Gautruche, L’histoire poétique, dieux antiques en statues : Jupiter et Neptune

Pour rendre plus attractives leurs publications, les éditeurs du XVIIIème siècle, prolongeant la tradition, ornent souvent les livres d’un frontispice, qui suggère en une seule image le contenu de l’ouvrage. Il en est ainsi de cette édition en français de : L’Histoire poétique, pour l’intelligence des poètes et des auteurs anciens.

 
L’OUVRAGE AVEC FRONTISPICE.
On trouve trois fois cet ouvrage avec le même frontispice : en 1701, en 1712, en 1723.
Le titre, composé en noir et rouge, en est, à chaque fois : 
L’HiSTOIRE/ POËTIQUE,/ Pour l’intelligence/ DES POËTES/ ET DES/ AUTEURS ANCIENS/ PAR/ LE PERE P. GAUTRUCHE/ de la Compagnie de Jesus./ DERNIERE EDITION/.
L’édition paraît à Amsterdam, toujours à la même adresse, chez Marret, sur Beurs-Straat, à la Renommée. 
 
  
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FRONTISPICE ET GALERIE DE PORTRAITS.
Comme s’il s’agissait de statues, sont représentés, sur la droite, entre deux colonnes, un Jupiter [Zeus] barbu et couronné, saisissant en sa main droite « le foudre », d’où s’échappent en zigzag des éclairs. Sur la gauche, entre deux colonnes, Neptune [Poséidon] barbu, tenant son trident comme il le ferait d’un sceptre, et enjambant un dauphin. 
 
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Au-dessous, au milieu, de face, assis sur le sol, Mercure [Hermès], coiffé d’un chapeau ailé [le pétase], de sa main droite tient le caducée, verge d’or, ou baguette de laurier autour de laquelle sont entrelacés symétriquement deux serpents, tandis que, beau diseur, il semble parler aux déesses qui l’entourent. 
 
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Sur la gauche, de dos et presque entièrement nue, Vénus [Aphrodite], exhibant un cœur enflammé, se tourne vers son fils Cupidon ailé, qui s’appuie sur son épaule. Sur la droite, sans doute Cérès [Déméter], tenue pour la déesse des moissons.
Tout en haut, on distingue aisément, Apollon jouant de la lyre. Et Mars [Arès], casqué et cuirassé.
A l’extrême gauche, sans doute Diane [Artémis], sœur jumelle d’Apollon. À l’extrême droite, sans doute Vulcain [Héphaïstos], fils de Jupiter.
LES « MARRET » LIBRAIRES À AMSTERDAM.
Lorsque paraît, en 1701, l’édition de L’Histoire poétique pour l’intelligence des poètes et des auteurs anciens, à Amsterdam chez Marret, il s’agit de Paul Marret [c. 1668, Montpellier-1710, Amsterdam], marchand-libraire, actif en 1688, jusqu’à son décès en mai 1710.
Il est établi tout d’abord Rue des Cordonniers, ayant pour enseigne À la Sphère. Puis on le trouve en 1692, dans le Beurs-straat, près le Dam, à l’enseigne de la Renommée, adresse où la dynastie des Marret reste définitivement.
La veuve de Paul Marret [née Catherine Plantier] poursuit l’activité [1710-1721]. C’est sous son nom que paraît en 1712, une autre édition de L’Histoire poétique pour l’intelligence des poètes et des auteurs anciens.
Mais Catherine Marret meurt en 1721. Aussi une troisième édition, paraissant en 1723, est éditée, à la même adresse, par son fils David Paul Marret.
1723. LA RENOMMÉE COMME MARQUE D’ÉDITEUR.
En 1723, la vignette, ornant la page de titre, dans les éditions de 1701 et de 1712, est remplacée par la marque d’éditeur de la librairie Marret, une « Fama ».
 
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Entendons par là, en traduisant du latin, la Renommée, personnage ailé, une femme, embouchant une trompette.
Cette marque d’éditeur, reprise par Marret, a connu, dans l’usage qu’il en a fait dans ses différentes éditions, de nombreuses variantes. 
Ici le personnage allégorique, se dirigeant sur notre droite, vole au-dessus de la ville d’Amsterdam dont on voit au loin les remparts, les tours et les églises. D’une main il a embouché sa trompette. Sur la flamme de l’instrument est dessiné un soleil. 
L’ange porte sur son dos une corbeille. En sortent, en un dessin à peine ébauché, quelques ouvrages. L’ensemble est encadré symétriquement par deux immenses cornes d’abondance. D’où s’épanouissent d’épais feuillages. 
Sur un ruban éployé, soulignant le tout, est inscrit comme devise l’adage latin : Pax artium altrix [La paix nourrit les arts].
BRÈVE HISTOIRE D’UN LIVRE.
Lorsque Paul Marret édite en 1701 « L’Histoire poëtique, pour l’intelligence des poètes et des auteurs anciens », livre manifestement destiné à l’enseignement, on ne peut pas dire que ce soit un nouvel ouvrage.
Il en est à la soixante-dix-neuvième édition, depuis sa première publication à Caen, en 1645, chez Jean Cavelier, imprimeur du Roi et de l’Université. 
Dans de très nombreuses villes : successivement Paris ; Leyde ; Lyon ; Londres ; Liège ; Bordeaux ; La Haye ; Toulouse ; Anvers ; Avignon ; Genève ; Rouen ; Utrecht ; Cologne ; Amsterdam ; Maastricht ; Berlin. 
En plusieurs langues : français ; latin ; anglais ; néerlandais.
Et déjà publié à Amsterdam, en 1694, en édition trilingue : français, latin et néerlandais : Les Dieux et la religion des payens, pour l'intelligence des poëtes et des anciens auteurs grecs et latins. Dii et religio ethnicorum, ad poëtarum authorumque veterum five græcorum five latinorum intelligentiam. De Goden en godsdienst der heydenen, tot verstand des dichters, en oude, zoo grieksche als latijnsche, scbirijvers. Chez le libraire Jacobus van Hardenberg [1643/1644, Utrecht-1722, Amsterdam], établi Stillsteeg.
Et même republié en 1700, en édition trilingue, toujours chez Jacobus van Hardenberg.
Tandis qu’en 1696, était également parue chez Jacobus van Hardenberg une édition allégée, simple traduction du texte français en néerlandais par François Halma [1653-1722], édition en une seule langue reprise aussi en 1700.
L’AUTEUR PIERRE GAUTRUCHE.
Quant à l’auteur, le Père Jésuite Pierre Gautruche [1602, Orléans – 1681, Caen], professeur, philosophe ; mathématicien et théologien, il est décédé le 30 mai 1681, à Caen. En 1701, il y a déjà plus d’éditions posthumes de l’Histoire poétique, qu’il n’y en a eu du vivant de son auteur.
Si l’Histoire poétique pour l’intelligence des auteurs anciens est son premier livre [1645], écrit directement en français, Pierre Gautruche est surtout l’auteur, en 1653, en latin, des Institutiones totius philosophiae, en quatre volumes, qui se transforment, en 1656, en Philosophiae ac Mathematicae totius clara, brevis, et accurata institutio. Cum Introductione ad alias Facultates. Ad usum Studiosae Iuventutis [Cadomii : Apud Ioannem Cavelier. Regis & Academ. Typograph.] en six volumes, plusieurs fois réimprimés. D’autres ouvrages suivront : en 1660, une Histoire sainte avec l’explication controversée de la religion ; en 1670, une Historia novarum dogmatum.