Pastoret [2] et l’Ancien régime

Pastoret,  [Claude] Emmanuel [Joseph Pierre].
[1755-1840].
Né [et baptisé] le 24 décembre 1755, à Marseille, Saint Martin [Provence, aujourd’hui département des Bouches-du-Rhône] ; mort le  28 septembre 1840, à Paris.
Certaines notices consacrées à Emmanuel Pastoret indiquent parfois, par erreur, le 6 octobre 1756 comme date de naissance.
Jurisconsulte et homme politique.

SA FAMILLE.
Son  père est Jean Baptiste Pastoret, avocat, lieutenant particulier de l’Amirauté de Marseille, procureur du tribunal de police de Marseille. Sa mère est née Marguerite Graille.
Il est le deuxième enfant d’une famille de trois. Son frère aîné est Antoine Joseph, conseiller de préfecture des Bouches-du-Rhône. Sa sœur cadette est Anne, mariée à Marseille.

ÉTUDES.
Études au collège de Marseille, puis à Lyon au collège de Tournon, repris par les Oratoriens, à la suite de l’expulsion des Jésuites en novembre 1764.
Études de droit à Aix, où il est reçu avocat.

1777. PARTICIPATION À LA VIE DE LA HAUTE SOCIÉTÉ PARISIENNE.
Emmanuel Pastoret, alors qu’il est âgé de vingt-deux ans, est envoyé à Paris.

Le baron Charles Athanase Walckenauer [1771-1852], secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions, dans la Notice historique sur la vie et les ouvrages de Pastoret, qu’il lira le 30 juillet 1847 dans la séance annuelle de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres, sept ans après la mort de Pastoret, explique les conditions de ce séjour :

1.M. Jean Baptiste de Belloy [1709-1808] évêque de Marseille depuis 1756 fournit une recommandation auprès de M. de Malesherbes, qui a été Président de la cour des Aides en 1850. 

2. M. Charles Pierre Claret, comte de Fleurieu [1738-1810], capitaine de frégate, directeur des ports et arsenaux depuis en janvier 1777, ami du père d’Emmanuel Pastoret, fournit une lettre de recommandation auprès de d’Alembert.

Grâce à Malesherbes, Emmanuel Pastoret est mis en rapport avec Anne Robert Jacques Turgot [1727-1781] ; la famille Lamoignon ; Charles Louis François de Paule de Barentin [1738-1819] ; le président du Parlement de Paris Bochard de Sarron [1730-1794] ; Anne César chevalier de la Luzerne [1741-1791] ; Louis de Noailles,  duc d’Ayen [1713-1793] ; Auguste de Choiseul-Gouffier [1752-1817] ; Clément de Laverdy [1723-1793], ancien Contrôleur général des finances ; le poète Jacques Delille [1783-1813], titulaire de la chaire de poésie latine au collège de France.
Grâce à d’Alembert, Emmanuel Pastoret est mis en rapport avec le naturaliste Georges de Buffon [1707-1788] ; le naturaliste Bernard Germain Lacépède [1756-1825] ; l’astronome Jean Sylvain Bailly [1736-1793], futur maire de Paris ; l’astronome Joseph Jérôme Lalande [1732-1807] ; le chimiste Antoine Lavoisier [1743-1794] ; le mathématicien et astronome Pierre Simon Laplace [1749-1827].

1779. ÉLOGE DE VOLTAIRE.
 Voltaire [1694-1778], élu membre de l’Académie française [1746], meurt le 30 mai 1778.
Emmanuel Pastoret participe  au concours organisé par l'Académie française pour le prix d’éloquence de 1779 concernant l’Éloge de Voltaire.
Pastoret n’obtient pas le prix, mais cependant édite son texte : [Amsterdam ; Paris : Demonville. In-8, 20 p., 1779].
C’est La Harpe [1739-1803] qui gagne le prix, mais il le remporte sous le voile de l’anonymat, car il est académicien.

1779-1781. VOYAGES À L’ÉTRANGER.
Emmanuel Pastoret voyage pendant deux ans à l’étranger : Suisse ; Italie [Venise] ; Allemagne [Weimar] ; Hollande. Il visite les universités, y travaille, se lie à des personnalités. Il revient par moments à Paris.

