Joseph Guibout (1827-1873), auteur d’ouvrages d’histoire pour la jeunesse

Ancien élève de l'École normale [1850] Joseph Guibout croise deux activités, celle, classique, d'un professeur d'histoire enseignant dans plusieurs lycées, et celle, plus exceptionnelle pour un normalien, d'un auteur d'ouvrages de vulgarisation historique, dans une collection intitulée Bibliothèque morale de la jeunesse, placée expressément sous la protection de l'Église catholique.

Né le 24 juillet 1827, à Rouen ; décédé le 8 février 1873, à Charenton.La vie de Joseph [Julien] Guibout [1827-1873], telle qu'elle est rapportée dans la notice nécrologique qui lui est consacrée en 1874, de façon anonyme, dans l'Annuaire de l'Association des anciens élèves de l'Ecole normale, est apparemment banale. Ancien élève de l'École normale [1850], agrégé des lettres en 1856, Joseph Guibout occupe sur dix ans plusieurs postes en province [Coutances, Carcassonne, Angers, Versailles] avant d'être finalement nommé dans la capitale, comme professeur d'histoire au lycée Charlemagne.
Si la succession des postes est bien indiquée, rien n'est rapporté concernant ses différents ouvrages publiés. Comme si ses différentes contributions à une collection d'ouvrages, dans une Bibliothèque morale de la jeunesse ne méritait pas d'être signalées. D'autant que la collection est toute entière à visée édifiante, dans l'esprit de l'ultramontisme catholique.

LA DIFFICULTÉ DE L'EXHAUSTIVITÉ
Les contributions de Joseph Guibout à la Bibliothèque morale de la jeunesse, ne sont pas facilement identifiables.

Le catalogue en ligne de la Bibliothèque nationale de France fournit l'indication de l'ouvrage La Maison de Condé, dans son édition de 1856, et sa réédition de  1875, sous le titre de Les Princes de Condé. Le texte intégral de l'ouvrage est accessible dans Gallica [http://gallica.bnf.fr/].

Le catalogue en ligne de la Bibliothèque nationale de France fournit également bien l'indication de l'ouvrage Les Écrivains célèbres de la France, dans son édition de 1861 et ses ré-éditions de 1862 et de 1863. Ainsi que dans sa reprise en 1869, sous le titre La France littéraire. Puis en 1881 et 1887, avec la révision par Deville [sans doute Victor Deville [1847-1911], historien qui a publié plusieurs ouvrages chez Mégard, et non Gabriel Deville  [1854-1940], comme indiqué par la BNF, ce dernier lié au courant guesdiste et vulgarisateur du Capital de Karl Marx].

Mais Rome et Carthage par Guibout [Rouen : Mégard et Cie, imprim-libraires. In-12, 189 p.,1857] n'est pas signalé.

Les choses se compliquent, parce qu'il n'est pas impossible que Joseph Guibout ait pu utiliser un pseudonyme pour publier d'autres ouvrages chez l'éditeur Mégard, comme l'a fait Théodore Bachelet [1820-1879], lui aussi ancien élève de l'École normale [1840], agrégé d'histoire en 1846, qui utilise les pseudonymes de Bosquet et de Mignan.

1850. ÉCOLE NORMALE.
Joseph Guibout est un ancien élève de l’École normale supérieure [1850], où il effectue une scolarité de trois ans.
Sont reçus cette année à l'École, section lettres, dans l'ordre alphabétique : Louis Accarias ; Jules Alaux ; Achille Beauvallet ; Eugène Bellin ; Diogène Bertrand ; Edouard Bertrand ; Edouard Blanchet ; Paul Boiteau ; Eugène  Carriot ; Léon Crouslé ; Victor Cucheval  ; Numa Denis Fustel de Coulanges ;  Joseph Alexis Gauthiez ; Léonce Grenier ; Joseph Guibout ; Désiré Horion ; Alexandre Monin ; Charles Périgot ; Édouard Tournier.

1853-1856. ENSEIGNEMENT.
En 1853, au sortir de l'École, Joseph Guibout est nommé à Coutances [département de la Manche], comme chargé de cours de sixième.
L 'année suivante, en 1854, est nommé au lycée de Carcassonne [département de l'Aude], comme chargé de cours d'histoire.

