Les programmes des concours de Philosophie de l’Académie des Sciences morales

Dès 1833, au sein de l'Académie des Sciences morales, Victor Cousin (1792-1867) prend une part dominante dans l’orientation de la section de Philosophie, notamment en ce qui concerne les concours régulièrement proposés. Il veille chaque fois à fournir aux concurrents un programme à suivre pour la rédaction des Mémoires. Cette tradition des consignes détaillées se maintient au delà de 1867, puis les programmes, après être réduits à quelques lignes, finissent par disparaître dans les années 1890.

On trouvera ci-dessous l’intégralité des textes des programmes qui sont indiqués pour les concours de Philosophie de l'Académie des Sciences morales et politiques, de 1833 à 1897, que ce soit au titre du Prix du Budget, du Prix Bordin, du Prix Crouzet, du Prix Victor Cousin, du Prix Saintour.

D’autres concours en rapport avec la philosophie [Prix Gegner, Prix Charles Lévêque, Prix Le Dissez de Penanrun, etc.] qui concernent des ouvrages et non des Mémoires, rédigés aux fins de la compétition, ne sont pas signalés : il ne font pas l’objet de programmes.

LES SUJETS DE PHILOSOPHIE ET LEURS PROGRAMMES.

EXAMEN CRITIQUE DE L’OUVRAGE D’ARISTOTE INTITULÉ MÉTAPHYSIQUE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 22 juin 1833, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Faire connaître cet ouvrage par une analyse étendue et en déterminer le plan.
2. En faire l'histoire, en signaler l'influence sur les systèmes ultérieurs dans l'antiquité et dans les temps modernes.
3. Rechercher et discuter la part d'erreur et la part de vérité qui s'y trouvent, et quelles y sont les idées qui subsistent encore aujourd'hui ou qui pourraient entrer utilement dans la philosophie de notre siècle.

Au rapport de Victor Cousin, les 4 et 11 avril 1835, le premier prix est décerné à Félix Ravaisson [1813-1900], étudiant à la Faculté des Lettres de Paris.
Un deuxième prix à Karl Ludwig* Michelet [1801-1893], professeur de philosophie à Berlin.
Mention honorable à Claude Joseph Tissot [1801-1876], professeur de philosophie au collège royal de Dijon.

EXAMEN CRITIQUE DE L’ORGANUM D’ARISTOTE.
Prix du Budget.
Mis au concours : mars-avril 1835,sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Discuter l'authenticité de l'Organum et des diverses parties dont il se compose.
2. Faire connaître l'Organum par une analyse étendue, déterminer le plan, le caractère et le but de cet ouvrage.
3. En faire l'histoire ; exposer l'influence de la Logique d'Aristote sur tous les grands systèmes de logique de l'antiquité, du moyen-âge et de la philosophie moderne.
4. Apprécier la valeur intrinsèque de cette logique et signaler les emprunts utiles que pourrait lui faire la philosophie de notre siècle.

 Au rapport verbal de Victor Cousin, et rapport écrit de Jean Philibert Damiron, en novembre 1837, le prix est décerné à Jules Barthélemy-Saint-Hilaire [1805-1895]. Une mention honorable est accordée à Claude Joseph Tissot [1801-1876], professeur de philosophie à Dijon, déjà lauréat de l’Institut.

EXAMEN CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE ALLEMANDE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 26 novembre 1836, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Faire connaître par des analyses étendues les principaux systèmes qui ont paru en Allemagne depuis Kant inclusivement jusqu’à nos jours.
2. S’attacher surtout au système de Kant, qui est le principe de tous les autres.
3. Apprécier la philosophie allemande ; discuter les principes sur lesquelles elle repose, les méthodes qu’elle emploie, les résultats auxquels elle est parvenue ; rechercher la part d’erreurs et la part de vérités qui s’y rencontrent, et ce qui, en dernière analyse, peut légitimement subsister, sous une forme ou sous une autre, du mouvement philosophique de l’Allemagne moderne.

Sur le dernier rapport de Charles de Rémusat, du 15 février, 1er, 8 et 15 et relu le 29 mars, 5 et 12 avril 1845, le prix est décerné en 1845 à Joseph Willm [1792-1853], Inspecteur de l'Académie de Strasbourg.
Une mention très honorable est décernée à Fortuné Guiran qui reçoit un encouragement de cinq cents francs du ministre de l'Instruction publique.  