28 MARS 1781. CONSEILLER À LA COUR DES AIDES DE PARIS.
Malesherbes apporte son soutien à Emmanuel Pastoret, alors avocat, qui achète par l’intermédiaire de son père, pour une somme d’environ 110 000 livres, une charge à la Cour des Aides de Paris.  
Cette cour juge, en dernier ressort, les appels des jugements des juridictions fiscales inférieures, les affaires issues du contentieux relatif aux impositions (tailles, aides, traites, gabelles, droits d’octroi), des contentieux sur les fermes et des litiges relatifs aux exonérations fiscales. La cour juge également de la noblesse des personnes.
Recréée en novembre 1774, la cour des Aides cessera ses fonctions le 22 janvier 1791.
Pastoret est tout d’abord [1781] conseiller du roi en sa Cour des aides à Paris. Le 18 août 1787, Pastoret y combat, avec succès, l’enregistrement d’un édit qui avait été déjà refusé par le Parlement de Paris, ce qui avait déjà valu à ce dernier d’être exilé à Troyes.  
Puis le 17 décembre 1788, Emmanuel Pastoret est nommé Maître des requêtes de l’Hôtel du roi.

1781. TRIBUTS OFFERTS À L’ACADÉMIE DE MARSEILLE.
Emmanuel Pastoret édite un recueil de poésie : Tributs offerts à l'Académie de Marseille, par M. de Pastoret, Conseiller à la Cour des Aides de Paris, membre de cette Académie [Paris : chez Jombert jeune, rue Dauphine. In-12, 33 p., 1782]. Permis d’imprimer au 25 octobre 1781.

L’ouvrage rassemble quelques poésies écrites vers 1779 :
1.Les Sociétés de Paris. Épître morale.
2. La Servitude abolie dans les domaines du Roi sous le règne de Louis XVI.
3. Les Comédiens de campagne.
4. L’Idée de la mort, épître morale.

Emmanuel Pastoret sera élu membre de l’académie de Marseille en 1782.

1782. MEMBRE DE L’ACADÉMIE DE MARSEILLE.
Créée par lettres patentes en 1726, l’Académie des Belles-Lettres de Marseille devient en 1766 Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Marseille.
L’Académie de Marseille, à travers les prix qu'elle décerne et les ouvrages qu'elle publie se donne pour mission de défendre la langue française et promouvoir le rayonnement de l'image de Marseille et de la Provence.
Emmanuel Pastoret en est élu membre en 1782.

19 AVRIL 1782. REÇU DANS LA LOGE DES NEUF SŒURS.
Comme en témoigne le diplôme qui lui est remis, Emmanuel Pastoret est reçu le 19 avril 1782, dans la loge maçonnique des Neuf-Sœurs, du Grand-Orient de France, dont le nom est un hommage aux neuf muses. Il en sera premier orateur le 23 mai 1783, et à ce titre, à partir de cette date, prononce plusieurs discours de réception. Notamment un discours le 22 décembre 1783, pour les affiliations d’Honoré Gabriel Riquetti Mirabeau [1749-1791], de l’homme de lettres Étienne François de Lantier [1734-1826], d’Étienne Louis Billardon, abbé de Sauvigny [1734-1809].
Emmanuel Pastoret est vénérable de la loge [autrement dit son plus haut responsable] en 1787 et en 1788.

1783. DISCOURS EN VERS SUR LA MAGISTRATURE.
Emmanuel Pastoret publie en 1783 : Discours en vers sur l'union qui doit régner entre la magistrature, la philosophie et les lettres, suivi d'une lettre à M. de La Cretelle sur le danger de l'éloquence dans l'administration de la justice, par M. de Pastoret [… ]. [Paris : Jombert jeune. In-12, 29 p., 1783].
Il s’agit de Pierre Louis La Crételle avocat au Parlement de Paris, qui s’occupe de la rédaction de mémoires. Pastoret reproche aux avocats d’être plus éloquents que vrais.

21 AVRIL 1784. ASSOCIÉ ÉTRANGER DE L’ACADÉMIE D’ANGERS.
Emmanuel Pastoret reçoit le diplôme d’associé étranger de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres d'Angers, signé en date du 21 avril 1784.

