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Paul Dupont, La dynastie des Alde, 1853

Alde Manuce . Paul Manuce . Alde le Jeune . Postérité des Alde . Marques
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Parmi le grand nombre d'hommes illustres qui ont honoré, la profession d'imprimeur, quelques noms méritent d'être distingués de tous les autres, car ils personnifient, en quelque sorte, toutes les gloires de l'imprimerie.
La vie si honorable des Alde ne fut liée à aucun des grands événements politiques de leur époque ; réformateurs paisibles, ils n'aspiraient qu'à ramener le goût de la belle et saine littérature. La découverte qu'ils firent d'une foule de chefs-d'oeuvre, la propagation des bons livres et des bonnes méthodes, habituèrent à de meilleures lectures, étendirent et rectifièrent les idées, et contribuèrent puissamment au progrès intellectuel. Les Alde s'appliquèrent, en outre, à rendre l'acquisition des livres moins dispendieuse, en les reproduisant sous des formats plus petits et plus commodes
.

ALDE MANUCE (1452-1515)
Alde Manuce (Aldo Manuzio), surnommé l'ancien, naquit, en 1449 (1452 ?, ndle), à Bassiano, dans les États Romains. Il fit ses études latines à Roule, puis alla suivre, à Ferrare, les leçons du célèbre professeur de grec Guarini. En 1482, à l'approche de l'armée vénitienne, Alde se retira à la Mirandole, chez l'illustre Jean Pic, avec qui il se rendit ensuite à Carpi, auprès du prince Alberto Pio. C'est là, probablement, que fut conçu le projet de la belle imprimerie dont le chef prit le surnom de Pio, du nom du prince de Carpi, Alberto Pio, qui l'autorisa à le porter, par reconnaissance de l'éducation littéraire qu'il en avait reçue.
Au moment où il s'établit à Venise, en 1489, et quoiqu'il eût fait d'excellentes études littéraires, Alde n'avait aucune connaissance de l'imprimerie ; mais cette difficulté ne l'arrêta point. Il savait que les livres manquaient à ceux qui voulaient apprendre que, dans ces temps, si voisins de l'origine de l'imprimerie, il n'existait que des éditions fautives, et que la plupart des manuscrits non encore publiés n'étaient pas moins défectueux ; il résolut donc de se faire imprimeur, afin de retirer les anciens écrivains du chaos où huit siècles de barbarie les avaient plongés, et d'en multiplier les oeuvres par l'impression. Les études, les travaux de toute sa vie tendirent constamment vers ce noble but, et il eut le bonheur de l'atteindre, grâce à sa vaste érudition, à son énergie et à une, force de volonté qui ne se démentit jamais.


Premiers livres
Les premiers livres qu'il imprima portent la date de 1494 (1). C'est le dernier jour de février de cette année qu'il fit paraître la Grammaire de Lascaris, suivie de quelques traités in-4°, avec cette souscription : Impressum summo studio, literis et impensis Aldi Manucii Romani. Le caractère qui y est employé comme essai ne reparut plus dans son imprimerie. Dans deux préfaces, Alde nous apprend que c'est sur des instances réitérées, et pour venir en aide aux études de la jeunesse, qu'il se décide à publier cet ouvrage dans des temps aussi malheureux, où la guerre, qui envahit toute l'Italie, menace le monde d'une commotion générale. " Mais j'ai fait voeu, dit-il, de consumer ma vie à l'utilité publique ; et Dieu m'est témoin que tel est mon plus ardent désir. A une vie paisible j'ai préféré une vie laborieuse et agitée : l'homme n'est pas né pour des plaisirs indignes d'une âme généreuse, mais pour des travaux honorables. Laissons aux vils troupeaux une telle existence. Caton nous l'a dit, la vie de l'homme est comparable au fer : faites-en un emploi constant, il brille ; si vous n'en usez point, il se rouille."