EXAMEN CRITIQUE DU CARTÉSIANISME.
Prix du Budget.
Mis au concours : 23 juin 1838, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1.Exposer l’état de la philosophie avant Descartes.
2. Déterminer le caractère de la révolution philosophique dont Descartes est l’auteur : faire connaître la méthode, les principes et le système entier de Descartes dans toutes les parties des connaissances humaines.
3. Rechercher les connaissances et les développements de la philosophie de Descartes, non seulement dans ses disciples avoués, tels que Régis, Rohault, Delaforge, mais dans les hommes de génie qu’elle a suscités, par exemple Spinoza, Malebranche, Locke, Bayle et Leibnitz.
4. Apprécier particulièrement l’influence du système de Descartes sur celui de Spinoza et sur celui de Malebranche.
5. Déterminer le rang et la place de chacun dans le mouvement cartésien.
6. Apprécier la valeur intrinsèque de la révolution cartésienne considérée dans l’ensemble de ses principes et de ses conséquences et dans la succession des grands hommes qu’elle embrasse depuis l’apparition du Discours de la méthode en 1637 jusqu’au commencement du XVIIIème siècle et la mort de Leibnitz.
Rechercher quelle est la part d’erreur que renferme le cartésianisme, et surtout quelle est la part de vérités qu’il a léguée à la postérité.

Au rapport de Jean Philibert Damiron, le 3 et 10 avril 1841, le prix est partagé entre Jean Bordas-Demoulin [1798-1859], homme de lettres.
et Francisque Bouillier [1813-1899], professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Lyon.
Une mention honorable est décernée à Charles Renouvier [1815-1903], ancien élève de l'École polytechnique.

EXAMEN CRITIQUE DE L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 24 avril 1841, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Faire connaître, par des analyses étendues et approfondies, les principaux monuments de cette école depuis le IIème siècle de notre ère, où elle commence avec Ammonius, Saccas et Plotin jusqu’au VIème siècle, où elle s’éteint, avec l’antiquité philosophique, à la clôture des dernières écoles païennes, par le décret célèbre de 529, sous le consulat de Décius et sous le règne de Justinien.
2. Insister particulièrement sur Plotin et sur Proclus ; montrer le lien systématique qui rattache l’école d’Alexandrie aux religions antiques, et le rôle qu’elle a joué dans la lutte du paganisme expirant contre la religion nouvelle.
3. Après avoir reconnu les antécédents de la philosophie d’Alexandrie, en suivre la fortune à travers les écoles chrétiennes du Bas-Empire et du Moyen Age, et surtout au XIVème siècle, dans cette philosophie qu’on peut appeler philosophie de la Renaissance.
4. Apprécier la valeur historique et la valeur absolue de la philosophie d’Alexandrie.
Déterminer la part d’erreur et la part de vérité qui s’y rencontrent, et ce qu’il est possible d’en tirer au profit de la philosophie de notre siècle.

Au rapport de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, le 27 avril et 4 mai 1844, le prix est décerné à Étienne Vacherot [1809-1897], directeur des études et maître de conférences à l'École normale.
Une mention honorable est décerné au mémoire n°2, resté inconnu.

THÉORIE DE LA CERTITUDE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 6 mai 1843, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Déterminer le caractère de la certitude et de ce qui la distingue de tout ce qui n'est pas elle. Par exemple , la certitude et la plus haute probabilité se confondent-elles
2. Quelle est la faculté ou quelles sont les facultés qui nous donnent la certitude  Si l'on admet qu'il y a plusieurs facultés de connaître, en exposer avec précision les différences.
3. De la vérité et de ses fondements. La vérité est-elle la réalité elle-même, la nature des choses tombant sous la connaissance de l'homme, ou n'est-elle qu'une apparence, une conception arbitraire ou nécessaire de notre esprit
4. Exposer et discuter les plus célèbres opinions anciennes et modernes sur le problème de la certitude, et les suivre dans leurs conséquences théoriques et pratiques.
Soumettre à un examen approfondi les grands monuments du scepticisme, les ouvrages de Sextus, de Huet, de Hume et de Kant.
5. Rechercher quelles sont, malgré les attaques du scepticisme, les vérités certaines qui doivent subsister dans la philosophie de notre temps.

