Joguet, Vincent Louis (1815-1874), le provisorat de Saint-Louis, ou le couronnement d’une vie

Après un début dans le journalisme et la fréquentation des milieux saint-simoniens, V. L. Joguet quitte l'enseignement pour occuper des fonctions administratives d'autorité. La lente succession des postes en province lui permet d'atteindre Paris.

Le provisorat de Saint-Louis, de 1868 à 1874, déjà réputé pour ses enseignements scientifiques, constitue l'achèvement de sa carrière.

Joguet, Vincent Louis [1815-1874]. Né en décembre 1815, à Lyon ; mort le 29 novembre 1874, à Paris.
Études au collège royal de Lyon, où il est élève boursier. Il y a pour professeur de philosophie un enseignant qui le conforte dans ses convictions catholiques, le fameux abbé Joseph Matthias Noirot [1793-1880], nommé en octobre 1827 au collège royal de Lyon, et en poste jusqu'en mars 1852, date de sa nomination comme Inspecteur général de l'enseignement primaire [mars 1852], puis de l'enseignement secondaire [avril 1853]. 
1833. ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE.
Ancien élève de l’École normale [1833], section Lettres. Vincent Louis Joguet est reçu à l'âge de dix-sept ans.
Sont reçus cette même année 1833, dans l’ordre alphabétique, les quinze élèves suivants : Jean Arnault [1814-1838], professeur de rhétorique à Cahors ; Eugène Barroux, professeur de sixième au lycée Henri-IV ; Pierre [Auguste] Boutron [vers 1813-1874], économiste ; Vincent Louis Joguet [1815-1874], proviseur du lycée Saint-Louis ; Joseph Landry, chef d’institution à Paris ; Alfred Lorquet [1815-1883], secrétaire de la Faculté des Lettres de Paris ; Gustave Madol ; Louis Monnier [ -1855], professeur à l’institution de l’Assomption [Nîmes] ; [Jean] Numa Morel [ -1885], professeur de seconde ; Eugène Édouard Morin [1814-1876], professeur d’Histoire à la Faculté des lettres de Rennes ; Émile Saisset [1814-1863], professeur d'Histoire de la philosophie à la Faculté des Lettres de Paris ; Jules Simon [1814-1896], président du Conseil des ministres ; Joseph Vignot, professeur de quatrième au lycée d’Angoulême ; Charles Weiss [1812-1864], professeur d’histoire au lycée Bonaparte [lycée Condorcet] à Paris ; Jean Yanoski [1813-1851], professeur d’histoire au lycée Henri-IV.
Il y lie une longue amitié avec Francisque Bouillier [1813-1899], lui aussi ancien élève de l'abbé Joseph Matthias Noirot au collège royal de Lyon, qui sera reçu à l'École normale en 1834, soit un an après lui. C'est au titre de cette amitié qu'à la mort de Vincent Louis Joguet, survenue dans la nuit du 29 au 30 novembre 1874, Francisque Bouillier prononce un discours d'hommage à ses obsèques, qui se déroulent à Paris le 2 décembre.
Il est aussi en relation amicale avec Désiré Nisard [1806-1888], qui s'est fait un nom comme journaliste au Journal des Débats et surtout au National, d'Armand Carrel [1800-1836]; et qui a été nommé maître de conférences de Littérature française [1834-1844] à l'École en 1834.
Au cours de sa troisième année, ayant choisi la spécialité de l'histoire, il est l'élève de Jules Michelet [1798-1874], maître de conférences d'histoire [1827-1836] à l'École normale.
1836. NOMINATION À DIJON.
Au sortir de l'École normale, en octobre 1836, Vincent Louis Joguet est nommé professeur de troisième au collège royal de Dijon [Côte-d'Or], en remplacement de Thomas Henri Martin [1813-1884], lui aussi ancien élève de l'École normale [1831], qui vient d'être nommé professeur de seconde au collège royal de Caen. 
Malade, Vincent Louis Joguet ne reste que quelques mois à Dijon, et revient sur Paris. Est remplacé par Barthélemy.
1836-1839. PARENTHÈSE PARISIENNE.
Pour des raisons de santé, sa carrière professorale est arrêtée. Établi à Paris, Vincent Louis Joguet, grâce à l'entremise de Désiré Nisard, entre en relation avec des personnalités proches du mouvement Saint-Simonien. Avec le journaliste républicain Anselme Petetin [1807-1873] ; avec Pierre Leroux [1797-1871], animateur de la Revue Encyclopédique ; avec  le philosophe Jean Reynaud [1806-1863]. Il devient un intime d'Armand Carrel [1800-1836].
Joguet collabore, pour la partie littéraire, au journal Le Monde, qui avait appartenu à Lamennais, et qui est alors dirigé par Anselme Petetin.