L'oeuvre philologique
Le premier volume de la première édition grecque d'Aristote parut en 1495. Les nombreux traités d'Aristote, alors tous inédits, et dont les manuscrits étaient presque illisibles et défigurés par les erreurs des copistes, furent revisés par Alde avec soin, avant l'impression : travail immense, et qu'il dut renouveler pour toutes ses autres éditions grecques.
Dans la préface, Alde annonce qu'il a été secondé dans ces grands travaux par plusieurs savants, et particulièrement par Alexandre Boudinus, dont une préface en grec vient à la suite de celle d'Alde.
Alde avait pris à tâche de reproduire tous les chefs-d'oeuvre de
la littérature grecque, comme les premiers imprimeurs de Rome s'étaient chargés de reproduire les chefs-d'oeuvre de la langue latine.
Il donna, dans cette même année, Théocrite et Hésiode, en un seul volume in-folio. Le caractère grec de ces deux ouvrages présente de la régularité et une netteté qu'on ne trouvait point dans les essais d'impressions grecques faits dans d'autres villes d'Italie.
"C'est une rude tâche, disait Alde dans une de ses préfaces, que d'imprimer correctement les livres latins, et plus dure encore les livres grecs, et rien n'est plus pénible que d'apporter tous les soins qu'ils exigent dans des temps aussi durs, où les armes (2) sont bien plus maniées que les livres. Depuis que je me suis imposé ce devoir, voici sept ans que je puis affirmer, sous la foi du serment, de n'avoir pas joui, pendant tant d'années, même une heure, d'un paisible repos."
Son établissement comptait à peine trois années d'existence, et déjà il avait publié plus de quarante volumes de classiques, parmi lesquels Théocrite, Aristophane, la Grammaire grecque de Constantin Lascaris, la belle édition d'Aristote, etc.
Entendait-il parler de quelque manuscrit, il ne pensait plus qu'à se le procurer, et dépenses, voyages, sollicitations, rien ne lui coûtait pour y parvenir. D'ailleurs, il faut le constater à l'éloge de ce temps, Alde Manuce était déjà si honorablement connu, et sa réputation si étendue, que chacun s'empressait d'aller au devant de ses désirs, et de favoriser ses vues, en lui envoyant soit en don, soit à prix d'argent, de nombreux manuscrits. Il en recevait des pays les plus éloignés, de la Pologne, de la Hongrie, etc. Alors commençait pour lui une tâche aussi aride que laborieuse. La plupart de ces manuscrits étaient, comme nous l'avons dit, presque toujours remplis de fautes, mutilés ou à peu près illisibles. Il fallait jeter de la lumière et de l'ordre dans ce chaos, et, n'y ayant nulle publication antérieure qui pût l'aider ou le diriger, c'est en lui seul, et dans sa profonde instruction, qu'Alde devait trouver la solution des difficultés qui s'offraient à lui à chaque instant ; c'est par son seul génie qu'il parvint à les surmonter, et à donner ces éditions, chefs-d'oeuvre, pour la plupart, de pureté et d'élégance, et que nous avons pu à peine dépasser.
Alde était surtout un homme de conscience, qui connaissait toute la grandeur de ses devoirs. Jamais il ne réimprima, non plus que son fils Paul Manuce, une nouvelle édition, sans chercher à la rendre meilleure et plus utile que les précédentes (3). Les traductions étaient chaque fois retouchées, et les textes originaux rectifiés. C'était lui, le plus souvent, qui se chargeait de ce travail.
Dans la préface de la belle édition de Platon, publiée en 1543 par les soins réunis d'Alde et de Musurus, Alde écrit qu'il voudrait racheter d'un écu d'or toute faute qui pourrait s'y rencontrer (4).
Indépendamment de ses nombreuses éditions grecques et latines, qu'il accompagnait ordinairement de préfaces ou de dissertations, Alde a laissé plusieurs ouvrages qui justifient amplement la réputation d'érudit dont il jouit encore. Sa Grammaire latine, publiée en 1501, et à laquelle il joignit une introduction à la langue hébraïque, et sa Grammaire grecque,
qui ne fut imprimée qu'en 1515, après sa mort, par les soins de Marc Musurus, son ami, témoignent des connaissances qu'il avait acquise, dans ces diverses langues. Plusieurs ouvrages d'Alde ne parurent aussi qu'après sa mort. Tels furent Lucain, l'Éloge de la Folie d'Erasme, Dante, Lucrèce.
Mais,
comprenant qu'il ne pourrait suffire seul à la tâche qu'il s'était imposée, et trop modeste pour y persevérer à cette condition, il s'adjoignit pour collaborateurs les hommes les plus savants de soit siècle, lesquels, heureux de partager des travaux qui avaient pour but de propager les lettres, répondirent avec empressement à son appel. Les amis n'avaient d'autre ambition que d'être, par la, utiles à un ami ; mais d'autres recevaient des honoraires : il y en eut quelques-uns qui vécurent chez lui, et qu'il défrayait de tout généreusement.