Au rapport d'Adolphe Franck, mai-décembre 1846, le prix est décerné à Auguste Javary [1820-1852], régent de philosophie au collège de Libourne.
Une première mention, très honorable, est décernée à Charles Gouraud [1823-après 1876], licencié ès-lettres, étudiant en droit.
Une deuxième mention, honorable, est décernée à Christian Bartholméss* [1815-1856].

EXAMEN CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 19 avril 1845, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Les concurrents renfermeront leurs recherches dans l’étude de la philosophie scolastique en France, et particulièrement dans l’Université de Paris, la France ayant été au moyen âge la lumière de l’Europe, et l’Université de Paris la mère de toutes les autres universités, françaises et étrangères.
2. Les concurrents s’attacheront aussi à la grande époque, à l’époque classique de la philosophie scolastique, à savoir celle qui remplit le treizième et le quatorzième siècle, qui commence à l’introduction en France de la métaphysique et de la physique d’Aristote, et des commentateurs anciens de ces deux ouvrages, par le moyen de traductions latines, et qui se termine à peu près au concile de Florence et à la prise de Constantinople, c’est à dire à l’introduction en Europe des autres monuments et des autres systèmes de la philosophie grecque.
3. Parmi les discussions des écoles rivales au treizième et au quatorzième siècle, les concurrents sont invités à donner une attention toute particulière à la querelle du réalisme, du conceptualisme et du nominalisme.
4. Les concurrents ne se borneront point à retracer l’histoire des écoles et des systèmes : ils rechercheront la part d’erreur et surtout la part de vérité que ces systèmes et ces écoles peuvent contenir ; ils s’appliqueront à dégager et à mettre en lumière ce qui, soit parmi les principes, soit parmi les procédés, soit parmi les résultats que nous a légués la philosophie scolastique, pourrait encore être mis à profit par la philosophie de notre temps.
5. L’Académie recommande aux concurrents de se renfermer dans le domaine de la philosophie proprement dite, et de rester étranger à celui de la théologie, autant du moins que le permettra le lien intime de ces deux sciences au moyen âge.

Au rapport de Victor Cousin, le 20 mai 1848, le prix est attribué, à Barthélemy Hauréau [1812-1896], conservateur des manuscrits à la Bibliothèque nationale.

COMPARAISON DE LA PHILOSOPHIE DE PLATON ET D’ARISTOTE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 3 juin 1848, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
Sur la comparaison de la philosophie morale et politique de Platon et d'Aristote avec les doctrines des plus grands philosophes modernes sur les mêmes matières.
Apprécier ce qu’il y a de temporaire et de faux, et ce qu’il y a de vrai et d’immortel, dans ces différents systèmes.

Au rapport final de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, le 2 avril-4 mai 1853, le prix est décerné à Paul Janet [1823-1899], professeur de Philosophie à la Faculté des Lettres de Strasbourg.

EXAMEN CRITIQUE DES PRINCIPAUX SYSTÈMES MODERNES DE THÉODICÉE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 18 mai 1850, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
Le caractère des mémoires demandés par l’Académie doit être, sous la forme de la critique et de l’histoire, essentiellement théorique et spéculatif.
Les concurrents mettront surtout en relief l’esprit général des différents systèmes, leur méthode, leurs principes, leurs résultats.
Ils pourront comprendre dans leur travail les systèmes contemporains les plus célèbres, particulièrement ceux qui sont sortis de la dernière philosophie allemande. Ils les considéreront dans leurs rapports avec l’état présent des connaissances humaines et avec les besoins réels des sociétés modernes.
Ils concluront en faisant connaître la doctrine qui leur paraît conforme à la vérité.

Au rapport de Jean Philibert Damiron, le 20 mai 1854, le prix est décerné à Émile Saisset [1814-1863], professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Pariset maître de conférences à l'École normale supérieure.
Une mention honorable est décernée à Joseph Tissot [1801-1876], professeur de Philosophie à la Faculté des Lettres de Dijon, déjà lauréat de l’Institut.

