Le premier concours de philosophie de l’Académie des Sciences morales

L'Académie des Sciences morales et politiques, dès sa reconstitution en octobre 1832, veille à renouer avec sa tradition de concours richement dotés, pour chacune de ses cinq sections : Philosophie ; Morale ; Législation, droit public et jurisprudence ; Économie politique et statistique ; Histoire générale et philosophique. On trouvera ci-dessous, les résultats du premier concours de philosophie sur Aristote.

SOURCES.
Depuis janvier 1842, soit un peu moins de dix ans après sa reconstitution, l'Académie des Sciences morales et politiques, publie chaque année un compte rendu très détaillé des Séances et travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques.
Le dépouillement de ces comptes-rendus, parus annuellement, rédigés par Charles Vergé et M. Loiseau, puis par Charles Vergé seul, sous la direction de François Mignet, secrétaire perpétuel de l'Académie [Paris : Alphonse Picard, libraire-éditeur, 82 rue Bonaparte], permet d'accéder aux informations concernant l'ensemble des concours proposés régulièrement par les différentes sections.

D'autre part, en décembre 1901, l'Académie des Sciences morales et politiques a fait paraître, sous le titre Concours de l'Académie, la liste intégrale des « sujets proposés, prix et récompenses décernés, liste des livres couronnés ou récompensés », pour la période 1834-1900 [Paris : Imprimerie nationale. in-8, 260 p., décembre 1901].

C'est à partir de ces deux sources, complétées succinctement d'informations biographiques et bibliographiques, que sont repris les renseignements portant  sur le premier concours de Philosophie de l'Académie concernant l'Examen critique de l'ouvrage d'Aristote, intitulé Métaphysique.

1833. Prix du Budget.
EXAMEN CRITIQUE DE L'OUVRAGE D'ARISTOTE, INTITULÉ : MÉTAPHYSIQUE.

Le sujet : Examen critique de l'ouvrage d'Aristote, intitulé Métaphysique, sur proposition de Victor Cousin, est mis au concours le 22 juin 1833. Il est adopté le 10 août 1833. Le terme est fixé au 31 décembre 1834.

Le montant du prix est fixé à mille cinq cents francs.

PROGRAMME.
Le programme est défini de la manière suivante :
1. Faire connaître cet ouvrage par une analyse étendue et en déterminer le plan.
2. En faire l'histoire, en signaler l'influence sur les systèmes ultérieurs dans l'antiquité et dans les temps modernes.
3.Rechercher et discuter la part d'erreur et la part de vérité qui s'y trouvent, et quelles y sont les idées qui subsistent encore aujourd'hui ou qui pourraient entrer utilement dans la philosophie de notre siècle.

Neuf mémoires ont été remis.

RAPPORT.
Le rapport de Victor Cousin est lu dans les séances des samedis 4 et 11 avril 1835.

Publié dans les Mémoires de l'Académie royale des Sciences morales et politiques de l'Institut de France, 1837, tome I [deuxième série], p. 381-472. [Paris : de l'Imprimerie de Firmin Didot frères et Cie. Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, n° 56. In-4, 638 p., 1837].

PREMIER PRIX DÉCERNÉ À FÉLIX RAVAISSON.
Le prix est décerné à Félix Ravaisson, « qui a remporté, il y a deux ans, le prix d'honneur de philosophie au concours général des collèges de Paris », étudiant à la Faculté des Lettres de Paris.

Mémoire n°9, in-folio 281 pages. [Archives de l'Institut].

Félix Ravaisson [1813-1900], agrégation de philosophie en 1836, docteur ès-lettres [Paris, 1838], Inspecteur général des bibliothèques une première fois en 1839 [1839-1845], puis une nouvelle fois en 1847 [1847-1852], Inspecteur général de l'enseignement supérieur, pour les lettres [1852-1888].

Membre ordinaire de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres, élu le 9 novembre 1849 ; membre titulaire de l'Académie des Sciences morales et politiques, dans la section de Philosophie,  élu le 30 avril 1881.

Le 29 novembre 1884, Félix Ravaisson présente le rapport sur le Scepticisme dans l'antiquité grecque [Prix Victor Cousin, proposé en avril 1881] ; et le 5 août 1893,  présente le rapport sur l'Histoire et examen critique de la philosophie atomistique [Prix Victor Cousin, proposé en juin 1889].

