Bordeaux : Toucas de Poyen, premier professeur de philosophie

L'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen [1755-1835] est le premier professeur de philosophie nommé au lycée impérial de Bordeaux [Gironde, académie de Bordeaux]. Il y enseigne sur toute la période qui va de fin 1809 à 1830. De 1810 à 1815, est en même temps professeur suppléant de Philosophie à la Faculté des Lettres.

Né le 6 avril 1755, à Bordeaux [Guyenne, actuellement département de la Gironde] ; mort le 9 juin 1835, à Bordeaux [Gironde].
1808-1810. L'ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE DANS LES LYCÉES.
L'article 5, du titre 1er, du décret impérial du 17 mars 1808, portant organisation de l'Université, définit l'ordre des écoles et leurs fonctions spécifiques, au nombre de six : Facultés ; Lycées ; Collèges, écoles secondaires communales ; Institutions, écoles tenues par des instituteurs particuliers ; Pensions, appartenant à des maîtres particuliers ; Petites écoles, écoles primaires.
Aux Lycées revient l'enseignement de la Logique, indiqué dans la liste des matières enseignées : Langues anciennes, Histoire, Rhétorique [anciennement Belles-Lettres], Logique, et les éléments des Sciences mathématiques et physiques. 
Cet enseignement de la Logique est à comprendre encore dans l'esprit de la Grammaire générale, entendue au sens des Idéologues, comme analyse du jugement. 
Une inflexion du contenu de l'enseignement, dans un sens plus conforme à la tradition des collèges royaux d'avant la Révolution française, apparaît dans le règlement du 19 septembre 1809, qui organise l'enseignement. 
L'article 5 indique : « Il y aura une année de philosophie dans les lycées chefs-lieux d'académies ». Soit trente-cinq lycées situés dans les frontières, et hors frontières, de la Révolution.
L'article 17 du règlement du 19 septembre 1809 détermine avec précision la matière de cet enseignement.
Ainsi, c'est à partir de cette date que se met en place, dans les lycées de l'Empire, un enseignement de philosophie comprenant : les principes de la Logique, de la Métaphysique, de la Morale ; ainsi que l'Histoire des opinions des philosophes. 
Le cours est prononcé soit en latin soit en français. Il est confié à un professeur spécifique, à raison de quatre leçons par semaine, de deux heures chacune. Il est indiqué également : Le professeur fera composer ses élèves sur des matières philosophiques.
Pour le traitement et le rang, le professeur de philosophie est un professeur de premier ordre, comme celui de mathématiques transcendantes et de rhétorique.
« Les professeurs de premier ordre des lycées des chefs-lieux d'académie sont professeurs de faculté, et en prendront rang hors du lycée ; mais ils n'en seront pas moins subordonnés au proviseur dans l'intérieur de la maison ».
Enfin, un arrêté du 10 février 1810 décide une extension : « Il sera établi des chaires de philosophie dans tous les lycées qui ne sont pas placés dans les chefs-lieux d'Académies ».
LA DÉMARCHE DE LAROMIGUIÈRE.
Cette réintroduction de l'enseignement de la philosophie se fait vraisemblablement à la suite d'une démarche de Pierre Laromiguière [1756-1837], auprès de l'abbé Martial Borye Desrenaudes [1755-1825], l'un des dix conseillers titulaires du Conseil de l'Université, créé par le décret impérial du 17 mars 1808. 
Démarche complétée par une lettre à Louis de Fontanes [1757-1821], Grand-Maître de l'Université, nommé par un autre décret du 17 mars 1808. Texte dont rend compte François Mignet, dans sa Notice historique sur Laromiguière [1862]. 
C'est ce qu'indique clairement, Prosper Alfaric, dans son ouvrage : « Laromiguière et son École. Étude biographique » [Paris : Les Belles-Lettres. 1929. pages 63 sq.].
1809-1830. PROFESSEUR AU LYCÉE, PUIS COLLÈGE ROYAL, DE BORDEAUX.
C'est dans ce cadre que, pendant vingt ans, l'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen, est le premier professeur de philosophie au lycée de Bordeaux [classé lycée de première classe], à partir de la fin de l'année 1809. Il y reste en poste, comme professeur de philosophie, jusqu'en novembre 1830.
En 1809 les lycées de première classe sont ceux de : Bordeaux ; Bruxelles ; Lyon ; Marseille ; Mayence ; Rouen ; Strasbourg ; Turin ; Versailles.
En novembre 1830, l'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen, est remplacé dans la chaire de philosophie du collège royal de Bordeaux par Paul Jean Ladevi-Roche [1794-1871].
PROFESSEURS DE PHILOSOPHIE DU LYCÉE, PUIS COLLÈGE ROYAL, DE BORDEAUX.
Les différents professeurs de philosophie au lycée, puis collège royal, de Bordeaux, sont successivement :
L'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen de fin 1809 à novembre 1830 ; Paul Jean Ladevi-Roche, de novembre 1830 à 1841 ; Ernest Bersot [1816-1880] entre 1841 et fin 1843 ; Louis Lefranc [1808-1872], de fin 1843 jusqu'en octobre 1845.