Il écrit également dans l'Encyclopédie nouvelle de Jean Reynaud et Pierre Leroux.
En 1839, Vincent Louis Joguet, après plus de deux ans d'interruption, reprend sa carrière : nommé au collège royal de Nancy, il quitte Paris.
1839. PROFESSEUR D'HISTOIRE À NANCY.
En 1839, Vincent Louis Joguet est nommé au collège royal de Nancy [Meurthe], comme professeur d'histoire, en remplacement de Jean Baptiste Vendryiès [1809-1893], lui aussi ancien élève de l'École normale [1829], et agrégé de grammaire [1832].
Vincent Louis Joguet reste en fonction à Nancy comme  « chargé de cours » d'histoire jusqu'en 1848, date de sa nomination comme proviseur dans le même lycée. 
Il est alors remplacé, comme professeur d'histoire, par deux enseignants : Saunier et Henry 
1840. MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE NANCY.
Le 18 juin 1840, V. L. Joguet est élu membre de la Société royale des Sciences, des Lettres et Arts de Nancy.
Y prononce, le 8 mai 1841, son discours de réception, sur le thème de < L'Histoire au XIX ème siècle >. Le texte en est publié [Nancy : Grimblot et Raybois. In-8, 28 p., 1841].
Reste titulaire de la Société pendant plus de dix ans, jusqu'au début de l'année 1852, et devient, alors qu'il réside à Tours,  < associé-correspondant national > à dater de février 1852.
MÉMOIRE SUR FÉNELON.
Au titre de la section des Sciences morales,  V. L. Joguet communique à l'Académie de Nancy, en 1840, sous le titre de Fénelon, un fragment d'une Histoire littéraire des trois derniers siècles. Selon la formule du rapporteur : « Il y retrace la vie, le caractère, les principes de l'illustre archevêque de Cambrai ».
V. L. Joguet achève son exposé, par cette apologie : « « Enfants de l'ère actuelle, héritiers de la Révolution, imitons nos pères, entourons d'un culte sans réserve le nom de ce prêtre, de ce grand seigneur à qui, malgré les préjugés de la naissance, malgré les scrupules de la robe sacerdotale, au milieu des splendeurs du plus éblouissant despotisme qui fut jamais, la charité révéla tant de choses et inspira une ambition si active pour l'émancipation des hommes ».
Ce Mémoire est publié dans Mémoires de la Société royale des Sciences, Lettres et Art 
de Nancy [Académie Stanislas], pages 189-219 [Nancy : Grimblot, Raybois, et Cie. Imprimeurs-libraires, Place Stanislas, 7, et rue Saint-Dizier, 125. 1841].
V. L. Joguet communique également une Notice sur l'Empereur Trajan, né en 53 en Espagne du sud et décédé en 117 à Sélinonte en Cilicie [aujourd'hui Turquie].
1848. PROVISEUR DU LYCÉE DE NANCY.
En 1848, V. L. Joguet, devient proviseur du lycée de Nancy [chef-lieu du département de la Meurthe], où il a enseigné l'histoire depuis 1839, en remplacement de l'ancien proviseur Jean Baptiste La Bastide [1797-1863] [écrit aussi Labastide], ancien élève de l'École normale [1818], agrégé des lettres [1821], futur recteur départemental.
Ainsi, il quitte sa fonction enseignante pour une charge administrative qu'il assumera désormais dans plusieurs lycées, jusqu'à son décès en 1874, alors qu'il est à Paris proviseur du lycée Saint-Louis. 
Il a, pour censeur des études, Henri Druon, agrégé des lettres en 1844.
Lorsqu'il quitte son poste de proviseur de Nancy, pour se rendre à Tours, V. L. Joguet est remplacé comme proviseur par Valentin Davau, ancien élève de l'École normale supérieure, section Sciences, agrégé de mathématiques [1846].
LA SUCCESSION DES POSTES.
Après son provisorat à Nancy, V. L. Joguet est nommé proviseur du lycée de Tours [département d'Indre-et-Loire]. De manière classique, les postes vont se succéder : Tours, Reims, Orléans, Marseille, jusqu'à Versailles, antichambre possible d'un poste à Paris, qu'il obtient en 1868.
LE TEMPS DU PROVISORAT À REIMS.
Après Tours, où il ne reste que quelques mois, est nommé à Reims [département de la Marne]. Il l'est au début de l'année 1852.
