÉLECTION
Sur les six fauteuils de 1832, trois ont été renouvelés entre 1838 et 1841 :
Le deuxième fauteuil, celui de Carl Reinhard [1761-1837], décédé le 25 décembre 1837, auquel succède l’historien Jules Michelet [1798-1874], professeur d’Histoire et de Morale au collège de France, élu le 24 mars 1838.
Le premier fauteuil, celui d’Emmanuel Pastoret [1755-1840], décédé le 28 septembre 1840, auquel succède Adolphe Thiers [1797-1877], élu le 26 décembre 1840.
Le quatrième fauteuil, celui de Louis Bignon [1771-1841], décédé le 6 janvier 1841, auquel succède Amédée Thierry [1797-1873], élu le 13 mars 1841.
Après cela, s’ouvre une longue période, heureusement sans décès, mais donc sans élection possible, entre 1841 et 1870.
1852
LECTURE D’UN MÉMOIRE SUR LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE
Bien qu’il n’y ait pas en vue d’élection à l’Académie des Sciences morales et politiques, au sein de la section d’Histoire générale et philosophique, Auguste Filon garde le contact. Et est, à nouveau autorisé à lire un nouveau Mémoire :
Mémoire sur les origines, le développement et la décadence de la démocratie athénienne, lu à l’Institut (Académie des Sciences morales et politiques), dans les séances du 17 juillet, du 7 et du 14 août 1852, par M. Filon.
[Paris : A. Durand, 5, Rue des Grès-Sorbonne. Près le Panthéon. In-4, 80 p., 1853].
Ce Mémoire est en rapport avec l’ouvrage qu’Auguste Filon prépare et fera paraître en 1854 : Histoire de la démocratie athénienne.
[Paris : Auguste Durand, Libraire. Rue des Grès, 5. II-464 p., 1854]. Table.
1855
LE COUP DE FORCE DU 14 AVRIL 1855
Contre le sentiment de l’Institut, majoritairement « orléaniste », le décret impérial du 14 avril 1855, impose la création d’une nouvelle section : Politique, administration et finances, dont les membres, en totale rupture avec la tradition, sont désignés.
Cependant cette section finit par être supprimée, une dizaine d’année plus tard, le 9 mai 1866,et ses membres répartis entre les cinq autres sections, dans chacune d’elles le nombre de fauteuils étant porté de six à huit.
1860
MÉMOIRE SUR L’ALLIANCE ANGLAISE
Gardant contact avec l’Académie des Sciences morales et politiques, Auguste Filon y lit un Mémoire : L’Alliance anglaise au XVIIIe siècle, depuis la paix d’Utrecht jusqu’à la guerre de la succession d’Autriche, mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques dans les séances du 18 février, du 10 et du 17 mars 1860, par M. Filon
Publié dans Compte rendu de l’Académie des sciences morales et politiques.
Et en tiré à part : [Paris : A. Durand. In-8, 69 p., 1860].
1866
S’AJOUTENT DEUX NOUVEAUX FAUTEUILS
Ainsi en 1866, dans la section d’Histoire générale et philosophique, deux nouveaux fauteuils voient le jour, et s’ajoutent aux six qui existent déjà depuis 1832 :
Fauteuil 7 : avec l’historien et économiste Jean Pierre Clément [1809-1870], nommé dans la section Politique, Administration et Finances par décret impérial du 14 avril 1855. Après la suppression de cette section, Jean Pierre Clément est transféré dans la section d’Histoire générale et philosophique par décision de l’Académie du 26 mai 1866.
Fauteuil 8 : avec l’homme politique Louis Mortimer Ternaux [1808-1871], élu dans la section Politique, Administration et Finances en 1865, en remplacement du diplomate Armand Lefebvre [1800-1864], décédé le 1er septembre 1864. Après la suppression de cette section, Louis Mortimer Ternaux est transféré dans la section d’Histoire générale et philosophique par décision de l’Académie du 26 mai 1866.
1871
L’ÉLECTION DU 29 JUILLET 1871°
Après la longue période de 1841 à 1870, où il est pratiquement impossible pour Auguste Filon de poser sa candidature, une opportunité s’offre, avec le décès de l’historien et économiste Jean Pierre Clément [1809-1870], occupant le fauteuil 7, décès survenu le 8 novembre 1870.
Selon l’usage, et à titre indicatif pour l’ensemble des membres des autres sections de l’Académie des Sciences morales et politiques, la section a classé les candidats : en première ligne l’historien et homme politique Henri Martin [1810-1883] ; en deuxième ligne ex-æquo Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire [1805-1889], professeur d’Histoire ancienne à la Faculté des Lettres de Paris et l’historien Auguste Filon [1800-1875].