DEUXIÈME PRIX DÉCERNÉ À KARL LUDWIG MICHELET.
Un deuxième prix, est décerné à Karl Ludwig Michelet, docteur en philosophie, professeur extraordinaire dans la faculté philosophique à Berlin, « déjà connu par plusieurs ouvrages estimés, entre autre une édition en deux volumes de la Morale d'Aristote [Aristotelis Ethicorum Nicomacheorum libri decem, Berolini, 1829-1835] et un traité sur la Morale d'Aristote [Die Ethik des Aristoteles, Berlin, 1827].

Mémoire n°5, sur feuilles volantes, in-4, 371 p. ; et une copie , qui paraît être de la main de l'auteur, sur cahier cartonné, in-4, 250 p., avec une préface de huit pages [Archives de l'Institut].

Karl Ludwig Michelet [1801-1893] et Victor Cousin [1792-1867] se connaissent de longue date. Victor Cousin l'a  rencontré une première fois à Berlin en 1825, au cours de son troisième voyage en Allemagne.
Après avoir été lauréat de l'Institut, plusieurs lettres sont échangées entre V. Cousin et K. L. Michelet entre avril et juillet 1835. En même temps, comme à son habitude, Cousin lui envoie ses tirés à part.
La correspondance se poursuit, d’autant que K. L. Michelet espère pouvoir venir enseigner en France dans une chaire à créer, par exemple au collège de France, sur la philosophie d’Aristote.
Il souhaite aussi concourir sur l’Examen critique de la philosophie allemande proposé par l’Académie des Sciences morales et politiques [décembre 1836]. Mais le prix, reporté à plusieurs reprises, sera finalement décerné en 1845 à Joseph Willm [1790-1853], Inspecteur de l'Académie de Strasbourg.
K. L. Michelet aimerait même devenir correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques. Mais, c'est Christian Auguste Brandis [1790-1867], et non Michelet, que Victor Cousin  fait élire comme correspondant en juin 1837, en remplacement de Friedrich von Schelling qui passe de correspondant [1834] à membre associé étranger [1835].

Tant et si bien que les relations se distendent. Et tandis que, vers 1847, V. Cousin finit par déclarer que la philosophie hégélienne a causé tous les maux dont la France et surtout l'Allemagne sont maintenant atteintes, K. L. Michelet lui adresse, en français, une lettre ouverte de protestation qui paraît dans la toute jeune revue d'Amédée Jacques : La Liberté de penser. [Vingt-troisième livraison, 15 octobre 1849].
http://pages.textesrares.com/index.php/Philo19/Hegel-ou-le-malheur-de-la-philosophie.html

MENTION HONORABLE À JOSEPH TISSOT.
Une mention honorable est décernée à Joseph* Tissot, agrégé de philosophie de l'année 1831, professeur de philosophie au collège royal de Dijon, « et qui est sur le point de publier une traduction de l'Histoire de la philosophie ancienne de Ritter ».

Mémoire n°51. Pli ouvert le 16 avril 1835. Manuscrit in-4, IV-196 pages, plus un grand tableau  [Archives de l'Institut].

Joseph Tissot [1801-1876], agrégé de philosophie de l'année 1831, docteur ès-lettres [Dijon, 1831]. Professeur de philosophie à Bourges [1834], puis au collège de Dijon. Futur chargé du cours [1836-1839], puis professeur titulaire de la chaire de Philosophie à la Faculté des Lettres de Dijon [1839-1870]. Doyen de la Faculté des Lettres de Dijon [1868].

Joseph Tissot participe à plusieurs concours de la section de Philosophie de l'Académie des Sciences morales et politiques : celui de 1833, sur l'Examen critique de l'ouvrage d'Aristote, intitulé Métaphysique, où  il obtient une mention honorable ; celui de 1835, sur l'Examen critique  de l'Organum d' Aristote, où il obtient une mention honorable ; celui de 1850, sur l'Examen critique des principaux systèmes modernes de Théodicée, où il obtient une mention honorable ; celui de 1866, Exposer la philosophie de Kant, où il reçoit le prix de mille cinq cents francs [partagé avec Théophile Desdouits]  ; celui de 1867, sur la Folie considérée au point de vue philosophique, où il reçoit une médaille de mille cinq cents francs.

Élu correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques, section de Philosophie, le 27 février 1869.

PUBLICATION DE RAVAISSON EN LIAISON AVEC SON MÉMOIRE.
Félix Ravaisson fait paraître en 1837 : Essai sur la Métaphysique d'Aristote, Ouvrage couronné par l'Institut [Académie des Sciences morales et politiques] par Félix Ravaisson. Tome I [Paris :  imprimé par autorisation du Roi, Imprimerie royale. In-8, VII-599 p., 1837]. Avec une citation d'Aristote, en grec. Métaphysique I, XII. Avec un Avant-Propos.