L'Aldi Neacademia
Cette réunion de savants prit le nom d'Aldi Neacademia. Ils se rassemblaient dans sa maison, à des jours fixes, pour s'y occuper de questions littéraires, du choix à faire parmi les meilleurs livres qu'il allait réimprimer, des manuscrits à consulter, des leçons qu'il était préférable de suivre. Ces discussions scientifiques entre tous ces hommes si habiles, contribuèrent encore à la perfection des éditions aldines. Loin de diminuer en rien, comme aurait pu le craindre un esprit vain et médiocre, la réputation du célèbre imprimeur, de l'homme, qui avait su concevoir et exécuter un si beau plan, elles y ajoutèrent, s'il était possible, et les livres qui sortirent de ses presses n'en furent que plus recherchés.
La constitution de cette académie était rédigée en grec. Pour en assurer la durée, Alde sollicita de l'empereur Maximilieu Ier son autorisation par un diplôme impérial. Cette académie était ainsi composée : Alde, président ; Pierre Bembo (depuis cardinal) ; Daniel Rinieri, sénateur vénitien et procurateur de Samt-Marc, très-savant en grec, en latin, en hébreu ; Marino Sanudo, sénateur et historien de Venise ; Nicolas Guideco, Vénitien ; Scipion Fortiguerra, dit Carteromaco, de Pistoie, et son frère ou son parent, Michel Fortiguerra ; Valérien Bolzanio, de Bellone, religieux ; Didier Érasme, de Rotterdam ; Girolamo Avanzio, de Vérone ; les Vénitiens Benedetto Ramberti, Pierre Alcyoneo, J.-B. Egnazio, professeur d'éloquence à Venise ; J.-B. Ramusio,
fils de Paolo, et auteur d'un Recueil de voyages ; Aless. Boudeno, dit Agathéméron ; Marc Musurus, de Candie, depuis archevêque de Malvoisie ; Marc-Antonio Coccio Sabellico, de Vicovaro, près de Rome ; J. Gregoropulo, de Candie ; Benedetto Tyrreno, Paul Canale, noble Vénitien ; Jean Giocondo, de Vérone ; François Rosetto, médecin de Vérone ; Girolamo Aleandro, depuis cardinal ; Girolamo Menocchio, de Lucques ; Jean de Lucca, médecin ; Giustino Decadeo, de Corfou ; Aristobulo Apostolio, de Candie ; Arsenio, depuis archevêque de Monembasie ; Thomas Linacre, anglais, grammairien et philosophe ; Gabriel Braccio, Jean Lascaris, Rhindacenus, grecs ; Démétrius Ducas, de Candie ; Angiolo Gabrielli, vénitien ; Alberto Pio, prince de Carpi ; Andrea Torresano, imprimeur, beau-père d'Alde, et les deux fils Torresani.
Chaque mois il sortait de cette académie plus de mille volumes de quelque bon auteur (5). Néanmoins, malgré les travaux et les soins que réclamaient leurs savantes éditions, Alde Manuce et ses collaborateurs trouvaient encore le loisir de cultiver eux-mêmes les lettres et de publier en nombre immense leurs propres ouvrages.L'académie Aldine se dispersa après quelques années
d'existence, les efforts de Manuce pour lui donner une organisation stable ayant été infructueux. Mais ses amitiés avec les savants n'en subsistèrent pas moins, et ses relations avec eux furent toujours actives. Il eut pour amis et correspondants Henri Estienne, premier du nom ; Arnold de Bergel, auteur d'un poëme sur l'origine de l'imprimerie, Théodore de Bèze, Joach. Camérarius, enfin les princes et les personnages les plus distingués de l'Italie. Ses collaborateurs étaient Démétrius Chalcondyle, Marc Musurus, Gir. Aleandro et Érasme, qu'il logea chez lui, mais avec lequel il eut le malheur de se brouiller vers la fin de sa carrière.
Érasme, dans une édition de ses Adages (1508), à l'article Festina lente, parle des immenses travaux littéraires et typographiques d'Alde l'ancien ; il dit à cette occasion que la gloire acquise par Ptolémée à former une bibliothèque vaste, mais circonscrite entre des murailles, n'est pas comparable à celle qui revient à Alde pour avoir fondé une bibliothèque qui n'aurait d'autres bornes que celles de l'univers.

D'après certaines indications en grec et en latin mises à la fin d'un des volumes d'Aristote publié en 1497, on est porté à croire que des ouvriers grecs étaient employés par Alde même pour l'assemblage et la reliure.


L'italique
Dès son arrivée à Venise, Alde s'était chargé de lire et d'expliquer à une nombreuse réunion de jeunes gens les meilleurs écrivains grecs et latins anciens. Il continua pendant plusieurs années ce cours public ; mais cette occupation d'une autre espèce ne le détournait pas des soins particuliers qu'il donnait à la partie matérielle de son art. C'est ainsi qu'il dessina et fit exécuter à ses frais le caractère grec du premier volume qu'il imprima, caractère bien supérieur à ceux qu'on avait employés jusqu'alors.
En 1500, Alde mit en usage un caractère penché appelé italique ou aldino, dont il avait commandé l'exécution à Jean de Bologne, son habile graveur. C'est l'écriture de Pétrarque, dit-on, qui lui avait donné la première idée de ce caractère, qu'il dessina lui-même. Sur le titre même du petit Virgile in-8° où ce caractère parut pour la première fois, Alde plaça ces vers, qui rappellent les talents, et le nom du graveur :
IN GRAMMATOGLYPTAE LAUDEM.

Qui Graiis dedit Aldus, en Latinis
Dat nunc grammata scalpta daedaleis
Francisci manibus Bononiensis.