1784. TRADUCTION DES ÉLÉGIES DE TIBULLE.
Traduit pendant son voyage en Italie, et édite de manière anonyme en 1784, les Élégies  du poète latin Tibulle : Les Elégies, traduction nouvelle [par M. de Pastoret]. [À Paris : de l'imprimerie de Philippe Denys Pierre, Imprimeur ordinaire du Roi, &c. Et se trouve chez Jombert jeune, Libraire, rue Dauphine. In-8, VIII-428-(5) pages. 1784. Avec approbation et privilège du Roi.]. Texte latin et traduction française en prose en regard.
Comporte une Préface : « Unir l’élégance à la fidélité, tel est sans doute le but que doit se proposer un Traducteur. L’ai-je atteint ? c’est au Public à en juger ».
Chaque élégie est suivie de Notes historiques et littéraires très détaillées avec des éclaircissements, des références aux mœurs antiques, et comprenant des imitations de Tibulle ou de fragments de traductions par d’autres auteurs.

1784. PRIX DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Concourt pour le prix de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres, à Pâques 1784, sur cette question : Quelle a été l'influence des loix maritimes des Rhodiens sur la marine des Grecs et des Romains, et l'influence de la marine sur la puissance de ces deux peuples.
Emmanuel Pastoret remporte le prix. Il fait éditer sa dissertation : De l’Influence des lois maritimes des Rhodiens sur la marine des Grecs et des Romains
 [À Paris : Chez Alexandre Jombert le jeune, rue Dauphine. In-8, 130 p., 1784].

13 DÉCEMBRE 1785. ÉLU À L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS.
Avec le soutien de Malesherbes, de Buffon, de Turgot, le 13 décembre 1785, Emmanuel Pastoret est élu associé ordinaire de l’Académie royale des Inscriptions et belles-lettres.
Le règlement de 1786, distingue alors les associés ordinaires [au nombre de quinze] nécessairement établis à Paris, ayant le même statut que les membres ordinaires, des associés libres [au nombre de vingt].
Parmi ces associés ordinaires on peut relever les noms de l’abbé Gaspard Michel Leblond [1738-1809], bibliothécaire à la Mazarine, élu associé en 1772 ; le philologue Joseph Dacier [1742-1833], élu membre associé en 1772, futur secrétaire perpétuel ; le latiniste Jean Dussaulx [1728-1799], élu associé en 1776 ;  Antoine Guenée [1717-1803] professeur de rhétorique à la Sorbonne, élu associé en 1778 ; le major Louis Félix Guinement de Kéralio [1731-1793], élu membre associé en 1780 ; l’helléniste Athanase Auger [1734-1792] élu associé en 1781 ; l’helléniste Jacques Nicolas Belin de Ballu [1753-1815], élu associé en 1787 ; Charles [François] Dupuis [1742-1809], professeur d’Éloquence latine au collège de France, élu associé en 1788 ;  Charles [Pierre] Levesque [1736-1812], professeur d’histoire, élu associé en 1789 ; l’helléniste et philologue Baptiste Gaspard d’Ansse de Villoison [1750-1805], élu associé en 1791.

1787-1788. VÉNÉRABLE DE LA LOGE DES NEUF-SŒURS.
Emmanuel Pastoret a été reçu le 19 avril 1782, dans la loge maçonnique des Neuf-Sœurs. En 1787-1788, il est élu Vénérable, autrement dit maître, de la loge des Neuf-Sœurs. La loge, fondée en 1776 par l’astronome Joseph Jérôme Lalande [1732-1807], est placée sous le patronage des Muses du Parnasse, les neuf filles de Zeus et de Mnémosyne. C’est dans cette loge que Voltaire a été initié le 7 avril 1778, à quatre-vingt-quatre ans, quelques semaines avant sa mort [30 mai 1778].
Les Vénérables successifs ont été : Joseph Jérôme Lalande [1776-1779] ; Benjamin Franklin [Mai 1779-mai1781] ; Adrien Nicolas La Salle [1781-1783] ; Nicolas Christiern de Thy de Milly [1783-1784] ; Jean Baptiste Mercier Dupaty [1784] ; Léonce Élie de Beaumont [1784-1785] ; Claude Emmanuel Pastoret [1788-1789].
La loge subsiste jusqu’en 1792. Puis se reconstitue en 1806, pour fonctionner jusqu’en 1852.