En 1846 : Essai sur la Métaphysique d'Aristote par Félix Ravaisson. Tome II [Paris : Librairie de Joubert, éditeur, rue des Grès-Sorbonne, 11 . In-8, VI-584 p., 1846].  Avec la même citation d'Aristote, en grec. Métaphysique I, XII.

Avec un texte préalable de deux pages, en date du 23 décembre 1845, dans lesquelles Ravaisson annonce le projet de quatre volumes : le deuxième volume que je publie aujourd'hui, se termine avec la philosophie ancienne.
Le troisième contiendra l'histoire de la Métaphysique, dans le Judaïsme, le Christianisme et l' Islamisme, en Orient et en Occident jusqu'à la fin du moyen âge.
Le quatrième volume contiendra l'histoire de la Métaphysique dans les temps modernes, et la Conclusion de tout l'ouvrage.

Il adresse aussi ses remerciements à « Hector Poret, mon ancien maître [qui] n'a cessé de me prêter, pour la révision des épreuves, le concours de son amitié et de son savoir. Je dois beaucoup à ses conseils et à ses soins. Qu'il me soit permis de l'en remercier ici ».
Ravaisson a été, en 1831-1832, dans la classe de philosophie, l'élève d' Hector Poret [1799-1864] au collège Rollin, alors que ce dernier, succédant à Jean Philibert Damiron, remplace Victor Cousin dans la chaire de la philosophie ancienne à la Faculté des Lettres de Paris.

Ce n'est qu'en 1953 que paraîtront des Fragments du Tome III [Hellénisme-Judaïsme-Christianisme] d'après des manuscrits inédits avec une introduction, publiés dans le cadre de sa Thèse complémentaire par Charles Devivaise [Paris : Librairie philosophique J. Vrin. In-8, 159 p.,1953].

PUBLICATION DE MICHELET EN LIAISON AVEC SON MÉMOIRE.
Karl Ludwig fait paraître en 1836 : Examen critique de l'ouvrage d'Aristote, intitulé Métaphysique. Ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques de l'institut royal de France, en l'année 1835 par Ch. L. Michelet. Docteur en philosophie, Professeur extraordinaire dans la faculté philosophique à l'Université de Berlin. J. A. M.  [Paris : à la Librairie grecque-latine-allemande-anglaise et départementale de J.-A. Mercklein, rue des Beaux-Arts, n° 11. In-8, XLVIII-322 p.,1836].
Comporte un long Avant-Propos du libraire-éditeur [reprenant le texte du Programme du concours, et la partie du rapport de V. Cousin consacré au Mémoire n°5, c'est à dire au Mémoire de Michelet] et une courte préface de K. L. Michelet, datée de Berlin, le 8 décembre 1835.

UNE NOUVELLE ORIENTATION DONNÉE PAR VICTOR COUSIN.
Depuis 1820, Victor Cousin a entrepris une série d'éditions savantes : celles des œuvres de Proclus, texte grec et commentaires en latin, six volumes, 1820-1827 ; traduction des œuvres de Platon, en treize volumes [1822-1840], traduction commencée en 1822, et dont le tome huit paraît en 1832 ; enfin, une édition des œuvres de Descartes, en onze volumes, menée à bien de 1824 à 1826.
Quant à l'édition des Oeuvres de Maine de Biran, elle est esquissée en 1832 et se poursuivra jusqu'en 1841.

Avec la Révolution de 1830, Victor Cousin occupe socialement une position dominante. Il est nommé, en août membre du Conseil royal de l’Instruction publique. Devient, pour de nombreuses années, président du jury d'agrégation de philosophie. En septembre, est nommé professeur titulaire dans la chaire d’Histoire de la philosophie ancienne à la faculté des Lettres de Paris.
Enfin, après s'être présenté une première fois en avril 1830, est élu à l'Académie Française le 18 novembre 1830.
Deux ans plus tard, en décembre 1832, est élu, sans difficulté majeure, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques reconstituée, où pendant plus de trente ans il va jouer un rôle majeur.

Avec le premier concours de philosophie de l'Académie des Sciences morales et politiques, qui renoue avec la tradition des prix de l'Institut de France, Victor Cousin cherche à donner une nouvelle orientation aux recherches qu'il patronne.