L'in-octavo
Cet ouvrage fut le premier de ceux publiés par Alde dans le format in-8°, lesquels, renfermant presque autant de matière que les in-4°, ou les in-folio, étaient à la fois plus commodes et plus économiques (6). Ces charmants volumes qu'on pouvait emporter avec soi à la promenade et en voyage furent accueillis avec la plus grande faveur par les hommes studieux et les amis des lettres ; ils firent une concurrence redoutable aux in-folio. On put dès lors posséder dix ou douze volumes pour le prix d'un ouvrage de ce dernier format, incommode d'ailleurs et ne pouvant se lire que sur un pupitre.
Un privilége de dix ans fut accordé à Alde, le 13 novembre 1502, par le sénat de Venise, pour lui garantir l'emploi exclusif de ses caractères italiques ; privilége successivement renouvelé par le pape Alexandre VI, maintenu pour quinze ans par Jules II en 1513, et continué par Léon X (7). Les guerres dont l'Italie était alors le théâtre firent éprouver à Manuce des pertes considérables, et le forcèrent même à fermer ses ateliers 1505. Il lui fallut beaucoup de temps et de démarches pontrecouvrer ses biens dont on l'avait dépouillé. Arrêté même à son retour d'un voyage à Milan, par une troupe de l'armée du duc de Mantoue, il fut emmené à Caneto, et jeté dans une horrible prison, où il resta près d'un an. Mis en liberté sur la réclamation de ses amis, il revint à Venise plus pauvre que jamais. Mais on vint encore à son secours. Le père Sanctus, petit-fils de Marc Barbarigo, ancien doge de Venise, fut un de ceux qui l'aidèrent le plus à se relever de sa ruine et à reprendre ses travaux.
Alde Manuce, vers 1500, avait épousé la fille d'André Torregiano d'Asola, avec lequel il s'associa plus tard. André était un homme très-instruit, qui avait acheté et qui exploitait a Venise la célèbre imprimerie de Nicolas Jenson, et, comme il était riche, il lui fut aussi d'un grand secours. Cependant la ligue de plusieurs rois de l'Europe contre Venise et les désastres qui en furent la suite forcèrent Alde à suspendre de nouveau les travaux de son imprimerie pendant les années 1510 et 1511. Elle fut enfin rouverte en 1512, année de la naissance de Paul Manuce.
Alde Manuce parle ainsi de ses malheurs dans la préface qu'il adressa, en 1513, à André Navagero, noble Vénitien, poëte et orateur, qui fut longtemps ambassadeur de la république de Venise près de l'empereur Charles-Quint:
" Voici déjà quatre ans, cher Navagero, que j'ai dû sus
pendre mes travaux, quand j'ai vu l'Italie tout entière en proie au cruel fléau d'une guerre acharnée. Je fus forcé de quitter Venise pour tâcher d'obtenir la restitution de mes champs et jardins perdus, non par ma faute, mais par celle de ces temps désastreux. Démarches inutiles ! etc."
On retrouve les mêmes plaintes dans la préface de
l'Alexander aphrodisiensis, qu'il adressa la même année au prince de Carpi. Il y raconte qu'un grand travail entrepris sur les Commentaires et sur d'autres auteurs et médecins grecs par F.-V. Bergomas, fut brûlé ainsi que la bibliothèque si précieuse de ce savant ; puis, au sujet des guerres qui désolaient sa patrie au moment où il imprimait cet ouvrage, il dit
Vicinae, ruptis inter se 1egibus, urbes
Arma ferunt, saevit toto Mars impius Orbe.
"Toutefois, ajoute-t-il, je ne cesserai pas de remplir mes promesses et de rouler le rocher jusqu'au sommet de la montagne."

