Établi au 90 rue Vieille-du-Temple, puis au 64 de la rue de Rivoli, à la fin du XIXe siècle, Basile Cavras (ou Cavra) est le type même du photographe «boutiquier» travaillant à façon pour une clientèle de la petite bourgeoise désirant se faire tirer le portrait. On rassemble ici quelques éléments épars qui témoignent de son itinéraire, de la Bulgarie à la France, et de son travail.
[La première version de cet article fut publiée en 2013]
BASILE CAVRA, QUELQUES NOUVELLES TROUVAILLES
Toutes ces photographies sont des tirages sur papier albuminé qui a précédé le tirage argentique.
A cette époque, le nom du photographe ne comporte pas de « s ».
Cavra à Philippopolis, les débuts
Peut-être le portrait d’un notable ottoman ? Le nom du photographe a été ajouté sur le négatif. Il ne figure pas sur le dos de la photographie, comme c’est le cas par la suite.
Un officier bulgare
Le nom du photographe apparaît au dos de la carte, en Français. Belle carte avec fond noir.
Photographe du prince de Bulgarie
Portrait d’un officier bulgare. La mention au dos de la carte précise « Photographe de la cour / S.A.R. le prince de Bulgarie / Ferdinand Ier. Le texte est en Français et en Bulgare. Le dos est protégé par un papier de soie imprimé.
Basile Cavras, photographe à Paris
Quelques-uns des nombreux portraits au format dit « carte de visite » : deux adultes et deux enfants.
Basile Cavras fut naturalisé français en 1888. Son dossier de naturalisation indique comme date de naissance « 1er janvier 1859 (Roumélie) ».
BASILE CAVRAS, UN PHOTOGRAPHE BULGARE
C’est dans le numéro 8 de la revue Focale [décembre 1999], publiée par l’Association Trace(s), sise 50, avenue Jamin, 94340 Joinville-le-Pont, qu’apparaît pour la première fois, dans un article, pages 49-65, la mention de Basile Cavras comme photographe. Pour la première fois, mais pas pour la dernière …
L’article, non titré et non signé, mais qui semble être rédigé par deux journalistes [Jorge-Marie Belayr et Jean-Jacques Errerab] rapporte, preuves à l’appui, un certain nombre de renseignements factuels.
Chronologiquement on sait que Basile Cavras [1862-1912], qui a quitté sa Bulgarie natale, une fois installé à Paris, exerce d’abord le métier de « retoucheur en photographie ».Vers 1893, Basile Cavras dispose d’un atelier de photographie 90 rue Vieille-du-Temple. Cet établissement se définit par sa carte professionnelle comme « Maison spéciale de retouche artistique en photographie » et porte comme mentions complémentaires » Clichés. Charbon. Platine. Opales. Émaux. Peintures à l’huile. Tirage et émaillage de cartes à façon. Travaux photographiques et encadrement en tout genre ». Prix modérés. (voir les documents ici)
En 1898, Basile Cavras quitte son ancien atelier et s’installe, quelques centaines de mètres plus loin, 64 rue de Rivoli, en face du bâtiment officiel de l’Hôtel de Ville, au coin de la rue du Temple, dans une boutique vraisemblablement plus grande. Elle est située, à proximité, et sur le même trottoir, du Bazar de l’Hôtel de Ville, établi dès 1856, au 54 de la Rue de Rivoli. Cavras est encore à cette adresse en 1901.
Entre temps, très exactement le 14 juillet 1899, il s’est marié à Léontine Rothholz, sans profession, de dix ans plus jeune. En 1901, naît une petite fille prénommée Marthe [1901-1999].
CERTITUDE ET ZONES D’OMBRE
Ces informations concernant l’implantation du magasin sont avérées. Des documents en témoignent.
Ils permettent même de savoir que l’atelier a déménagé et s’est établi à Montfermeil [Seine-et-Oise] à l’est de Paris. Les époux Cavras y avaient acheté, depuis 1896, d’abord un premier terrain, puis un second terrain, situé entre les numéros actuels du 74-76 avenue des Lys et le 77-79 de l’avenue Émile Cossoneau.