Depuis 1830, il n'enseigne plus à la Faculté des Lettres, où il se fait remplacer en 1830-1831 par Jean Philibert Damiron [1830-1831], puis l'année suivante, jusqu'en 1838, par Hector Poret [1831-1838].
Il ne conserve son enseignement qu'en troisième année de l'École normale. Et, en 1836, comme en témoigne Jules Simon : « Il ne fit pas autre chose que de lire avec nous le XII ème livre de la Métaphysique d’Aristote. Il fit de même en 1837 ».

De même plusieurs thèses de doctorat soutenues à Paris, à partir de 1836, sont consacrées à Aristote : la thèse latine de M. B. Jullien sur De physica Aristotelis ; la thèse française d' Étienne  Vacherot sur la Théorie des premiers principes d'Aristote. En 1837, la thèse française d' Amédée Jacques, sur Aristote considéré comme historien de la philosophie. En 1839, la thèse latine de Jules Simon De Deo Aristotelis.

En même temps Victor Cousin veille à inscrire La Métaphysique d'Aristote dans le programme du concours d'agrégation.

Aussi peut-on parler, à propos de Victor Cousin « d'un retour à Aristote ». http://pages.textesrares.com/index.php/Philo19/Victor-Cousin-et-le-retour-dAristote.html

LE DEUXIÈME CONCOURS SUR ARISTOTE.
Continuant dans la même orientation, deux ans plus tard, en 1835, pour un second Prix du Budget, Victor Cousin fait adopter un nouveau sujet de concours :  l'Examen critique de l' Organum d'Aristote.
Le prix sera remis en novembre 1837, à Jules Barthélemy Saint-Hilaire, qui a entrepris parallèlement le considérable travail de traduire la totalité des textes d'Aristote qui nous sont parvenus ; et qui en 1837 a déjà publié les deux volumes de sa traduction de la Politique d'Aristote traduite en français d'après le texte collationné sur les manuscrits et les éditions principales par J. Barthélemy-St-Hilaire [Paris : Imprimé par autorisation du Roi à l' Imprimerie royale. Deux volumes in-8, 1837].  
Ainsi, entre  août 1833 et novembre 1837, avec ces deux concours, ce seront onze mémoires sur Aristote déposés au secrétariat de l'Institut, dont cinq seront distingués par des prix ou des mentions.

ADOLPHE FRANCK ET L'ANALYSE ÉTENDUE DE L'ORGANUM.
Sans oublier le travail d'Adolphe Franck, hors délai pour remettre à temps son travail auprès de l'Académie des Sciences morales et politiques pour le second concours, mais qui, sous l'amicale pression de Victor Cousin, publie en 1838 : *Esquisse d'une histoire de la logique, précédé d'une analyse étendue de l'Organum d'Aristote [Paris : Librairie classique de L. Hachette, Rue Pierre Sarrasin, n°12. In-8, XV-315 p.,M.DCCC.XXXVIII].

VICTOR COUSIN ET LA MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE.
Le texte du rapport de Victor Cousin sur le premier concours, lu  dans les séances du 4 et 11 avril 1835 est édité, comme le voudra ultérieurement l'usage, dans les Mémoires de l'Académie royale des Sciences morales et politiques de l'Institut de France.

Mais cette impression ne paraîtra qu'en 1837, mélangé à d'autres compte-rendus, dans un format in-4, peu maniable, et d'une diffusion nécessairement restreinte.
Aussi, dans un souci de promotion qui lui est familier, Victor Cousin veille-t-il tout de suite à publier, par lui-même, le texte du rapport, sous forme d'un ouvrage de l'ordre de deux-cents pages, et sous le titre :
*De la Métaphysique d’Aristote. Rapport sur le Concours ouvert par l'Académie des Sciences morales et politiques ; suivi d'un Essai de traduction du premier livre de la Métaphysique, par V. Cousin. [Paris : chez Ladrange, libraire, quai des Augustins, n°19. in-8, VII-185 p., 1835].

Ce livre comporte un Avant-propos [pages I-VII] rédigé par V. Cousin, et signé en date du 1er juin 1835 [un mois et demi après la lecture officielle].
Contient également [pages1–120] le Rapport à l’Académie des Sciences morales et politiques, sur les Mémoires envoyés pour concourir au prix de philosophie, proposé en 1833 et à décerner en 1835, sur la Métaphysique d’Aristote, au nom de la section de philosophie, par M. V. Cousin, lu dans les séances de 4 et du 11 avril 1835.
Contient également [pages 121-178] la traduction des neuf chapitres du premier livre de la Métaphysique d’Aristote.
On sait que cette traduction, signée V. Cousin, a été effectuée en collaboration avec Amédée Jacques [1813-1865], élève de troisième année de l'Ecole normale en 1834-1835.
Contient enfin un Appendice sur la théorie des Idées [pages 179-184].