1787. PUBLICATION DE ZOROASTRE, CONFUCIUS ET MAHOMET.
Emmanuel Pastoret, avant d’être élu en décembre 1785 à l’Académie des Inscriptions, participe à nouveau à un concours proposé par l’Académie des Inscriptions et belles-lettres.
Il remporte le prix qu’il reçoit officiellement alors qu’il vient d’être élu.
Il publie son texte : Zoroastre, Confucius et Mahomet, comparés comme sectaires, législateurs et moralistes, avec le tableau de leurs dogmes, de leurs lois et de leur morale, par M. de Pastoret. [Paris : Buisson. In-8, IV-477 p ., 1787].
Réédité en 1788, avec la même pagination.
L’ouvrage est traduit [et adapté] en allemand, par  Franz Lorenz von Dombay [1758-1810], sous le titre :
Auszug der Lebensgeschichte des Propheten Mohammeds mit Bezug auf dessen Religions-politische und moralische Gesetze, von Franz von Dombay [Agram : Verlag der k. k. bischöflichen Buchhandlung. In-16, IV-208 p., 1795].

1788. PUBLICATION DE MOÏSE CONSIDÉRÉ COMME LÉGISLATEUR.
Moyse, considéré comme législateur et comme moraliste, par M. de Pastoret, conseiller de la Cour des Aides, de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, de celles de Madrid, Florence, Cortone, etc., etc. [Paris : chez Buisson, Libraire, Hôtel de Coetlosquet, rue Hautefeuille, n°20. In-8, 2 ff.n.ch., 599 p., 1788. Sous le Privilège de l’Académie royale des Inscriptions et belles-lettres].

17 DÉCEMBRE 1788. MAÎTRE DES REQUÊTES À LA COUR DES AIDES.
Emmanuel Pastoret est nommé Maître des requêtes à la Cour des Aides le 17 décembre 1788.

Pendant quelque temps, il est le directeur général des travaux relatifs à la législation et à l’histoire. Il est « conseiller du roi » en 1789. Et reçoit de ce dernier l’ordre de lire tous les cahiers de doléances, pour lui en rendre compte. [cf. Fernande Bassan].

Il restera maître des requêtes à la cour des Aides jusqu’à la Révolution, qui supprime le système des offices vénaux. Il recevra en 1790 le remboursement de ses charges ; en mars comme maître des requêtes et en juillet comme conseiller, soit près de cent soixante dix mille livres.

1788. SOCIÉTÉ DES AMIS DES NOIRS.
Jacques Pierre Brissot [1754-1793] crée en France, en 1788, une Société des amis des noirs à l’imitation de la Société anglaise de l’abolition de la traite des Noirs, créée en 1787. Cette société commence ses travaux au mois de février 1788. Pastoret en est membre.
En effet, si Étienne Clavières [1735-1793] futur ministre des Finances, et Honoré Gabriel Riquetti de Mirabeau [1749-1791], bientôt député du Tiers, sont parmi les membres signataires du procès-verbal de la première séance, La Fayette, Bergasse, La Rochefoucauld, Lacépède, Volney, Destutt de Tracy, Lavoisier, Pastoret, Pétion, Sieyès, puis l’abbé Grégoire, sont au nombre des membres les plus actifs.

14 juillet 1789. MARIAGE AVEC ADÉLAÏDE ANNA LOUISE PISCATORY.
Le 14 juillet 1789, Emmanuel Pastoret épouse Adélaïde Anna Louise Piscatory [1765-1843], avec qui il est fiancé depuis 1788.
Son épouse est née à Paris [Saint-Eustache] le 9 mars 1765. Elle est la fille de Pierre Joseph Piscatory de Vaufreland [1729-1799] négociant à Marseille, puis banquier à Paris,  et de Marie Adélaïde Rouillé de l’Étang. Son oncle, Rouillé de l'Estang, n’ayant pas d’enfant en fait son héritière.
Les jeunes mariés viennent habiter l’hôtel sis place Louis XV [aujourd’hui place de la Concorde], au numéro six, hôtel construit en 1775, et  appartenant depuis cette date à son oncle, Rouillé de l'Estang, écuyer, secrétaire du roi, trésorier-général des deniers de la Police, [et aujourd’hui siège de l’Automobile club].
Marie Adélaïde Rouillé décédera quelques années après son mari, le 26 septembre 1843, au château de Fleury, à Meudon [Seine et Oise], où la famille s’était retirée après 1830.
Un contrat de mariage avait été signé les 21 juin et 8 juillet devant maître Gibert, notaire à Paris, signé de leurs Majestés et de la Famille royale.

jjb 05-2010