1856. AGRÉGATION DES LETTRES.
En 1852, au lendemain du coup d'État de Napoléon III, Hippolyte Fortoul [1811-1856], ministre de l'Instruction publique et des cultes du 3 décembre 1851 au 1er juillet 1856, décide de la suppression de tous les concours d'agrégation. Et à partir de 1853, une agrégation unique de lettres est substituée à la multiplicité des agrégations littéraires existantes [philosophie, lettres, grammaire, histoire et géographie, allemand, anglais].
L'agrégation de grammaire ne sera rétablie qu'en 1857, l'agrégation d'histoire et géographie qu'en 1860, l'agrégation de philosophie qu'en 1863.
Aussi ceux qui se destinent à l'enseignement d'histoire sont amenés, entre 1852 et 1859, à se présenter à l'agrégation des lettres, seule agrégation offerte. C'est ce que fait Joseph Guibout, reçu à l'agrégation des lettres en 1856.

Sont reçus  cette année, dans l'ordre de classement : Jules Lachelier, Henri Pigeonneau, Jean Edouard Goumy, Léon Crouslé, Maximilien Fischer, Eugène Bellin, Achille Beauvallet, Antoine Joseph Émile Jacob, Louis Jules Labbé, François Clément Gindre de Mancy, Augustin Jacquet, Antoine Fournet, Michel Bréal, Victor Cucheval, Edouard Tournier, Benjamin Virenque, François Gauthiez, Émile Brémond, Claude Robert, Charles Vinnac, Jean-Baptiste Réthoré, Joseph Guibout, Aristide Constantin, Jacques Busquet.

1856-1861. LA  BIBLIOTHÈQUE MORALE DE LA JEUNESSE.
C'est à partir de 1850 que l'éditeur de Rouen, Mégard, qui connaît alors un regain d'activités, publie une Bibliothèque morale de la jeunesse, composée de petits romans, de récits édifiants, d'ouvrages de vulgarisation historique.
Cette collection est rivale de celles publiées par Mame, et sa Bibliothèque de la jeunesse chrétienne [Tours] ; L. Lefort [Lille] ; Martial Ardant, et sa Bibliothèque religieuse, morale et littéraire pour l'enfance et la jeunesse [Limoges] ; les frères Barbou [Limoges] et même de la Bibliothèque rose illustrée d'Hachette [Paris].
 
Elle produit environ un millier de titres, et connaît un très grand succès sous le Second Empire, avec un tirage global de dix millions d'exemplaires et poursuit ses publications jusque dans les années 1900.
Les ouvrages ne sont pas seulement des livres de lecture, mais servent aussi  de livres d'étrenne, de cadeaux et de prix.

La collection est placée sous la protection de l'Église. L'avis des éditeurs l'indique clairement : « Aucun livre ne sortira de leurs presses, pour entrer dans cette collection, qu'il n'ait été au préalable lu et examiné attentivement, non seulement par les Éditeurs, mais encore par les personnes les plus compétentes et les plus éclairées.  
Pour cet examen, ils auront recours tout particulièrement à des Ecclésiastiques. C'est à eux, avant tout, qu'est confié le salut de l'Enfance, et, plus que qui que ce soit, ils sont capables de découvrir ce qui, le moins du monde, pourrait offrir quelque danger dans les publications destinées à la Jeunesse chrétienne ». Aussi est-il fait mention d'une approbation : les ouvrages composant la Bibliothèque morale de la jeunesse ont été revus et approuvés par un Comité d'Écclesiastiques nommé par Monseigneur l' Archevêque de Rouen.  

Plus de deux cent cinquante auteurs sont sollicités, et la rédaction de certains ouvrages d'histoire est confiée à des historiens professionnels. Ainsi [Jean Louis] Théodore Bachelet [1820-1879], ancien élève de l'École normale [1840], agrégé d'histoire en 1846, professeur d'histoire au lycée Corneille de Rouen, qui collabore pour sept ouvrages. Ou encore, pour plusieurs titres, Louis Phocion Todière, agrégé d'histoire en 1845.