DU SOMMEIL DU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 15 novembre 1851, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
Quelles sont les facultés de l’âme qui subsistent ou sont suspendues ou considérablement modifiées dans le sommeil
Quelles différences y a-t-il entre rêver et penser
Les concurrents comprendront dans leurs recherches le somnambulisme et ses différentes espèces.
Dans le somnambulisme naturel y a-t-il conscience et identité personnelle
Le somnambulisme artificiel est-il un fait
Si c’est un fait, l’étudier et le décrire dans ses phénomènes les moins contestables, reconnaître celles de nos facultés qui y sont engagées, et essayer de donner de cet état de l’âme une théorie, selon les règles d’une saine méthode philosophique.

Au rapport de Francisque Lélut, lu en son absence, le 19 août 1854 par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, le prix est décerné à Albert Lemoine [1824-1874], docteur ès-lettres, professeur de philosophie au lycée de Nantes.

EXAMEN CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE DE SAINT THOMAS D’AQUIN.
Prix du Budget.
Mis au concours : 21 mai 1853, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
L’Académie n’a pas besoin d’avertir les concurrents qu’ils n’ont à considérer dans saint Thomas que le philosophe. Elle appelle leur attention sur les points suivants :
1. Examiner l’authenticité des divers ouvrages attribués à saint Thomas, et déterminer, autant qu’il est possible, l’ordre dans lequel ils ont été composés.
2. Exposer dans une juste étendue la philosophie de saint Thomas, sa métaphysique, sa morale et sa politique. Rechercher ce qu’il doit à Aristote, aux grands docteurs chrétiens, à l’enseignement et aux écrits d’Albert ; marquer ce qui lui appartient.
3. Suivre la philosophie de saint Thomas dans ses principaux disciples de l’ordre de Saint-Dominique, et dans les controverses qu’elle a fait naître entre cet ordre et les ordres rivaux, particulièrement celui de Saint-François, au XIVème et au XVème siècle. Faire l’histoire de cette philosophie jusqu’à la chute de la scolastique et l’avènement du cartésianisme.
4. Terminer par un jugement approfondi de la doctrine de saint Thomas en ses diverses parties. mettre en lumière ce qu’il peut y avoir dans cette doctrine de défectueux, et ce qui paraît vrai et durable, et digne encore de trouver sa place dans la philosophie de notre temps.

Au rapport de Charles de Rémusat, le 24-31 janvier 1857, le prix est décerné, à Charles Jourdain [1817-1886], agrégé des Facultés des lettres, chef de division au Ministère de l'Instruction publique et des cultes.
Mention honorable accordée à Edmond Charles Eugène Domet de Vorges [1829-1910], attaché au Ministère des Affaires étrangères.

