L’Académie française en 1803

Vers la fin du Consulat [1799-1804] sont pris, à quelques jours d’intervalle, le 23 puis le 28 janvier 1803, deux arrêtés signés par Bonaparte, le premier consul, et par H. B. Maret, secrétaire d’État,  concernant l’Institut national, créé depuis 1795.
L’arrêté du 23 janvier 1803 [3 pluviôse an XI] concerne une nouvelle organisation de l’Institut national, réparti non plus en trois, mais désormais en quatre classes.
L’arrêté du 28 janvier 1803 [8 pluviôse an XI] donne la composition des différentes classes de l’Institut, en fournissant la liste des membres nommés.
C’est ainsi qu’apparaît une deuxième Classe, intitulée Classe de la Langue et de la Littérature françaises, qui, de 1803 à 1816, va servir de matrice à ce qui sera expressément l’Académie française reconstituée, au moment de la seconde Restauration, par l’ordonnance royale du 21 mars 1816.

1795-1803. LA PREMIÈRE PÉRIODE DE L’ INSTITUT.

La Constitution du 22 août 1795 [3 fructidor an III] établit, dans son article 298 : « Il y a pour toute la République un institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences ».

Et, la veille de sa séparation, la Convention organise l’Institut national des sciences et des arts, par la loi du 25 octobre 1795 [3 brumaire an IV]. Trois classes sont créées, elles-mêmes divisées en sections : Classe des Sciences physiques et mathématiques ; Classe des Sciences morales et politiques ; Classe de Littérature et Beaux-Arts.

1803-1816 : LA DEUXIÈME PÉRIODE DE L’INSTITUT.

L’arrêté consulaire du 23 janvier 1803 [3 pluviôse an XI], préparé par Chaptal, « contenant une nouvelle organisation de l’Institut national » :

1.Porte le nombre des classes de l’Institut de trois à quatre : Classe des Sciences physiques et mathématiques [première classe] ; Classe de la Langue et de la Littérature françaises [deuxième classe] ; Classe d’Histoire et de la Littérature ancienne [troisième classe] ; Classe des Beaux-Arts [quatrième classe].

2. Supprime, au passage, la deuxième classe  de l’ancienne organisation de l’Institut de 1795, c’est à dire la classe des Sciences morales et politiques.

Ce qui amène à un remaniement des listes des membres de chacune des classes, réintégrant à des degrés divers les membres de la classe des Sciences morales et politiques supprimée. 

L’ACADÉMIE FRANÇAISE DÉGUISÉE.

L’article 3 de l’arrêté du 23 janvier 1803 spécifie que la Classe de la Langue et de la Littérature françaises, composée de quarante membres, est chargée du Dictionnaire et de l’examen, sous le rapport de la langue, des ouvrages de littérature, d’histoire et de sciences.

La fonction de secrétaire perpétuel est rétablie, pour chacune des classes.

Le droit d’élection, un moment retiré aux différentes classes de l’Institut, est rendu à chaque classe indépendante.

L’ARRÊTÉ DU 28 JANVIER 1803 [8 PLUVIÔSE AN XI].

Cinq jours après le premier arrêté du 23 janvier 1803, paraît, le 28 janvier [8 pluviôse an XI] un nouvel arrêté nommant les membres de chacune des classes.

LES 40 ACADÉMICIENS DE 1803.

Pour la Classe de la Langue et de la Littérature françaises sont nommés 40 personnalités:   

