1849 : Première agrégation d’Anglais

L’agrégation d’anglais , l’une des agrégations de langue vivante, apparaît tardivement, près de trente ans après l’agrégation de lettres et de grammaire. Elle subit aussi les contre-coups de la suppression de toutes les agrégations en 1852. De 1853 à 1857 ne subsistent que les deux agrégations de lettres et de sciences. Le lent rétablissement successif des différentes agrégations permet le retour de l’agrégation d’anglais [et d’allemand] seulement en 1865.

L’agrégation d’anglais s’inscrit dans la longue histoire des agrégations obtenues par concours. Histoire qui commence pour la nouvelle Université en 1821.

SCIENCES. LETTRES, GRAMMAIRE ET PHILOSOPHIE
En 1821, se mettent en place, au niveau des académies universitaires qui ont besoin chaque année de recruter des enseignants, les concours d’agrégation, en lettres et en grammaire [ainsi qu’en sciences].
En cette période de Restauration commencée en 1814, il s’agit de renouer avec le système de l’agrégation qui fonctionnait dans l’Université de l’Ancien Régime, à partir de 1766 et jusqu’en 1790 inclus. Avec une agrégation de grammaire, dite de troisième ordre ; une agrégation de belles-lettres, dite de second ordre ; et une agrégation de philosophie, dite de premier ordre.
L’agrégation de philosophie verra le jour, à l’initiative de Denis Frayssinous [1765-1841] par un arrêté du Conseil royal de l’instruction publique, pris en date du 12 juillet 1825. Avec une première session en 1825, une autre session en 1827, puis régulièrement à partir de 1830 [avec à partir de cette date Victor Cousin comme président du jury].
A partir de la Révolution de Juillet 1830, tous les concours d’agrégation seront institués à l’échelle nationale ; Paris devenant le seul centre des épreuves.

DE NOUVELLES AGRÉGATIONS VOIENT LE JOUR.
En 1831, l’agrégation d’Histoire et Géographie voit le jour.
En 1841 l’agrégation de Sciences se scinde en une agrégation de Mathématiques et une agrégation de Physique.
En 1849, deux nouvelles agrégations voient le jour : l’agrégation d’Allemand et l’agrégation d’Anglais. Ces deux agrégations de langues vivantes sont créées par décret du 11 octobre 1848.

LE CERTIFICAT D’APTITUDE : ANNONCE DE L’AGRÉGATION DE LANGUE VIVANTE.
L’enseignement des langues vivantes, jusqu’alors facultatif, devient obligatoire dans les lycées, à partir de 1830. Le besoin de nouveaux personnels qualifiés se fait sentir.
Aussi un décret du 2 novembre 1841 instaure-t-il le < Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes >, avec les options allemand, anglais, italien, espagnol.
Cet examen qui ne demande aucune licence est ouvert directement aux bacheliers. Le certificat est délivré sur concours.
Seuls les titulaires de ce certificat peuvent désormais être nommés dans les collèges royaux et communaux [arrêté du 2 novembre 1841].

LA PRISE DE DÉCISION CONCERNANT L’AGRÉGATION.
Le 10 février 1849, un arrêté du ministre de l’Instruction publique et des cultes, faisant suite à une délibération du Conseil de l’Université du 2 février courant, établit un concours spécial d’agrégation pour l’enseignement des langues vivantes, pour l’allemand, l’anglais, l’italien, l’espagnol.
Mais l’agrégation d’italien et d’espagnol ne verra en réalité le jour qu’en 1900.
Les agrégés des langues vivantes seront assimilés en tout point aux agrégés des classes de grammaire des lycées, et jouiront des mêmes avantages.

LES FORMES DU CONCOURS D’AGRÉGATION.
Trois séries d’épreuves.
Première série d’épreuves : des compositions écrites. 1. une traduction du français en anglais ; 2. une traduction de l’anglais en français ; 3. une composition en prose étrangère d’après un sujet donné ; 4. une composition sur un sujet de critique philologique ou littéraire, écrite en langue française.
Deuxième série d’épreuves : des explications orales suivies d’observations présentées par les candidats.
Troisième : une leçon, également suivie d’observations.

L’arrêté du 30 mars 1849, après avis du Conseil de l’Université, fixe à trois le nombre de places pour l’agrégation d’anglais de 1849 [également trois pour la langue allemande]. Mais c’est finalement six candidats qui seront reçus et à l’agrégation d’anglais et à l’agrégation d’allemand.

LES AUTEURS DU PROGRAMME.
La liste des auteurs et des questions concernant la seconde et la troisième épreuve du concours d’agrégation d’anglais est définie par arrêté en date du 30 mars 1849 :
Shakespeare : Hamlet. Henri VIII. Romeo et Juliette.
Milton : Les cinq premiers chants du Paradis perdu.
Dryden : Les quatre premiers livres de la traduction de l’Énéide en vers anglais.
Pope : Les quatre premiers chants de la traduction de l’Illiade.
Otway : Venise sauvée.
Bacon : Moral Essays.
Swift : La Bataille des Livres.
Sterne : Voyage sentimental.
Johnson [Sam.] : Les vies des poètes anglais.
Ferguson : History of the progress and fall of the Roman Republic.