Mort d'Alde Manuce
Les temps étaient devenus meilleurs, et Alde avait repris ses. travaux typographiques avec une nouvelle ardeur, lorsque la mort vint les interrompre. Il mourut le 6 février 1515, à soixante-six ans, laissant quatre enfants en bas âge, parmi lesquels Paul, qui n'avait alors que trois ans, et qui devint Presque aussi célèbre que lui. Après vingt-cinq ans de pénibles travaux et d'une vie économe et même parcimonieuse, il mourut dans un état voisin de la pauvreté.
Son corps fut porté, par ses ordres, à Carpi, chez le prince dont il avait été le précepteur ; il voulut aussi que sa veuve et ses fils allassent demeurer dans cette principauté, dont les maîtres leur firent don de quelques possessions. Alde fut enseveli dans l'église de Saint-Patrinian. On plaça des livres dans son tombeau, et son oraison funèbre fut prononcée après le service par Raphaël Regius, professeur de cette ville.
J.-B. Egnatius de Venise, dans une édition des Divinae
institutiones de Lactance, publiée l'année même de la mort d'Alde, fait de cet imprimeur une sorte d'éloge funèbre. Après avoir énuméré les grandes qualités qui rendent le nom d'Alde célèbre dans toute l'Europe, il ajoute que la mort de ce dernier fut occasionnée par un excès de travail de jour et de nuit.
Alde, en effet, ne prenait pas un instant de repos, et l'on a peine à croire qu'il ait pu résister si longtemps à un pareil abus de la force physique. Aussi, dans une note qu'on lit à la fin d'une de ses éditions de la Grammaire de Lascaris, il fait
un douloureux tableau des exigences de sa très-dure profession. " Si vous en étiez témoin, dit-il au lecteur, vous auriez pitié de votre pauvre Alde ! (8) "
Les visites importunes lui suggéraient souvent aussi des plaintes fondées, et il fut obligé, de mettre sur la porte de son cabinet un avis, imprimé en gros caractères, destiné à les éloigner Cet avis était ainsi conçu :
"Qui que vous soyez, Alde vous prie avec les plus vives instances, si vous désirez lui demander quelque chose, de le faire très-brièvement, et de vous retirer aussitôt, à moins que vous ne veniez lui prêter l'épaule, comme Hercule relayant Atlas fatigué ; car il y aura toujours de quoi
vous occuper, vous et tous ceux qui porteront ici leurs pas (9)."
Henri Estienne a composé en son honneur deux pièces de vers, l'une en grec, l'autre en latin.
Il ne faut pas oublier de rappeler de quelle nature étaient les encouragements dont les travaux d'Alde l'ancien furent l'objet, et les honneurs, les priviléges qu'on lui conféra, tant à cause de l'estime qu'on avait pour sa personne, que dans l'intérêt d'une profession, qu'en Italie surtout on se faisait gloire de favoriser.
Pic de la Mirandole, si passionné pour les lettres, fournit aux premiers frais de son imprimerie.
Alberto Pio, prince de Carpi, et l'un des hommes les plus distingués et les plus savants de son siècle, en souvenir des leçons qu'il avait reçues d'Alde, lui voua une amitié profonde, l'aida de se fortune dans plusieurs entreprises, et enfin l'autorisa à porter son propre nom (10).
Plusieurs fois même il le sollicita de transporter son imprimerie à Novi.
Le 13 novembre 1502, le sénat de Venise lui accorda un privilége de dix ans pour l'emploi exclusif de ses caractères italiques, et fit défense à tous d'en copier les formes.
Le 17 décembre, Alexandre VI confirma ces priviléges.
Le 27 janvier 1513, Jules II les renouvela pour quinze ans, et le 28 novembre suivant, Léon X les confirma encore pour quinze ans, sous peine d'excommunication et d'amendes de 500 ducats d'or contre les contrefacteurs.
Ces concessions étaient magnifiques, quoique tout à fait contraires aux intérêts généraux de l'imprimerie ; mais Alde les fit tourner au profit des lettres, ce qui est rarement l'effet des priviléges exclusifs. Il en obtint de semblables pour la plupart de ses éditions. Du reste, le pape, dans ses priviléges, l'exhorte à vendre ses livres à un prix raisonnable et se confie à sa probité pour user loyalement des faveurs qui lui sont accordées.

PAUL MANUCE (1512-1574)
Après la mort de son illustre chef, l'imprimerie aldine tomba dans les mains d'André Torregiano d'Asola, beau-père d'Alde, et qui s'était chargé de la tutelle des quatre enfants laissés par celui-ci. Secondé par ses deux fils, François et Frédéric, il acheva les travaux commencés par son gendre et publia plusieurs éditions grecques et latines, portant cette indication : in aedibus Aldi et Andreae Asulani soceri.
Malgré les efforts et le mérite réel de ces trois hommes réunis, le jeune Paul Manuce eut la douleur de voir les traditions de son père abandonnées et la gloire de son nom faiblement soutenue. André d'Asola mourut en 1529, et l'imprimerie, par suite de discussions de famille, fut fermée pendant plusieurs années. Mais Paul Manuce, qui avait fait de fortes études, ne tarda pas à la rouvrir. Dès que l'âge, comme il nous l'apprend lui-même, la maladie et les ennuis domestiques lui permirent de prendre en main la gestion de l'imprimerie (1533), il se préoccupa vivement du besoin de rehausser l'éclat de la réputation paternelle et de revenir sur les traces glorieuses dont on s'était si malheureusement écarté. Lui seul gouverna dès lors l'imprimerie, mais au nom et au profit des héritiers réunis d'Alde et d'André : in aedibus heredum Aldi et Andreae Asulani soceri.
En 1540, la société fut reconstituée au nom des seuls fils d'Alde : Aldi filii.
Non moins épris de l'étude et de la science que de son art, Paul se livra tout entier aux travaux littéraires et typographiques, et, comme presque tout était déjà fait pour la publication des livres grecs inédits, il se voua spécialement à la littérature latine. Dans ses nombreuses réimpressions, on est toujours sûr de trouver quelque amélioration, soit dans le texte, soit dans les notes ou scolies. A l'exemple de son père, jamais il ne négligea, par un excès d'amour-propre mal entendu, de s'entourer des conseils et de l'aide des savants. C'est ainsi qu'il atteignit ce haut degré de perfection qui distingue ses éditions de toutes sortes.
Après un court voyage à Rome, Paul Manuce reprit sa tâche d'éditeur et poursuivit ses études littéraires avec une assiduité telle qu'en 1556 il écrivait à Selva que, depuis vingt ans, il n'avait point laissé passer un seul jour sans écrire quelque chose.
Si occupé qu'il fût de son imprimerie et de l'étude, des lettres,
il ne laissa pas de trouver encore le moment d'instruire douze jeunes gens, appartenant à la noblesse, et qu'il nommait sa jeune académie. Mais, forcé par de nouveaux embarras de famille de quitter Venise une seconde fois, il alla visiter d'anciennes bibliothèques, notamment la bibliothèque des Franciscains à Césène, où il recueillit de précieux matériaux pour les belles éditions qu'il donna, à son retour, de Virgile, de Pétrarque et de Cicéron, son auteur favori. Des chaires d'éloquence lui avaient été offertes, l'une à Venise, l'autre à Padoue : il les refusa par attachement aux habitudes modestes et laborieuses de sa profession. Il refusa également et pour les mêmes motifs les offres des princes de Ferrare, qui l'engageaient à y transporter son établissement, et celles de la ville de Bologne qui l'appelait aussi dans ses murs.