A l'intention de la Bibliothèque morale de la jeunesse, Joseph Guibout rédige La Maison de Condé, par Guibout, professeur d'histoire au lycée de Carcassonne, publié en 1856. [Rouen : Mégard et Cie, imprim.-libraires. In-8, 412 p., 1856]. En frontispice une gravure représente un portrait de Condé.  L'ouvrage reparaît en 1875, sous le titre : Le Princes de Condé [Rouen : Mégard et Cie, imprim-libraires. In-12, 390 p.,1875].

De même il publie, dans la même collection, un autre livre de vulgarisation historique sur le conflit des guerres puniques : Rome et Carthage, par Guibout [Rouen : Mégard et Cie, imprim-libraires. In-12, 189 p.,1857]. En frontispice légendé une gravure sur acier représente un soldat blessé étendu à terre qui attend la mort. Le volume cartonné a ses plats frappés au décor de frises à fleurons dorés. Réédité en 1859, en 1865.

En 1861, toujours pour la même collection, Joseph Guibout compose un recueil de biographies Les Écrivains célèbres de la France [Rouen : Mégard et Cie ; E. Vincent. In-8, 168 p.,1856]. L'ouvrage paraît, avec un frontispice  en acier gravé par A. Varin, en cartonnage d'éditeur en percaline grenat à décor doré, ou encore un cartonnage bleu turquoise, avec des entrelacs noirs.
Réédité en 1862, en 1863. L'ouvrage paraît aussi avec des cartonnages d'autres couleurs, par exemple il est recouvert d'un papier moiré vert soutenu, cadre et décors dorés estampés laissant apparaître un cartouche muet au centre du plat supérieur. Le plat inférieur encadré de même avec motif architectural central doré sur fond vert.
C'est sans doute le même ouvrage qui paraît également sous le titre La France littéraire [Rouen : Mégard. In-12, 192 p.]. Avec un frontispice  en acier
Simplicité du Khalife  Omar.  

Après la mort de Joseph Guibout [1873], l'ouvrage est réédité en 1881 et en 1887, revu par Gabriel Deville [1854-1940].
 les pseudonymes de Bosquet et de Mignan.

1856-1863. PROFESSEUR D'HISTOIRE EN PROVINCE.
Agrégé d'histoire, Joseph Guibout est maintenu à Carcassonne, où il reste en poste jusqu'en 1858.

Puis, de 1858 à 1861, est en poste au lycée impérial d'Angers [département de Maine-et Loire], où il remplace le professeur d'histoire Ernest Mourin. En 1861, sa nomination à Versailles le rapproche de Paris. Il y reste jusqu'en 1863.

1863-1870. LYCÉE CHARLEMAGNE.
Enfin, en octobre 1863, Joseph Guibout est nommé à Paris, au lycée Charlemagne,  où Auguste Nouseilles [1798-1881], recteur honoraire, est proviseur depuis une dizaine d'années. Guibout est affecté comme professeur suppléant d'histoire, dans le poste occupé par Thiénot, agrégé titulaire, mais absent pour raisons de santé.
L'année suivante, en 1864, Joseph Guibout est nommé professeur titulaire au lycée Charlemagne.
Il y enseigne pendant six ans, jusqu'en 1870, année où il tombe irrémédiablement malade.

1873. LA DRAMATISATION DU RÉCIT DE SON DÉCÈS.
Alors que le rédacteur anonyme de la notice rend compte de la maladie de Thiénot qui libère sa place d'enseignant au lycée Charlemagne, il évoque le destin de Julien Joseph Guiboult : « Quelques années après, en avril 1870, Guibout, dans la force de l'âge, dans la maturité de son talent, dans tout l'éclat d'un enseignement brillant, était frappé lui-même d'un coup si terrible que, dès le début, tout espoir de guérison avait disparu. Il est mort le 8 février, à peine âgé de quarante-cinq ans ; mais cette courte vie a été utilement et courageusement remplie ».
Julien Joseph Guiboult est enterré le dimanche 9 février 1873 au cimetière de Charenton.

© JJB 05-2010