  1. LE JURY DE LA PREMIERE AGRÉGATION D’ANGLAIS.
    Les juges du concours sont nommés par le ministre de l’instruction publique, après avis du Conseil de l’Université. Au nombre de trois au moins, de cinq au plus, y compris le président.
    Le jury d’anglais est présidé par Épagomène Viguier [1793-1867], Inspecteur général honoraire, Conseiller ordinaire de l’Université.
    Assisté par : Philarète Chasles [1798-1873]. Membre de l’Institut, professeur du collège de France ; Frédéric Eichoff [1799-1875]. Professeur à la Faculté des Lettres de Lyon.

[Augustin Nicolas] Épagomène Viguier [1793-1867].
Né le 19 octobre 1793, à Paris ; mort le 11 octobre 1867, à Précy-sur-Oise [Oise].
Élève du collège Charlemagne, pensionnaire de l’Institution Lepître.
Ancien élève de la seconde promotion de l’École normale [1811].
Professeur suppléant de cinquième au lycée Charlemagne.
Docteur ès-lettres [Paris, 1814], avec une thèse latine De praecipuis errorum causis [Paris : Typis Fain. In-4, 23 p., 1813], et une thèse en français : Du Principe et de l’esprit des lois du goût appliqués à la littérature [Paris : Fain. In-4, 64 p., 1814].
Maître de conférences de littérature à l’Ecole normale [1815-1822] jusqu’à la fermeture de l’École. Collabore aux Archives philosophiques [juillet 1817-décembre 1818], puis au journal Le Globe, organe du parti libéral fondé en septembre 1824 par Paul François Dubois.
Membre du jury d’agrégation des lettres de 1821 à 1847.
Membre du jury d’agrégation de philosophie en 1835.
Après la Révolution de Juillet, inspecteur de l’académie de Paris [1830-14 septembre 1835], en remplacement de François Becquey [1759-1834], puis directeur des études à l’École normale [14 septembre 1835], en même temps que maître de conférences en Langue et littérature grecques [1835-1839].
Associé à des tournées d’inspection générale dès 1833. Inspecteur général des études, comme adjoint [29 novembre 1837], puis titulaire [17 mai 1839-8 septembre 1848], en remplacement de Paul François Dubois, devenu membre du Conseil royal de l’Université.
Nommé conseiller ordinaire de l’Université [30 décembre 1848].
Président du premier concours d’agrégation d’anglais [septembre 1849].

Philarète Chasles [1798-1873].
Né le 6 octobre 1798, à Mainvilliers [Eure-et-Loir] : mort le 10 juillet 1873, à Venise [Italie].
Docteur ès-lettres [Paris, 1841], avec une thèse latine De teutonicis latinisque linguis seu quo nexu inter se olim cohæserint, et quid discriminis, per varia temporum et locorum spatia, incurrerint [Paris.74 p., 1841] et une thèse en français : De l’Autorité historique de Flavius-Josèphe [Paris. 80 p., 1841].
Bibliothécaire à la Bibliothèque Mazarine [1837-1873]
Professeur du collège de France, premier titulaire de la chaire de Langues et littératures d’origine germanique [1841-1853 et 1870-1873] et de la chaire de Langues et littératures étrangères de l’Europe moderne, en fusion avec la chaire d’Edgar Quinet [1853-1870].
A été régulièrement chaque année, depuis 1842, le président du jury pour le Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes.

Frédéric Eichoff [1799-1875].
Né le 18 août 1799, au Havre [Seine-Inférieure] ; mort le 10 mai 1875, à Melun [Seine-et-Marne].
Répétiteur et préfet des études à Paris, à l’institution Massin.
Docteur ès-lettres [Paris, 1826], avec une thèse latine De Memoria [Paris : Dondey-Dupré. In-4, 12 p., 1826], et une thèse en français : Hésiode [Paris : Dondey-Dupré. In-4, 16 p., 1826].
De 1827 à 1833, répétiteur d’allemand des enfants du duc d’Orléans.
En 1832, nommé Bibliothécaire de la reine Marie-Amélie.
Professeur suppléant de Claude Fauriel [1772-1844] en Littérature étrangère à la Faculté des Lettres de Paris [1839-1840].
Chargé de cours supplémentaire en Grammaire comparée à la Faculté des Lettres de Lyon [1841-1844].
Nommé, en 1842, dans la chaire de Littérature étrangère de la Faculté des Lettres de Lyon, comme chargé des fonctions de professeur en remplacement d’Edgar Quinet, nommé au Collège de France. Puis professeur en titre [1843-1855].
En octobre 1842, sous la présidence de Philarète Chasles, fait partie, avec Ozanam professeur suppléant à la Faculté des Lettres de Paris, de la Commission chargée d’examiner les aspirants inscrits pour l’enseignement de la langue anglaise dans les collèges de l’Université.
Est nommé, en septembre 1849, membre du premier jury d’agrégation d’anglais, auprès d’ Épagomène Viguier président, et de Philarète Chasles.
Supprimée en 1852, comme toutes les autres agrégations, l’agrégation d’anglais n’est rétablie qu’en 1866. Frédéric Eichoff est vice-président du jury d’agrégation des langues vivantes.
Frédéric Eichoff sera ultérieurement chargé de conférences de Littérature étrangère [allemand] à l’École normale supérieure.
Admis à la retraite en 1862.
Reçoit le titre d’inspecteur d’académie honoraire.
Membre correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres [24 décembre 1847].