Installation à Rome
En 1561, le pape Pie IV invita Paul Manuce à venir à Rome. Depuis longtemps déjà Paul se proposait d'aller s'y fixer ; ce qui l'empêchait de réaliser ce projet, c'était la création d'une académie vénitienne (11), pour laquelle on réclamait et à laquelle il dut donner son concours. Cette compagnie avait pour fondateur Badoaro, l'un des sénateurs les plus illustres de Venise, et eut pour chancelier Bernardo Tasso, le père du célèbre poëte, et lui-même poëte éminent. Un grand nombre d'ouvrages furent publiés sous ses auspices, et tous ont été imprimés par Paul Manuce, avec des caractères de moyenne grandeur qu'il avait fait fondre en France par Garamond. Malheureusement, cette académie ne dura pas longtemps (1556 à 1561) et ne put ainsi réaliser tout ce qu'elle avait projeté. Dès qu'elle fut dissoute, Paul, redevenu libre, abandonna provisoirement son imprimerie de Venise, que son fils continua de diriger, et partit pour Rome, où le pape Pie IV devait lui confier l'impression des Pères de l'Église, d'après les beaux manuscrits de la bibliothèque Palatine. Paul Manuce arriva à Rome le 7 juin 1561, et se mit immédiatement à l'oeuvre.
Le saint père fit donner à Paul Manuce cinq cents ducats d'or par an, et trois cents pour ses frais de déplacement ; il se chargea, en outre, de toute la dépense des impressions, sauf à s'en récupérer par la vente des livres, qu'il voulait établir au plus bas prix. Une belle et spacieuse maison fut mise à la disposition de Paul Manuce ; on lui procura d'habiles correcteurs ; enfin, le pape fit aux cardinaux, en plein consistoire, cette recommandation : "Ayez soin que rien ne manque à Manuce et à l'imprimerie, parce que notre volonté est d'en faire un trës-honorable établissement."
Le premier soin de Paul Manuce fut de faire venir de France un assortiment de matrices ou frappes de beaux caractères. Les premiers livres qu'il imprima à Borne furent le Saint Cyprien (1563), la Bible en latin, le recueil des Décrets du Concile de Trente, puis un grand nombre d'autres ouvrages d'une haute importance. Ces éditions portent l'indication : in aedibus populi romani, ce qui fait supposer que l'imprimerie était en partie à la charge de la municipalité de Rome.
Mais à la mort de Pie IV, les magistrats del popolo enjoignirent à Paul Manuce de transporter son imprimerie hors des bâtiments de la ville, où elle était établie. Paul, se conformant à cette injonction, rendit, en effet, les clefs de l'imprimerie, le dimanche 6 janvier 1566. Mais le lendemain, le, pape Pie V, ayant été élu, reçut durement les magistrats municipaux qui venaient le complimenter : " Retirez-vous, retirez-vous, leur dit-il, réinstallez tout de suite dans sa maison messire Paul Manuce, et puis revenez : s'il nous semble bon de vous accorder des grâces, nous vous les accorderons."
Mais comme la volonté du pape était qu'on n'imprimât rien à Rome qui n'eût pour objet exclusif la religion, Paul Manuce était obligé de faire exécuter à Venise, chez son fils, les ouvrages qui faisaient son occupation favorite, tels que ses Commentaires sur les oeuvres de Cicéron, sa traduction des Philippiques de Démosthènes, en latin ; ses quatre traités sur les antiquités romaines, etc.
Cependant, les tracasseries auxquelles il avait été en butte,
sa faible santé, et le besoin de surveiller lui-même ses impressions de Venise, l'engagèrent à renoncer à la direction de l'imprimerie papale, confiée depuis neuf ans à ses soins.