DEUXIÈME ÉDITION DU RAPPORT DE COUSIN SUR LA MÉTAPHYSIQUE.
En 1838, Victor Cousin, publie une deuxième édition de son Rapport, sous le titre :
De la Métaphysique d’Aristote. Rapport sur le Concours ouvert par l'Académie des Sciences morales et politiques ; suivi d'un Essai de traduction du premier et du douzième livre de la Métaphysique, par V. Cousin. Deuxième édition [Paris : chez Ladrange, libraire, quai des Augustins, n°17. in-8, XIII-232 p., 1838].
L’édition de 1838 contient un Avertissement [pages V-XIII] rédigé par V. Cousin, et signé en date du 1er février 1838. Contient également [pages1–120] le Rapport à l’Académie des Sciences morales et politiques. La traduction du premier livre de la Métaphysique d’Aristote [pages 121-178] ; la traduction du livre douzième de la Métaphysique [pages 179-221]. Contient enfin un Appendice sur la théorie des Idées [pages 223-231].

Au sujet de la traduction du livre douzième de la Métaphysique, on dispose du témoignage de Jules Simon [1814-1896], rapporté dans son Victor Cousin [Hachette. 1887, page 64] : « [V. Cousin] avait de sérieuses lacunes. Je puis attester qu'après avoir traduit Platon presque tout entier, il ne connaissait Aristote que par le livre de M. Ravaisson. La traduction du XII ème livre de la Métaphysique d'Aristote qu'il a publiée en 1837 est un devoir que j'ai fait à l'École normale, dans sa classe, en 1836. Je lui lisais ma traduction. Il y faisait très peu de changements, et des changements qui n'étaient pas toujours heureux. On voyait qu'il était tout à fait nouveau dans cette étude ; et, quand j'ai relu ensuite notre œuvre commune après avoir fréquenté un peu plus les ouvrages d'Aristote, j'y ai trouvé plus d'un contre sens. Il savait le grec, mais comme un lettré, non comme un savant ; et le grec d'Aristote est presque une langue à part »

LE JUGEMENT DE RAVAISSON SUR RAVAISSON.
Trente ans après avoir été lauréat de l'Institut [1837], et tandis qu'il est Inspecteur général de l'Instruction publique pour l'enseignement supérieur, Félix Ravaisson rédige un rapport sur la situation de la philosophie en France au XIX ème siècle.
C'est dans le cadre plus général des nombreux Rapports sur les progrès des lettres et des sciences en France, commandés par le Ministère de l'instruction publique, parallèlement à l'Exposition universelle de l'industrie [avril-novembre 1867], que Félix Ravaisson fait paraître, en 1868, La Philosophie en France au XIX ème siècle [Paris : Imprimerie impériale. In-8, 266 p., 1868].

Dans le chapitre 2 de ce rapport, Félix Ravaisson souligne l'opposition entre le point de vue traditionnel de V. Cousin, proche de l'empirisme sensualiste [les phénomènes seuls sont un objet de connaissance immédiate] et le point de vue de Maine de Biran [l'âme a conscience d'autre chose que de simples phénomènes, l'âme se sent comme cause dans chacun de ses actes].

Il est amené, par allusion, à parler de ses propres travaux et fait référence à son Essai sur la métaphysique d'Aristote, et à son article de 1840, dans la revue des Deux-Mondes. Il marque son opposition au point de vue de V. Cousin, et son inscription dans la lignée de Maine de Biran et de Jouffroy :  
« L'auteur [Ravaisson], étranger d'ailleurs à l'école éclectique, d'un Essai sur la  métaphysique d'Aristote [1837-1840], où il avait exposé comment celui qui créa le nom même de la science du surnaturel, et qui la constitua le premier, lui donna pour principe, au lieu du nombre ou de l'idée, entités équivoques, abstractions érigées en réalités, l'intelligence qui, par une expérience immédiate, saisit en elle-même la réalité absolue d'où tout autre dépend ; cet auteur, dans un travail sur la Philosophie contemporaine [Revue des Deux-Mondes, 1840], publié à l'occasion de la traduction des Fragments de philosophie de Hamilton, par M. Louis Peisse, fit ressortir la différence considérable qui séparait la maxime proclamée par les Écossais et par Victor Cousin, et celle que Maine de Biran avait établie […] ».

© JJB, 08-2011