HISTOIRE CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE ARABE EN ESPAGNE.
Prix Bordin.
Mis au concours : 22 juillet 1854, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
Les concurrents rappelleront quel était l’état de la philosophie arabe dans les écoles de l’Égypte, de la Syrie et de la Perse, avant qu’elle pénétrât dans le Maroc et dans l’Espagne. Ils rechercheront quelles écoles les Arabes fondèrent en Espagne, quelle place occupa la philosophie dans ces écoles, sous quelle forme elle y était enseignée, et quelles matières elle y comprenait.
Ils détermineront de quelles ressources les philosophes, qui parurent alors successivement, purent faire usage, quels ouvrages de l’antiquité étaient à leur disposition, et si, par exemple, ils connurent directement les Dialogues de Platon.
Parmi les philosophes arabes que les concurrents auront à faire connaître, ils insisteront sur Avempace, de Saragosse ; sur Ibn-ben-Tofail de Cordoue, et sur Avicebron. Ils exposeront la doctrine de ce dernier philosophe, non pas seulement comme les historiens de la philosophie l’ont fait jusqu’ici, d’après des citations incomplètes d’Albert le Grand et de saint Thomas, mais d’après l’ouvrage célèbre d’Avicebron, intitulé : La Source de la vie, dont une traduction latine est conservée à la Bibliothèque impériale de Paris.
Les concurrents s’attacheront à Averroès de Cordoue, le dernier et le plus illustre représentant de la philosophie arabe en Espagne, et ils s’efforceront d’achever, par un travail approfondi, les diverses études dont en ces derniers temps Averroès a été l’objet.
On appelle leur attention sur les points suivants :
1. La biographie d’Averroès la plus complète qu’il soit possible ;
2. L’énumération de ses ouvrages, l’examen de l’authenticité de chacun d’eux, l’appréciation du mérite des traductions latines répandues en France au XIII ème siècle, et de celles qui ont été imprimées à Venise et ailleurs à la suite des ouvrages d’Aristote ;
3. Y aurait-il encore, dans quelque bibliothèque européenne, des écrits d’Averroès qui n’aient pas été traduits en latin, et dont la connaissance importerait à la pleine intelligence de sa philosophie
4. Averroès n’a-t-il laissé que des commentaires d’Aristote, et n’a-t-il pas composé aussi des ouvrages originaux
Ces préliminaires établis, les concurrents aborderont l’étude de la doctrine même d’Averroès, il la feront connaître par des analyses étendues, et même par des citations qui mettront en lumière le caractère de cette doctrine et les conclusions auxquelles elle aboutit.
Parmi les différentes théories dont se compose la philosophie d’Averroès, trois surtout doivent être éclaircies :
1. Averroès est-il nominaliste, conceptualiste ou réaliste
2. Le Dieu d’Averroès est-il celui d’Aristote  Est-ce un Dieu, principe premier du mouvement et de la pensée, ayant conscience de lui-même, et essentiellement différent du monde  Averroès admet-il des attributs moraux de la Divinité, et a-t-il connu la Providence
3. Quel est pour Averroès le principe de la morale  S’arrête-t-il au juste milieu d’Aristote  Péripatéticien, quelle est sa définition de la justice, et n’a-t-il pas des vues plus ou moins développées de droit civil et de droit politique  Musulman, n’a-t-il pas connu la charité qui avait passé de l’Évangile dans le Coran
Comparer Averroès dans l’ensemble de ses diverses théories et le caractère de son génie avec ses devanciers des autres écoles arabes, particulièrement avec Avicenne ; par cette comparaison, faire voir les rapports et les différences de la philosophie arabe en Espagne et de cette même philosophie lorsqu’elle s’est développée sur un autre sol, en Syrie et en Perse.
Les concurrents termineront par une appréciation générale de la philosophie dont ils viennent de faire l’histoire.

Au rapport de Victor Cousin, le 7 février 1857, le prix n'est pas décerné. Il est remplacé par le sujet suivant : Des Principes et de la science du Beau.

DES PRINCIPES DE LA SCIENCE DU BEAU.
Prix du Bordin.
Mis au concours : 7 février 1857, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
Rechercher quels sont les principes de la science du Beau et les vérifier en les appliquant aux beautés les plus certaines de la nature, de la poésie et des arts, ainsi que par un examen critique des plus célèbres systèmes auxquels la science du Beau a donné naissance dans l’antiquité, et surtout chez les modernes.

Au rapport de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 16-20 avril 1859, le prix est décerné à Charles Lévêque [1818-1900], chargé de cours de Philosophie grecque et latine au Collège de France.
Mention honorable ex aequo à Paul Eugène Voituron, [1801-1876], avocat belge à la cour de Gand.
et à Antelme Édouard Chaignet [1819-1901], professeur de seconde au Prytanée impérial militaire de La Flèche.

DE LA PHILOSOPHIE DE LEIBNIZ.
Prix du Budget.
Mis au concours : 7 février 1857, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Rechercher, en s’appuyant sur des faits certains, et non sur des assertions postérieures, équivoques ou intéressées, quels progrès et quels changements s’étaient accomplis dans l’esprit de Leibnitz depuis sa thèse de Principio individui, soutenue à l’Université de Leipzig en 1663, jusqu’à son voyage en France ; déterminer avec précision où Leibnitz en était parvenu en philosophie et dans les diverses parties des connaissances humaines avant son séjour à Paris dès l’année 1672, et avant le commerce intime qu’il y forma avec les hommes les plus illustres qui y florissaient alors, Huygens, Arnauld, Malebranche, pour établir équitablement la part plus ou moins considérable que le cartésianisme et la France peuvent réclamer dans le développement du génie de Leibnitz.
2. À quelle époque paraît véritablement le principe propre à Leibnitz que la force est l’essence de toute substance
3. Du caractère nouveau introduit dans les discussions philosophiques par l’intervention de l’érudition et de la critique, c’est à dire par l’histoire même de la philosophie, jusqu’alors entièrement négligée et ignorée.
4. Établir en quoi consiste ce qu’on a appelé l’éclectisme de Leibnitz.
5. Apprécier la polémique instituée par Leibnitz contre ses trois contemporains Descartes, Spinoza et Locke. Insister particulièrement sur la critique des diverses théories de Descartes ; exposer et juger le rôle de Leibnitz à l’époque de la persécution du cartésianisme.
6. Des théories les plus célèbres auxquelles demeure attaché le nom de Leibnitz, par exemple, la loi de continuité, l’harmonie préétablie, la monadologie.
7. Terminer par un examen approfondi de l’ouvrage par lequel Leibnitz a couronné ses travaux, la Théodicée ; la comparer à celle de Platon, d’Aristote et des Alexandrins dans l’antiquité, de saint Anselme et de saint Thomas au moyen-âge, de Descartes, de Malebranche et de Clarke chez les modernes.
8. Enfin l’Académie demande aux concurrents, comme une sorte de conclusion pratique à leur mémoire, d’assigner la part du bien et celle du mal dans l’ensemble de la philosophie de Leibnitz, de faire voir ce qui en a péri et ce qui en subsiste et peut encore être mis à profit par la philosophie au XIXème siècle.
 