Mort de Paul Manuce

Après un voyage à Vérone et à Milan, il retourna, en 1572, à Venise ; mais il y resta peu de temps. Obligé de se rendre à Rome pour régler quelques intérêts, il y fut accueilli avec joie, par ses anciens amis, et le pape Grégoire XIII, qui prenait intérêt à ses travaux, l'engagea à les poursuivre. Paul Manuce consentit donc à demeurer dans cette ville, où il mourut le 6 avril 1574. Il fut enterré dans l'église de Sainte-Marie à la Minerve.
Il avait vécu environ soixante-deux ans, dans des luttes presque continuelles contre la maladie, et livré sans relâche à ses travaux typographiques et littéraires. Il corrigeait fréquemment lui-même (12) les épreuves, tant il faut, dit-il en tête d'un de ses ouvrages, se défier de la négligence des correcteurs (operariorum incuria).
En un mois, il fut, comme son père, l'honneur de la typographie. Henri Estienne, pendant son séjour à Venise, s'était lié d'amitié, avec lui et l'avait chargé d'imprimer sa traduction, en vers latins, de plusieurs idylles de Moschus, de Bion, de Théocrite, suivie de trois poëmes de sa composition et d'une traduction, en vers grecs, d'une élégie de Properce (13). Paul Manuce jouit pendant toute sa vie de la faveur des grands : l'empereur Maximilien Il lui accorda des armes (1571). Il fut chargé pendant quelque temps de la surveillance de la bibliothèque Vaticane, ce qui le mettait en rapport avec les plus hauts personnages de la cour de Pie IV.
Il compta de nombreux amis et trouva dans leur commerce plus de charme que dans les relations de sa propre famille. Ses deux frères lui donnèrent de graves sujets de mécontentement, et son fils, Alde le jeune, plus d'une fois rebelle à ses désirs et à ses volontés, ne sut pas toujours soit tenir la renommée du beau nom qu'il portait. Néanmoins, il avait beaucoup d'érudition, comme l'attestent les nombreux écrits historiques, archéologiques et philologiques qu'il a laissés.

ALDE LE JEUNE (1547-1597)
Alde le jeune était né le 13 février 1547. Dès sa plus tendre enfance, son père veilla avec le plus grand soin à son éducation. Ses dispositions précoces semblaient seconder les voeux paternels, et donnaient les plus belles espérances. Mais son caractère ardent et son inconstance rendirent sa jeunesse orageuse et l'empêchèrent de remplir sa carrière d'imprimeur aussi bien qu'on aurait dû l'attendre de lui.
Alde n'avait que dix ans lorsqu'il donna la première édition d'un recueil intitulé : Eleganze della lingua toscana e latina, scelte da Aldo Manutio (1556). À l'âge de quatorze ans (1561), il fit paraître son Orthographiae Ratio, ouvrage il expose un système ayant pour objet d'orthographier d'une manière régulière la langue latine.
De 1562 à 1565, il resta à Rome, où il avait été appelé par son père, qui lui fit faire une étude approfondie des monuments.
De retour à Venise (en 1565), il reprit la direction de l'imprimerie aldine et le cours de ses publications. Il épousa, en 1572, Francesca-Lucrezia, fille de Bernard Junte (Giunta), célèbre et habile imprimeur de Florence, possesseur d'une fortune honorable, et avec qui il forma une association avantageuse. En 1576, peu de temps après avoir fait paraître soit Commentaire sur l'Art Poétique d'Horace, accompagné d'une dissertation où il traite trente questions d'antiquités, il fut nommé professeur de belles-lettres et lecteur dans les écoles de la chancellerie, puis secrétaire du sénat de Venise. Mais son inconstance naturelle fut cause qu'il négligea tous ces avantages. En 1585, il abandonna sa patrie, soit établissement, ses emplois, pour aller occuper une chaire d'éloquence à Bologne, où il était demandé. Il accepta ensuite la chaire de belles-lettres qui lui était offerte à l'université de Pise, par le grand-duc François de Médicis. Enfin, ayant été nommé par Sixte-Quint à la chaire qu'avait occupée le célèbre Muret, ami de son père, il quitta Pise et vint à Rome, où, deux ans après (1590), Clément VIII lui confia, en outre, la direction de l'imprimerie du Vatican. Il occupait ces deux emplois lorsqu'il mourut, à Rome, le 28 octobre 1597.
Comme érudit, Alde le jeune avait une réputation méritée en Italie : on le voit à la manière dont les universités s'y disputaient sa possession. Aussi est-ce peut-être à son goût pour les lettres qu'il faut attribuer la négligence qu'il mettait dans l'exécution matérielle des travaux de sa profession, et le malheur qu'il eut de rester, à cet égard, en arrière de son père et de son aïeul. Il publia d'ailleurs un grand nombre d'éditions. Celles du Tasse contiennent des corrections indiquées probablement par l'infortuné poëte qu'il visita dans sa prison, à Ferrare. Mais sa publication la plus importante est le Cicéron, 10 volumes in-folio, 1583.
Il adopta pour marque typographique les armoiries que l'empereur Maximilien avait accordées à Paul Manuce, et dans lesquelles se trouve reproduite l'ancienne marque aldine.
En lui finit cette illustre famille de typographes, à qui nous devons la conservation de tant de précieux monuments littéraires de l'antiquité, grecque et latine.
Voici les vers qu'Angelo Rocca a composés sur les trois Alde Manuce :
Aldus Manucius senior moritura Latina
Graecaque restituit mortua ferme typis.
Paulus restituit calamo monumenta Quiritum,
Utque alter Cicero scripta diserta dedit.
Aldus dom invenis miratur avumque patreinque,
Filius atque nepos, est avus atque pater.