1. CONSTANTIN FRANÇOIS CHASSEBOEUF, DIT VOLNEY [1757-1820].

2. JOSEPH DOMINIQUE GARAT [1749-1833].

3. JEAN JACQUES RÉGIS DE CAMBACÉRÈS [1757-1824].

4. PIERRE JEAN GEORGES CABANIS [1757-1808].

5. JACQUES HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE [1737-1814].

6. JACQUES ANDRÉ NAIGEON [1738-1810].

7. PHILIPPE ANTOINE MERLIN DE DOUAI [1754-1838].

8. FÉLIX JULIEN JEAN BIGOT DE PRÉAMENEU [1747-1825].

9. EMMANUEL [JOSEPH] SIEYÈS [1748-1836].

10. JEAN GÉRARD LACUÉE, COMTE DE CESSAC [1753-1841].

11. PIERRE LOUIS ROEDERER [1754-1835].

12. FRANçOIS STANISLAS ANDRIEUX [1759-1833].

13. NOËL GABRIEL LUCE VILLAR [1748-1826].

14. FRANçOIS URBAIN DOMERGUE [1745-1810].

15. NICOLAS LOUIS FRANÇOIS DE NEUFCHÂTEAU [1750-1828].

16. JEAN FRANÇOIS CAILHAVA [1730-1813].

17. ROCH AMBROISE CUCURRON, DIT SICARD [1742-1822].

18. MARIE JOSEPH CHÉNIER [1764-1811].

19. PONCE DENIS ÉCOUCHARD-LEBRUN [1729-1807].

20. JEAN FRANÇOIS DUCIS [1733-1816].

21. JEAN FRANÇOIS COLLIN D’HARLEVILLE [1755-1806].

22. GABRIEL MARIE JEAN BAPTISTE LEGOUVÉ [1764-1812].

23. ANTOINE VINCENT ARNAULT [1766-1834].

24. LOUIS MARCELLIN DE FONTANES [1757-1821].

25. JACQUES MONTANIER, DIT DELILLE [1738-1813].

26. JEAN FRANÇOIS LA HARPE [1739-1803].

27. JEAN BAPTISTE [ANTOINE] SUARD [1733-1817].

28. GUY BAPTISTE TARGET [1733-1806].

29. ANDRÉ MORELLET [1727-1819].

30. STANISLAS JEAN DE BOUFFLERS [1738-1815].

31. CLAUDE DE THIARD, COMTE DE BISSY [1721-1810].

32. JEAN FRANÇOIS DE SAINT-LAMBERT [1716-1803].

33. JEAN ARMAND DE BÉSSUÉJOULS, COMTE DE ROQUELAURE [1721-1818].

34. JEAN DE DIEU RAYMOND BOISGELIN DE CUCÉ [1732-1804].

35. HENRI CARDIN JEAN BAPTISTE MARQUIS D’AGUESSEAU [1752-1826].

36. LUCIEN BONAPARTE [1775-1840].

37. JEAN DEVAISNE [1735-1803].

38. LOUIS PHILIPPE DE SÉGUR [1753-1830].

39. JEAN ÉTIENNE MARIE PORTALIS [1746-1807].

40. REGNAUD DE SAINT JEAN D’ANGÉLY [1760-1819].

LE RETOUR DE L’ANCIENNE ACADÉMIE FRANçAISE.

Les quarante membres nommés de la classe de la Langue et de la Littérature françaises viennent de plusieurs horizons.

1. La Classe de Sciences morales et politiques étant supprimée par l’ordonnance du 28 janvier 1803, onze membres de la première organisation de  1795 de l’Institut sont « reversés » dans la Classe de la Langue et de la Littérature françaises :

Volney, Garat, Cabanis, qui viennent de la section Analyse des sensations et des idées.

Saint-Pierre, Naigeon, qui viennent de la section Morale.

Cambacérès, Merlin de Douai, Bigot de Préameneu, qui viennent de la section Science sociale et législation.

Sieyès, Lacuée de Cessac, Roederer, qui viennent de la section d’Économie politique.

2. Des membres de l’ancienne Classe de Littérature et Beaux-Arts font partie, au nombre de quatorze, de la nouvelle Classe de la Langue et la Littérature françaises :

Sicard, Andrieux, Villar, Cailhava, Domergue, Neufchâteau, qui viennent de la section de Grammaire.

Chénier, Écouchard-Lebrun, Delille de l’Académie française, Ducis de l’Académie française, Collin d’Harleville, Fontanes, Arnault, Legouvé [membre non-résidant] qui viennent de la section de Poésie.

3. La nouveauté des nominations c’est le retour en force de dix anciens membres de l’Académie française, qui avaient perdu la possibilité de sièger depuis la suppression de l’Académie par la loi du 8 août 1793 : La Harpe, Suard, Target, Morellet, Boufflers, Bissy, Saint-Lambert, Roquelaure, Boisgelin de Cucé, d’Aguesseau. À ceux-là s’ajoutent les noms de Ducis et de Delille avaient été repris dans l’organisation de l’Institut, en octobre 1795, comme membres de la classe de Littérature et Beaux-Arts [troisième classe] dans la section de Poésie.

Cette présence importante d’anciens membres de l’Académie française va permettre à la Classe de la Langue et de la Littérature française de se revendiquer comme l’Académie française reconstituée, et à ses membres de s’imaginer être, dès cette époque, dans la continuité de l’occupation des différents fauteuils.

4. Enfin sont nommés cinq personnalités nouvelles, qui n’étaient, ni d’une autre classe de l’Institut, ni d’anciens membres de l’Académie française. Il figurent à la fin de la liste de l’ordonnance :

Lucien Bonaparte, Jean Devaisne, Philippe de Ségur, Jean Étienne Marie Portalis, Regnaud de Saint-Angély.