Au rapport de Jean Philibert Damiron, le 14-21 janvier 1860, le prix est décerné à Jean Félix Nourrisson [1825-1899], professeur de logique au lycée Napoléon [lycée Henri-IV].
et à Louis Alexandre Foucher de Careil [1826-1891], éditeur d'inédits de Leibniz.

DU RÔLE DE LA PSYCHOLOGIE EN PHILOSOPHIE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 14 janvier 1860, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
Avec une appréciation des principales théories psychologiques, anciennes et modernes, et de l’influence qu’elles ont exercée sur les systèmes généraux de leurs auteurs.

Au Rapport d'Adolphe Franck, le 21 février-7 mars 1863, le prix est partagé entre Jean Félix Nourrisson [1825-1899], professeur de logique au lycée Napoléon [lycée Henri-IV], déjà lauréat de l’Institut.
et Émile* Maurial [1816-1874], professeur de Philosophie à la Faculté des Lettres de Strasbourg.
Mention très honorable à l'auteur du mémoire n°2 resté inconnu.

LA PHILOSOPHIE DE SAINT AUGUSTIN.
Prix Bordin.
Mis au concours : 30 novembre 1861, sur proposition de Barthélemy-Saint-Hilaire.

Programme.
La philosophie de saint Augustin, ses sources, son caractère ; ses mérites, ses défauts ; son influence, et particulièrement au XVIIème siècle.

Au rapport de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, le 13-20 août 1864, le prix est décerné à Jean Félix Nourrisson [1825-1899], professeur de logique au lycée Napoléon [lycée Henri-IV], déjà lauréat de l'Académie.
Mention très honorable décernée à l’auteur du mémoire n°5 resté inconnu.

EXAMEN DE LA PHILOSOPHIE DE MALEBRANCHE.
Prix du Budget.
Mis au concours : 18 avril 1863, sur proposition de Victor Cousin.

Programme.
1. Dans la partie biographique du Mémoire, rechercher quelle a été dans l'Oratoire l'éducation philosophique de Malebranche.
2. Exposer les ressemblances et les différences de la philosophie de Descartes et celle de Malebranche pour la méthode, les principes, les conclusions.
3. Apprécier la polémique de Malebranche et d'Arnauld sur la théorie des idées, la critique faite par Locke de la vision en Dieu, et celle du système entier, par les écrivains de la Compagnie de Jésus.
4. Suivre la fortune de la philosophie de Malebranche jusqu'au milieu du XVIIIème siècle.
5. Finir en établissant les mérites et les défauts de cette philosophie, et en se demandant si elle laisse, en métaphysique, en morale, en théodicée, quelque idée qui subsiste, et que puisse recueillir et mettre à profit la philosophie de notre temps.

Au rapport final de Paul Janet, le 12 décembre 1868, le prix est décerné à Léon Ollé-Laprune [1839-1898], professeur de philosophie au lycée de Versailles.
Une mention, honorable à Jean Baptiste Royer [1835-1915], ancien élève de l'École normale supérieure [1854], professeur de seconde au lycée de Dijon.

EXAMEN DE LA THÉORIE DES IDÉES DE PLATON.
Prix Bordin.
Mis au concours : 13 août 1864, sur proposition de Victor Cousin.

Program