POSTERITE DES EDITIONS ALDINES
L'indication seule des éditions faites à Venise par 1'imprimerie des Alde formerait un gros volume.
Le cardinal de Brienne, qui avait conçu le projet d'une bibliothèque universelle, avait fait imprimer, en 1790, un catalogue des impressions aldines. Ce catalogue les fit rechercher encore davantage. Aussi, la rencontre d'un volume d'Alde est, aujourd'hui encore, pour un bibliophile, une bonne fortune qui, suivant le mot spirituel de Mirabeau à l'abbé de Saint-Léger, le rend heureux pour trois jours.
Mais l'ouvrage le meilleur sur les éditions aldines, celui où nous avons puisé les renseignements que nous venons de donner sur leurs illustres auteurs, est le catalogue de M. Renouard (14). Cet ouvrage, rédigé avec une grande conscience et fruit d'innombrables recherches, renferme l'indication de tous les livres publiés par les Alde, avec des notices qui font ressortir le mérite de chaque édition.
Alde, comme la plupart des imprimeurs de ces premiers temps, avait adopté une marque ou fleuron dont il décorait ses livres. C'était une ancre enroulée par un dauphin. Voici la définition qu'en donne M. Renouard : Le dauphin désigne la vitesse, à cause de la rapidité avec laquelle il fend les ondes.(Voir en haut de la page la marque d'Alde le jeune)
L'ancre est, au contraire, une marque de repos et aussi de solidité : ce qui exprime avec beaucoup de justesse que, pour travailler solidement et avec fruit, il faut travailler sans relâche, mais cependant avec une lente réflexion ; mettre tout le temps nécessaire dans la formation de ses plans, et toute célérité dans leur exécution : ce qui est très-bien exprimé par cet adage latin, Festina lente. C'était la devise d'Auguste. On connaît aussi plusieurs médailles de Vespasien, portant d'un côté son effigie, et de l'autre une ancre entortillée d'un dauphin. Il en existe une pareille de Domitien. P. Bembo fit présent à Alde d'une de ces médailles de Vespasien, en argent, ainsi qu'Érasme nous l'apprend dans ses Adages.
On fit beaucoup de vers en l'honneur des Alde ; on en a, entre autres, de Henri Estienne.
Presque tous les auteurs contemporains qui ont écrit sur l'état et les progrès des lettres ont payé aux Alde leur tribut d'éloges, et même aujourd'hui, il est difficile de parler d'histoire littéraire sans que ces noms honorables s'y trouvent mêlés.
Une médaille fut frappée en l'honneur d'Alde l'ancien, peu de temps après sa mort. Elle représente son effigie avec son nom en légende : Aldus Pius Manutius. Au revers est l'ancre d'Alde, mais non pas entièrement configurée comme celle qu'on voit sur ses livres. La devise est : SPEUDE BRADEÔS (Festina tarde).

NOTES
(1) Plusieurs bibliographes regardent cependant comme antérieure l'édition du poëme de Musée, grec et latin, sans date.
(2) Charles VIII venait d'envahir l'Italie.
(3) Aujourd'hui, on se contente trop souvent de réimprimer le titre, en mettant 2e, 3e ou 4e édition.
(4) Etsi opere in magno fas est obrepere somnum (non enim unius diei hie labor est noster, sed multorum annorum, atque interim nec mora nec requies), sic tamen doleo, ut, si possem, mutarem singula errata nummo aureo.
(5) "Mille et amplius alicujus boni auctoris volumina singulo quoque mense emittimus ex academia nostra", dit-il dans sa préface de l'Euripide, 1503.
(6) Chaque volume in-8° ne coûtait alors que deux francs cinquante centimes, valeur actuelle.
(7) Malgré ce privilége, les livres imprimés par Alde étaient souvent contrefaits, surtout à Fano, par Soncino, et à Florence, par les Junte.
(8) Id quod, si videres, miseresceret te Aldi tui... O provinciam quam durissimam ! ... (Constantini Lascaris Byzantini de octo partibus orationis, édition de 1512, in-4°.)
(9) Quisquis es, rogat te Aldus etiam atque etiam : ut si quid est, quod a se velis : perpaucis agas ; deinde actutum abeas : nisi tanquam Hercules, defesso Atlante : veneris suppositurus humeros. Semper enim erit : quod et tu agas : et quotquot hoc attulerint pedes. (Voyez la préface du Ciceronis libri oratorii, 1514, in-4°.)
(10) 1503. Depuis lors, Alde signait Aldo Pio Manuzio ou Aldus Pius Manutius Romanus.
(11) On la désignait aussi sous le nom d'Accademia della Fama. Sa devise était une Renommée, avec ces mots : Io volo al ciel per riposarmi in Dio.
(12) Non, ut solet, per vicarium, sed ipsemet quotidiana cura. (Ciceronis Epistolae
familiares, 1546, in-8°.)
(13) Venetiis, Aldus, 1555.
(14) Un volume in-8°, 3e édition, 1834.

 


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