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Zéphirin ou l'enfant du plaisir, conte qui n'en est pas un, 1799
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Cette aventure parut avoir été tenue secrète ; la supérieure craignait sans doute que les aveux de Lucie ne la compromissent : toutefois cette dernière lui pardonnait facilement. J'étais avec elle ; je n'aimais qu'elle, et il ne lui restait d'autre sentiment que celui de notre bonheur... Elle était enceinte ; l'espoir d'être père ravit mon âme ; et pour couvrir d'un voile la faute de ma Lucie, et légitimer le fruit de nos amours, je me hâtai de la conduire à l'autel, et nous nous y jurâmes un amour éternel...

Sa famille avait un rang dans le monde ; son père était riche ; mais son père avait eu la barbarie de la repousser de son sein ; et depuis deux ans qu'elle gémissait dans un cloître, elle ne l'avait pas vu... Je pris d'exactes informations ; j'appris que ce père dénaturé était mort et avait laissé à son fils exclusivement chéri une fortune considérable, dont celui-ci se servait pour entretenir le dérèglement de ses passions... L'aurore de la Révolution avait éclairé bien des abus : j'en profitai ; et muni du titre d'époux de Lucie, je citai devant le magistrat son insensible frère... On me rapporta que l'huissier chargé de la signification avait été assez grossièrement reçu par le comte de... qui était loin de s'attendre que sa sœur ressusciterait au monde pour venir lui disputer un héritage si illégitimement acquis... Qu'on juge de mon étonnement en entendant nommer le comte de précisément celui qui m'avait si cruellement puni d'avoir captivé le cœur de sa femme... Ce motif fut un nouveau stimulant à mes poursuites... L'affaire fut plaidée : les juges la comprirent aisément, et le comte fut forcé de restituer ce qu'il avait usurpé. On ne pouvait pas piquer davantage son orgueil, puisque la fortune qu'il s'était appropriée lui servait à entretenir la qualité de comte qu'il avait prise en sortant des bureaux de son père... Cette affaire me procura l'occasion de le voir plusieurs fois ; il me reconnut aisément, et sa rage s'en accrut prodigieusement ; toutefois je sus mépriser ses mépris et sa sotte vanité : mon orgueilleux beau-frère se vit obligé de rendre à sa sœur ce dont son insensible père l'avait si cruellement privée... j'ai su depuis qu'il avait péri dans un duel qu'il avait injustement suscité. Lucie était bonne ; elle donna des larmes à sa mémoire, et elle se vengea de la sorte de ses dédains obstinés... Sa veuve douée du plus voluptueux tempérament courut longtemps les aventures... mais ses ans et le grand usage altérèrent ses charmes, et elle prit le parti ordinaire, de donner à Dieu ce qu'elle ne pouvait plus offrir aux hommes ; et pleura dans l'hypocrisie trente ans d'amour et de plaisir.

J'étais heureux avec Lucie... je lui rendais en amour ce qu'elle avait fait pour ma fortune, et nous nous tenions pour acquittés réciproquement. J'avais loué un petit hôtel non éloigné des barrières, et souvent nous allions promener dans la campagne nos agréables rêveries, et nous entretenir de notre amour... Un soir nous revenions en voiture... je vis passer la diligence ; un homme était à la portière ; je le fixai en jetant un cri d'étonnement : ce cri le surprit, et il démêla aisément nos traits... Nous crions au cocher d'arrêter ; je me précipite à la portière, et je serre dans mes bras mon père, non pas le père Timothée, mais mon père Antonin ; nous l'accablâmes de caresses, et il prit place dans notre voiture... Après avoir satisfait aux premiers épanchemens, il me reprocha sévèrement ce qu'il appelait mon inconduite... Je me doutai qu'il avait été trompé par son perfide parent... et je le priai de suspendre son jugement jusqu'à ce que je puisse lui prouver la noirceur de l'accusation : il s'en rapporta volontiers à mes protestations, et nous arrivâmes gaîment dans mon hôtel... J'avais eu le temps de l'instruire de ma fortune, de mon mariage et des particularités qui y étaient attachées. Il fut surpris et charmé du luxe de mes appartemens ; le bon père ne pouvait se lasser d'admirer ce que la fortune avait fait pour son fils.

J'appris, non sans quelque peine, que le père Timothée était mort d'une indigestion ; ma mère avait eu beaucoup de peine à s'en consoler.