LES AGRÉGÉS DU 30 SEPTEMBRE 1849.
Six agrégés, dans l’ordre de classement : John Watson [1799-1856] ; Charles Witcomb [1818-NNN] ; Alexandre Spiers [1808-1869] ; Jules Dominique Méliot [1808-1873] ; John Beamish ; Benjamin Laroche [1797-1852].

John Watson [1799-1856].
Né le 8 mars 1799, à Rathfarnhman [Irlande].
Lettre de naturalisation du 5 avril 1841.
Bibliothécaire de la ville d’Orléans [1839-1856]. Maître d’anglais au collège royal d’Orléans.
Titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé premier sur quatorze°, 10 octobre 1842].

Charles Witcomb [1818-NNN].
Né le 12 février 1818, à Gosport [Angleterre].
Chargé du cours d’anglais à l’École normale supérieure, en 1842.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé premier sur quatorze°, 15 octobre 1844].
Puis, après l’agrégation, maître de conférences de langue et littérature anglaise à l’École normale supérieure, en 1849, en remplacement de [John] Francis Churchill, qui après avoir assuré une conférence supplémentaire d’anglais [novembre 1845], était titulaire de la chaire définitivement établie le 1er octobre 1846.
Charles Witcomb est en fonction, jusqu’au 21 octobre 1882, date à laquelle est admis à faire valoir ses droits à la retraite. Sera remplacé par Charles [François] Lerambert [1819-1889], inspecteur d’académie, chargé des fonctions d’Inspecteur général des langues vivantes [1871-1882].
En même temps, de 1849 à 1882, professeur d’anglais à Saint-Louis, Bonaparte, au lycée Rollin

Alexandre Spiers [1808-1869].
Né en 1808, à Gosport [Angleterre] ; mort le 26 août 1869, à Passy [Seine].
Maître d’anglais à Paris, au lycée impérial Bonaparte [Condorcet].
Professeur d’anglais à l’École nationale des Ponts et Chaussées.

Jules Dominique Méliot [1808-1873].
Né le 18 janvier 1808, à Dieppe [Seine-Inférieure] ; mort le 8 octobre 1873.
Maître d’anglais au lycée de Rouen.
Puis professeur d’anglais à Paris, au lycée impérial Louis-le-Grand.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé cinquième sur dix-huit, le 7 octobre 1846].

John Beamish.
Chargé de l’enseignement de la langue anglaise au collège de Dinan. Nommé le 20 octobre 1844, maître d’anglais au collège royal de Laval. Maître d’anglais au collège de Valenciennes [janvier 1847].
Chargé de cours d’anglais au lycée de Belfort.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé cinquième sur quatorze, 15 octobre 1844].

Benjamin Laroche [1797-1852].
Exilé à Londres, compte tenu de son opposition à la Restauration, revient en France en 1827.
Maître d’anglais à Paris, au lycée Napoléon [Louis-le-Grand].
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé troisième sur quatorze, le 10 octobre 1842].
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B. Laroche est entre autre le traducteur des Oeuvres complètes de Lord Byron [Charpentier. 1835] , et des Oeuvres complètes de Shakespeare [C. Gosselin. 1843].

LES CANDIDATS RECOMMANDÉS.
Comme il est d’usage, le président du jury d’agrégation, dans son rapport rédigé le dernier jour de la session [23 septembre 1849], et adressé au ministre de l’Instruction publique et des Cultes [par interim Victor Lanjuinais], E. Viguier indique sept des candidats, qui bien que refusés, < peuvent être mentionnés honorablement > : Spry ; Antoine Ruelle ; Morgan ; Timothey Lane ; Melleville. ; Bartkowsky ; Pierre Louis Nicolaï.

Spry.
Bachelier.
Maître d’anglais au collège du Havre.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé troisième sur neuf, 3 octobre 1848].

[Marc] Antoine [François] Ruelle [1809-1886].
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé huitième sur quatorze, 15 octobre 1844].
Sera reçu à l’agrégation d’anglais en 1851 [troisième sur cinq].
Ultérieurement proviseur du lycée d’Alger.

Morgan.

Timothey Lane.
Sera reçu à l’agrégation d’anglais en 1851 [quatrième sur cinq].

Melleville.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé troisième sur quatorze, 15 octobre 1844].

Bartkowsky.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [classé second sur neuf, 3 octobre 1848].
Chargé de l’enseignement de l’allemand au lycée de Dijon.
Chargé de cours d’anglais au lycée impérial de Metz.
En mai 1864, chargé de cours d’anglais au lycée impérial de Nancy, en remplacement de Hegewald, en congé d’inactivité.

Pierre Louis Nicolaï.
Second maître d’anglais au collège Rollin.
Déjà titulaire du Certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes [10 octobre 1842].