Henri Martin est élu, le samedi 29 juillet 1871, au premier tour, à l’unanimité des suffrages.
1872
L’ÉLECTION DU 24 FÉVRIER 1872
Une opportunité s’offre encore avec la libération du fauteuil 8, libéré par la mort de l’homme politique Louis Mortimer-Ternaux [1808-1871], élu le 11 mars 1865, décès survenu le 6 novembre 1871.
La section d’Histoire avait placé au premier rang Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire [1805-1889], au deuxième rang l’historien Auguste Filon [1800-1875], au troisième rang ex-æquo le professeur d’Histoire ancienne à la Faculté des Lettres de Paris Mathieu Auguste Geffroy [1820-1895], l’historien François Perrens [1822-1901] et A. F. Théry [1796-1878] Inspecteur général de l’Instruction publique.
L’élection a lieu le samedi 24 février 1872.
Il y a vingt-sept votants. Au premier tour de scrutin Rosseeuw Saint-Hilaire obtient 22 suffrages, Auguste Filon 5. Une voix est accordée à Marc Antoine Calmon [1815-1890], préfet de la Seine.
Rosseeuw Saint-Hilaire ayant réuni, dès le premier tour, la majorité des suffrages est élu.
Rosseeuw Saint-Hilaire s’était déjà présenté en 1840, simplement pour prendre date, à l’élection où Adolphe Thiers l’emporte à l’unanimité des suffrages. Ainsi que le 29 juillet 1871 au fauteuil 7, élection remportée par l’historien Henri Martin [1810-1883].
1872
MÉMOIRE SUR L’AMBASSADE DE CHOISEUL À VIENNE
C’est dans le cadre de sa candidature à l’élection qui s’offre à la succession du fauteuil 8, libéré par la mort de l’homme politique Louis Mortimer-Ternaux [1808-1871], qu’Auguste Filon lit un Mémoire :
L’Ambassade de Choiseul à Vienne en 1757 et en 1758, d’après des documents inédits. Mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques dans les séances du 27 janvier et du 3 février 1872, par M. Filon.
Publié dans Compte rendu de l’Académie des sciences morales et politiques.
Et en tiré à part : [Paris : A. Durand et Pedone Lauriel, Libraires. 9 rue Cujas. In8, 168 p., 1872]
1874
ENCORE UNE FOIS L’ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES
Auguste Filon, à la retraite depuis 1871, se présente pour la dernière fois à l’Académie des Sciences morales et politiques, dans la section d’Histoire générale et philosophique, au fauteuil 4 rendu vacant par le décès d’Amédée Thierry [1797-1873], élu le 13 mars 1841, décès survenu le 26 mars 1873.
L’élection a lieu le samedi 7 mars 1874.
La section plaçait au premier rang ex-æquo le professeur d’Histoire ancienne à la Faculté des Lettres de Paris [1872] Mathieu Auguste Geffroy [1820-1895] et Jules Zeller [1819-1900], maître de conférences à l’École normale supérieure, recteur honoraire ; au deuxième rang ex-æquo, l’historien Auguste Filon [1800-1875] et l’historien Tomy François Perrens [1822-1901], inspecteur de l’académie de Paris ; au troisième rang Augustin François Théry [1796-1878] Inspecteur général de l’Instruction publique.
Sur 30 votants, au premier tour de scrutin, Mathieu Auguste Geffroy obtient 13 suffrages, Jules Zeller 11, Auguste Filon 6.
Au deuxième tour Mathieu Auguste Geffroy obtient 19 suffrages, Jules Zeller 10, Auguste Filon 1.
Il apparaît que, pour l’essentiel, les voix qui se sont portées au premier tour sur Auguste Filon, se sont reportées au second tour vers Mathieu Auguste Geffroy, afin de conforter sa position face à Jules Zeller.
À la suite de cet échec, Auguste Filon ne se représentera plus. Retiré à Paris, il décède un an et demi plus tard, le 1er décembre 1875.
CURRICULUM
Auguste Filon : Né le 7 juin 1800, à Paris ; mort le 1er décembre 1875, à Paris.
Agrégé [1823] ; docteur ès-lettres [1840] ; professeur d’histoire dans les différents lycées royaux de la capitale ; maître de conférences à l’École normale supérieure ; professeur d’histoire et doyen de la Faculté des Lettres de Douai ; inspecteur de l’académie de Paris ; délégué à l’Inspection générale de l’Instruction publique.