Libre de toute inquiétude, j'étais heureux, heureux! si l'homme peut l'être véritablement, si le bonheur n'est pas un vain rêve né de l'imagination, et qu'un réveil fâcheux fait disparaître, tel qu'un léger brouillard que dissipe le soleil du matin. J'avais quitté le théâtre et brisé ma lyre... il m'en souvient : ce fut ainsi que je fis mes derniers adieux aux Muses, en m'adressant à celle qui m'avait contraint à leur être infidèle...

D'une syrène perfide
J'ai suivi longtemps la loi ;
La raison enfin me guide,
Elle me ramène à toi :
Des neuf filles de mémoire
L'attrait est souvent trompeur :
Je divorce avec la gloire
Pour épouser le bonheur.

Ce dernier effort d'une muse expirante me valut mille baisers de mon amie Lucie, et je me crus suff1samment récompensé!

Lucie m'avait rendu père, et ce titre précieux me la rendit doublement chère... cependant j'éprouvai que l'amour passionné n'est pas exempt d'alarme ; la jalousie semble être son essence... Parmi la société aimable que je rassemblais souvent chez moi, j'avais remarqué un jeune homme beau, bien fait et d'une gaîté charmante ; je ne sais quel pressentiment me le fit croire dangereux... hélas! trop heureux s'il ne s'était pas réalisé.

Lucie devint de jour en jour moins enjouée ; je ne savais à quoi attribuer ce changement d'humeur, et je me perdais dans mes conjectures... En me rappelant certaines circonstances que j'avais peu remarquées, je crus avoir rencontré une probabilité ; et dès lors je soupçonnai son infidélité ; le soir même je m'aperçus du trouble de ma femme en présence de Derci (c'est le nom du jeune homme), et des coups d'œil expressifs que celui-ci lui lançait : j'étais hors de moi-même et sur le point d'éclater ; je me contins cependant, et je résolus de chercher l'occasion d'éclaircir mon doute cruel... fatale curiosité qui arrache le cœur à l'espérance pour le livrer à une affligeante certitude! Le lendemain je prétextai un voyage à la campagne ; l'empressement de Lucie à appuyer ce projet me la rendit plus suspecte que jamais... Je partis donc ; mais je revins bientôt pour m'insinuer dextrement dans un cabinet qui tenait au grand salon, et d'où l'on pouvait entendre tout ce qui s'y disait... La porte était vitrée, et je n'aperçus pas sans émotion ma femme occupée à lire avec une espèce d'intérêt une lettre que venait de lui remettre sa femme de chambre... Ce billet fatal !.. qui l'avait écrit ? Cruelle anxiété!.. J'écoutai plus attentivement... et je ne pus plus douter de mon malheur...

- Eh bien, Marton, c'est Derci, c'est mon amant ; le pauvre jeune homme, comme il m'aime!... et je serais insensible!.. oh non. Mais Zéphirin...

- Chassez ce vain scrupule, madame, vous seriez la première femme dont le devoir étoufferait l'amour. Votre mari vous aimait quand il vous a épousée, vous l'aimiez aussi ; mais la tendresse s'use, et le plaisir n'est piquant qu'autant qu'il est varié ; d'ailleurs votre époux vous doit trop pour vous tenir dans une humiliante servitude ; vous avez assuré sa fortune, il me semble que c'est assez reconnaître ses soins et son attachement.

J'étouffais de rage... et je ne pus retenir cette exclamation : Impertinente soubrette. Elle donna lieu à un débat assez vif entre la maîtresse et la femme de chambre, qui m'aurait amusé dans tout autre moment : la jalousie me déchirait, un instant encore j'allais éclater...

Après un moment de silence, Lucie alla vers mon secrétaire en disant : Allons, puisque tout semble favoriser ses désirs, puisque moi-même je n'ose lui refuser ce qu'il a si bien mérité, il faut lui répondre...

A ces mots entr'ouvrant doucement la porte, je saisis sa lettre que je trouvai sur une chiffonnière à portée de moi... Je rentrai sans être vu, et lus, transporté de fureur, ces lignes fatales...

“ O trop heureux Derci, puisqu'il a pu a vous plaire et mériter votre cœur! nous nous aimons, dès longtemps mes yeux vous l'ont appris, et j'avais lu dans les “ vôtres que je ne vous étais pas indifférent ; mais l'amour ne vit pas d'espérance... Il est d'autres faveurs que mon cœur ambitionne, et que vous ne refuserez pas au plus tendre amant... profitez de l'absence de votre jaloux importun (je relus : oui, il y a bien ça), et couronnez les vœux du tendre et amoureux Derci... ”

Perfide!... m'écriai-je, perfide !... et je demeurai accablé comme un homme qui succombe à la plus vive douleur. Quelques paroles, en frappant mon oreille, me tirèrent de ma morne stupéfaction... je prêtai attention, et j'entendis ma femme charger sa suivante de la réponse à la lettre fatale... Je sortis, transporté de fureur, pour attendre au bas de l'escalier la messagère de la plus noire trahison : à ma vue, Marton se trouble ; je ne lui donnai pas le temps de remonter, et je lui criai d'une voix terrible : “ Malheureuse, je connais ta trame infernale et la perfidie de mon indigne épouse, donne-moi le billet qu'on t'a chargée de porter à mon rival, ou crains ma vengeance! ” Marton effrayée voulut en vain dissimuler ; je lui arrachai la lettre en la chassant pour jamais de ma maison.