Ainsi on voit que le type de recrutement des professeurs de philosophie à Bordeaux se modifie en fin 1830 avec la nomination de Paul Jean Ladevi-Roche [1794-1871].
Dans un premier temps, de 1809 à 1830, l'enseignement de philosophie dans les lycées est assuré le plus souvent par des prêtres, qui sont parfois en même temps aumônier de leur lycée.
Paul Jean Ladevi-Roche lui est un ancien élève de l'École normale [1818]. Il est agrégé des lettres [Paris, 1821] ; docteur ès-lettres [Paris, 1829].
Cette nomination d'un professeur venant de l'École normale contribue à la laïcisation du corps des professeurs de philosophie et assure généralement l'homogénéisation des contenus d'enseignement, le plus généralement dans l'esprit du spiritualisme de Victor Cousin [1792-1867]. Encore que Paul Jean Ladevi-Roche finira par s'écarter des doctrines de Cousin.
1810-1815. PROFESSEUR SUPPLÉANT À LA FACULTÉ DES LETTRES DE BORDEAUX.
Selon la norme de l'époque, sa position de professeur de philosophie [professeur de première classe] au lycée de Bordeaux pourrait amener l'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen à être professeur titulaire de la chaire de Philosophie à la Faculté des Lettres de Bordeaux.
Il se contentera de la position de professeur suppléant [1810-1815] auprès du titulaire Victor de Sèze [1754-1830], [dont le nom s'écrit à l'époque : Desèze], docteur en médecine et ancien professeur d'Histoire à l'École centrale du département de la Gironde.
Victor de Sèze cumule plusieurs fonctions. Il est tout d'abord [20 juillet 1809] nommé professeur titulaire de la chaire de Philosophie à la Faculté des Lettres de Bordeaux, et en même temps Doyen de la Faculté.
Quelques semaines après [26 août 1809] est nommé le premier recteur de l'académie de Bordeaux, dont l'arrondissement s'étend sur les départements de la Charente ; de la Dordogne ; de la Gironde.
L'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen reste en poste à la Faculté, comme professeur suppléant, jusqu'au 31 octobre 1815.
En effet, la Faculté des Lettres de Bordeaux est supprimée, par un arrêté de la Commission de l’Instruction publique du 31 octobre 1815, commission présidée par Pierre Paul Royer-Collard [1763-1845], arrêté confirmé par l’ordonnance royale du 18 janvier 1816. La Faculté de Théologie est maintenue. 
C'est l'une des dix-sept Facultés des Lettres supprimées [Amiens ; Bordeaux ; Bourges ;  Cahors ; Clermont ; Douai ; Grenoble ; Limoges ; Lyon ; Montpellier ; Nancy ; Nîmes ; Orléans ; Pau ; Poitiers ; Rennes ; Rouen].
La Faculté des Lettres de Bordeaux est rétablie par l'ordonnance du 24 août 1838.
La chaire de Philosophie est confiée à Paul Ladevi-Roche, comme chargé du cours [1838-1839], puis comme professeur titulaire [1840-1855]. 
CURRICULUM.
Les éléments du < curriculum > de l'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen sont fournis par le site : facultes19.ish-lyon.cnrs.fr/prof_facultes_1808_1880.php, qui a constitué une base de données en ligne sur « Les chaires des Facultés de Lettres et de Sciences en France au XIXème siècle ».
On y apprend que, de 1774 à 1783, Antoine Marie Toucas de Poyen est professeur de Philosophie au séminaire d'Autun [devenu aujourd'hui Lycée militaire d'Autun, en Saône-et-Loire].
Puis de 1783 à 1788, professeur de Théologie au séminaire d'Oléron, en même temps qu'il est juge ecclésiastique [official] de l'évêque.
Déporté pendant la Révolution française, l'abbé Antoine Marie Toucas de Poyen est signalé en France, en 1803, comme curé de la paroisse Saint-Pierre à Bordeaux. 
BIBLIOGRAPHIE.
La bibliothèque Municipale de La Rochelle, dans son fonds ancien [Cote 22 161 C] dispose d'une brochure de Toucas-Poyen, curé de Talence : Protestation de M. le curé de Talence [Toucas-Poyen] contre les faux bruits qui ont couru sur son compte relativement à sa prétendue prestation du serment civique [24 mars 1791] [In-8, 4 p., s. l. ; s. d. ].
De même [Cote 22 163 C], brochure de Toucas-Poyen, curé de Talence : Défense de la protestation de M. le curé de Talence [Toucas-Poyen] pour servir de réplique à la réponse de MM. de Villebcis, Grassi et Larré, électeurs [31 mars 1791] [In-8, 8 p., s. l. ; s. d. ]. 
SITOGRAPHIE.
Les chaires des Facultés de Lettres et de Sciences en France au XIXème siècle :
facultes19.ish-lyon.cnrs.fr/prof_facultes_1808_1880.php