Basile Cavras, alors âgé de cinquante ans, décède en 1912. C’est autour de cette date que l’on peut raisonnablement fixer le déplacement de Léontine et de sa fille Marthe [alors âgée de onze ans] à Montfermeil. D’autant que ce déplacement correspond aussi à l’extension [1912] des magasins du BHV, extension qui a amené la destruction des immeubles construits antérieurement à cet emplacement.
Des documents prouvent également que l’activité de photographe en boutique continue à Montfermeil jusque pendant une partie de la seconde guerre mondiale [1939-1945], animée d’abord par l’épouse de Cavras, puis par sa fille Marthe.
LE CARACTÈRE OUVERT DE FOCALE.
La revue Focale, sous-titrée « de la graphie au numérique » a été créée en 1995, par le photographe et éditeur Pierre-jean Balbo [1933-2006], spécialiste d’Atget et grand admirateur de Josef Sudek. Cette revue trimestrielle, d’une quatre-vingtaine de pages, fotement illustrée, diffusée seulement par abonnement, paraîtra jusqu’au printemps 2001, avec seize numéros à son actif.
Elle a re-publiée des textes importants concernant le graphisme et la photographie, mais qui étaient devenus quasiment introuvables, par exemple des articles du graphiste Roman Cieslewicz [1930-1996] ; du photographe et critique Daniel Masclet [1892-1969] ; du graphiste Ladislas Mandel [1921-2006] ; du peintre Georges Mathieu [1921-2012] ; du photographe, puis homme de marketing, Jean Louis Swiners [1935- ] ; etc.
Mais elle a été aussi ouverte à des auteurs contemporains : le poète Malek Aloula ; le photographe Grégoire Paboudjian ; le peintre Alain Richard ; l’universitaire et romancier Nourredine Saadi ; etc.
C’est dans cet esprit d’ouverture que la revue accepte de publier, en décembre 1999, un texte provoqué par la découverte inopinée de plaques photographiques et de courriers se rapportant à Basile Cavras [dont certains textes de lettres sont écrits dans cette langue grecque « pure» de la fin du XIXe siècle, appelée à l’époque le Katharevousa].
Jorge-Marie Belayr et Jean-Jacques Errerab, les auteurs de l’article, font à l’époque hommage à Pierre-jean Balbo de l’ensemble des documents photographiques retrouvés, mais gardent à leur disposition les documents écrits. C’est à partir de cette source que des éléments biographiques ont pu être reconstitués.
Cependant à examiner de près le contenu de l’article, on voit qu’il dépasse largement le simple point de vue documentaire. Et qu’il mélange, dans des proportions difficiles à préciser, fiction et réalité. Certains extraits de courrier semblent relever de l’imaginaire. Des experts consultés ont même cru reconnaître dans l’une des photographies un document, certes de la fin du XIX ème siècle, mais figurant en son lointain, le château-fort de la ville de Lourdes, dans les Pyrénées, et non pas les contreforts des monts Rhodope, en Bulgarie. Quant à la photographie qui démarre l’article avec ses cinq personnages harmonieusement disposés autour d’un escalier extérieur, ils ne sauraient semble-t’il, en aucun cas, figurer la famille de Basile Cavras.
UNE INTERPRÉTATION CONFORTÉE
Il semble que le patronyme de Cavras soit aujourd’hui éteint. Mais par Internet il est possible d’accéder à des sites de généalogie, qui fournissent des informations sur la famille du photographe, notamment la date de mariage de Basile et de Léontine.
Et surtout : http://www.ville-montfermeil.fr/IMG/pdf/juin_suite.pdf permet d’accéder à un article de Jean-Claude Gaillard, consacré à la disparition, le 21 juin 1999, de Martha Cavras, fille de Basile Cavras et de Léontine, décédée à l’âge de quatre-vingt dix-huit ans. Le dépouillement des différents articles que ce Bulletin a consacré à cette personnalité de la ville de Montfermeil [Seine-Saint-Denis] permettrait sans doute de pouvoir tracer un portrait encore plus précis des ancêtres de la famille.