Il participe à la vie académique provinciale en devenant membre titulaire de l'Académie impériale de Reims. C'est à cette compagnie qu'il communique, en 1852,   la monographie complète de la première dynastie Flavienne, extraite, selon ses propos, d'une Histoire des empereurs romains, sur laquelle il déclare travailler. C'est cette Histoire des Flaviens qui sera publiée posthume, en 1876, soit vingt-quatre ans plus tard, avec une Préface de Victor Duruy [1811-1894], ancien ministre de l'Instruction publique [1863-1869], spécialiste de l'histoire des Grecs et des Romains.   
Le compte-rendu, rédigé par l'Académie de Reims, indique : « M. Joguet, extrayant d'une Histoire des Empereurs romains la monographie complète de la première dynastie Flavienne, a captivé notre attention durant trois séances presque entières, en nous montrant tour-à-tour, Vespasien et Titus, vainqueurs de Jérusalem, poussés vers le trône par l'erreur populaire qui leur applique les prophéties relatives à l'avènement du Messie ».
Il sera le président « annuel » de l'Académie impériale de Reims, en 1859, et à ce titre prononce le Discours d'ouverture dans la séance publique tenue le 28 juillet 1859. Le discours est édité : [Reims : impr. de P. Dubois (s. d.)].
ORLÉANS, MARSEILLE, VERSAILLES.
En 1861 et en 1862, Vincent Louis Joguet est proviseur du lycée impérial d'Orléans [chef-lieu du Loiret], dépendant de l'académie de Paris, s'étendant à cette époque sur neuf départements [Seine ; Cher ; Eure-et-Loir ; Loiret ; Marne ;  Oise ; Seine-et-Marne ; Seine-et-Oise].
Puis il est nommé à Marseille [académie d'Aix], et enfin, en 1866, à Versailles [département de Seine-et-Oise, académie de Paris] où il reste deux ans.
1868. PROVISEUR DU LYCÉE SAINT-LOUIS.
En étant nommé en 1868, proviseur du lycée Saint-Louis, Vincent Louis Joguet succède à un scientifique : Auguste Boutan [1820-1900], ancien élève de la section Sciences de l'École normale [1840], chargé d'élaborer un nouveau système d'enseignement scientifique et de réorganiser les classes préparatoires aux grandes écoles.
Vincent Louis Joguet, comme proviseur, a pour assistant, comme censeur des études Charles Maréchal [1825-1877], ancien élève de l’École normale supérieure [octobre 1845], agrégé de grammaire en 1848, en poste à Saint-Louis, d'août 1864 à mars 1871 ; puis Louis Roguet, censeur de mars 1871 à septembre 1878.
Vincent Louis Joguet reste au lycée Saint-Louis jusqu'à son décès en fonction, le 29 novembre 1874.
Il est alors remplacé par Alexandre [Pierre] Gautier [1822-1910], ancien élève de l'École normale, section Sciences [1844], en poste de 1874 à 1880.
SON PRÉDÉCESSEUR, AUGUSTE BOUTAN.
Après l'École normale [1840], et l'agrégation de physique, Auguste Boutan [1820-1900] a été professeur de physique [Avignon, 1843 ; Grenoble, 1845 ; Rouen, 1846 ; Versailles, 1853 ; Paris, au lycée Saint-Louis, 1854].
Nommé proviseur du lycée Saint-Louis, en 1865, il reste en fonction jusqu'en 1868, date de sa nomination à l'Inspection de l'académie de Paris [1868-mai 1873].
En mai 1873, Auguste Boutan est nommé directeur de l'enseignement primaire [1873-1879], en remplacement d'Octave Gréard [1828-1904] ; puis, en janvier 1879, Inspecteur général de l'enseignement secondaire, pour les sciences [janvier 1879-janvier 1893].
LES PROVISEURS DES LYCÉES PARISIENS EN 1868.
En étant nommé au lycée Saint-Louis,  Vincent Louis Joguet s'inscrit dans la brève liste des proviseurs des cinq lycées parisiens de l'époque.
Dans l'ordre canonique : pour le lycée Louis-le-Grand, Julien Girard [1820-1898] ; pour le lycée impérial Napoléon [Henri-IV], Dominique Louis Baric [1810-1890] ; pour le lycée Saint-Louis, Vincent Louis Joguet [1815-1874] ; pour le lycée Charlemagne, Auguste Nouseilles [1798-1881]; pour le lycée impérial Bonaparte [Condorcet], Charles Legrand [1809-1882].  
LA SUCCESSION DES PROVISEURS DE SAINT-LOUIS.
Compris dans le décret de la Convention du 15 septembre 1793, qui supprime les établissements de l'Université, le collège d'Harcourt, rue de La Harpe à Paris, ferme ses portes pendant la Révolution française. Nicolas François Charles Daireaux [1759-1836] en est, de 1790 à 1793, le dernier proviseur.
En 1812, un décret de Napoléon ordonne sa réouverture comme lycée impérial, qui viendrait s'ajouter aux lycées parisiens déjà existants : Louis-le-Grand ; le lycée impérial Napoléon [Henri-IV] ; le lycée Charlemagne ; le lycée impérial Bonaparte [Condorcet]. Mais ce n'est qu'en 1820, sous la Restauration, que, sur l'emplacement de l'ancien collège d'Harcourt, le collège royal de Saint-Louis voit le jour et ouvre ses portes en 1823.
Se succèdent les proviseurs : l'abbé Nicolas Thibault [1769-1830], en poste de 1820 à 1823 ; l'abbé Valentin Ganser [1775-1842], en poste de 1825 à 1830 ; Arsène Liez [1790-1838], en poste de 1830 à 1833 ; Auguste Poirson [1795-1871], en poste de 1833 à 1837 ; Paul Lorain [1799-1861], en poste de 1837 à 1845 ; Prosper Auguste Poulain de Bossay [1798-1876], en poste de 1845 à 1852 ; Charles Legrand [1809-1882], en poste de 1852 à 1865 ; Augustin Boutan [1820-1920] en poste de 1865 à 1868.
UNE MORT RÉSIGNÉE ET CHRÉTIENNE.
Vincent Louis Joguet n'a jamais caché ses convictions religieuses, et par là même son hostilité au matérialisme et au panthéisme, son horreur devant la Commune. Lui aussi fait partie de ce groupe majoritaire d'universitaires catholiques « fidèles au spiritualisme français », que l'on retrouve dans l'Université tout au long du XIX ème siècle. Parmi lesquels on peut citer pêle-mêle : Thomas Henri Martin [1813-1884] ; Amédée de Margerie [1825-1905] ; Jean Félix Nourrisson [1825-1899] ; Elme Marie Caro [1826-1887] ; Claude Charles Charaux [1828-1906] ; Léon Ollé-Laprune [1839-1898] ; George Fonsegrive [1852-1917].
Cette vision du monde, qui imprègne les œuvres, colore la description des derniers moments. Occasion d'un portrait ultime, et d'un récit plein d'émotion retenue aux fins d'édification chrétienne : « Cet homme bon et modeste qui avait su aux jours de la Commune élever son devoir jusqu'au sacrifice, méritait de donner aux jeunes gens une dernière leçon, celle d'une mort résignée et chrétienne. Il l'a fait, et lui-même sentant les progrès du mal, ne voulut accepter aucune des illusions dont ses amis cherchaient à l'entourer. Il reçut les derniers sacrements, et après avoir de la manière la plus touchante recommandé à sa fille d'élever surtout chrétiennement ses enfants, il s'éteignit avec calme, dans la foi et l'espérance chrétienne ».
LA CÉRÉMONIE DES OBSÈQUES.
Les obsèques se déroulent le mercredi 2 décembre 1874. D'importantes personnalités assistent à ses obsèques. Tiennent les cordons du poêle : Adolphe Mourier [1807-1890], Inspecteur général honoraire de l’enseignement supérieur [1864], vice-recteur de l'académie de Paris ; Julien Girard [1820-1898], proviseur du lycée Louis-le-Grand [1868-1878] ; Wacquant, professeur de mathématiques spéciales et Denis, professeur de troisième, tous les deux au lycée Saint-Louis ; et deux élèves du lycée.
Un office religieux est célébré en l'église Saint-Sulpice. L'inhumation a lieu cimetière Montparnasse.
Trois discours sont prononcés sur sa tombe, par : Nicolas Deltour [1822-1904], inspecteur de l'académie de Paris [1871] ; Francisque Bouillier [1813-1899], inspecteur général de l'Instruction publique [1872], ami de toujours ; Jules Antoine Lissajous [1822-1880], professeur de physique au lycée Saint-Louis [1853-1874], au nom de ses collègues, puis recteur de l'académie de Chambéry [1874-1875], puis de Besançon [1875-1879].
LES FLAVIENS, PUBLICATION POSTHUME.
Paraît en 1876 [posthume], un ouvrage d’histoire de Vincent Louis Joguet, préfacé par Victor Duruy [1811-1894] : Les Flaviens [Paris : Hachette. In-12, XXIV-209 p., 1876]. Avec des notes bibliographiques.
Dans cet ouvrage il y a une notice sur Vincent Joguet, rédigée par Francisque Bouillier.
DÉCORATION
Officier de l'Instruction publique.
Officier de la Légion d'honneur [août 1870].
SOURCE.
M. Joguet. Souvenirs [articles de journaux, discours nécrologiques, productions de jeunesse en vers et en prose] [Paris : imprimerie de A. Parent. 31 rue Monsieur-le-Prince. In-8, 140 p., 1875].
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64550233.r=Joguet%2C+V-L.langFR