- Fuis, lui disais-je, fuis, vile séductrice ; va porter ailleurs ton adresse perfide et tes conseils affreux, et débarrasse-moi pour jamais de ta fâcheuse présence...

Marton tremblante se retira sans que j'en aie entendu parler depuis.

Je rentrai dans un coin isolé de mon appartement pour y relire la lettre de mon infidèle épouse... elle respirait une tendresse sans égale, et toutes ses expressions étaient marquées au coin du plus vif sentiment...

“ A minuit, disait-on, quand l'amour aura endormi l'indiscrète curiosité, venez et vous saurez si vous êtes aimé de votre trop faible peut-être, mais très aimante Lucie. ”

Je mis en pièces ce billet funeste, et je conçus le projet de désabuser Lucie sur le mérite physique de mon heureux rival ; je m'arrêtai avec plaisir à cette résolution, et je me retirai pour y réfléchir plus à mon aise. Ma femme était d'une complexion vive et portée au plaisir ; l'idée de la jouissance l'avait peut-être aveuglée, et je pouvais encore la tirer de son erreur. J'attendis impatiemment minuit... enveloppé dans un manteau, le chapeau sur les yeux, je m'introduisis dans l'appartement de Lucie qui déjà m'attendait dans son lit... Une veilleuse éclairait la chambre de sa lumière vacillante... je l'éteignis facilement en déployant mon manteau, et l'obscurité facilita le quiproquo. Une voix demanda doucement : Est-ce vous ? Je répondis très bas, Oui ; et après m'avoir fait attendre assez longtemps, je me glissai nu dans le lit de ma perfide épouse... Sa chaleur et ses mouvemens passionnés me prouvèrent qu'elle s'attendait à être vigoureusement fêtée ; mais il entrait dans mes vues de tromper ses espérances, et je demeurai froid comme un marbre... et Lucie dont la main me parcourait voluptueusement, usa toutes les titillations pour émouvoir mes sens, mais en vain ; j'étais insensible à ses caresses... Je sentis, sans-en être plus disposé, une liqueur brûlante qui se répandait sur ma cuisse... c'était le prix que Lucie destinait à ma valeur, elle payait ma lâcheté par cette espèce de mépris... je m'applaudissais tout bas de son dépit, je l'entendis s'écrier : Zéphirin ! Zéphirin ! à quel homme t'ai je sacrifié ? Cette réparation me consola un peu, et je profitai du moment où, fatiguée de ses vains efforts, elle sommeillait tranquillement, pour m'esquiver sans qu'elle s'aperçût du stratagème.

Je revins le jour même, et le soir je jouis de l'embarras des deux amans ; Lucie paraissait piquée, et la contenance de Derci m'amusait beaucoup ; j'avais cependant une explication à lui demander ; je l'entraînai au jardin... et lui montrai sa lettre en lui assurant que ma femme s'était empressée de me la rendre ; le jeune homme s'excusa beaucoup, et d'une manière assez persuasive pour que je renonçasse à mes idées de vengeance ; il me promit de ne plus songer à Lucie, et j'appris à cette dernière que j'étais instruit de son projet d'infidélité : l'absence soudaine de son officieuse soubrette, avait déjà éveillé ses soupçons : mon aveu la convainquit. Larmes, prières, désespoir, tout fut employé pour obtenir le pardon ; je lui devais trop pour être inexorable... J'oubliai sa perfidie, et sa conduite m'a prouvé depuis qu'un caprice éphémère ne pouvait faire obstacle au nœud d'amour qui nous liait depuis si longtemps.

* Cette ariette peut se mettre e sur l'air : Non, je ne dirai pas j'aime.


MÉLANGE DE POÉSIES

ERNANCE AU TOMBEAU DE SA MÈRE
ROMANCE

Musique du cit. DES....ES.


J'entends à travers les ténèbres
Gronder le fougueux Aquilon.
Furieux, il se précipite
Ainsi qu'un torrent destructeur
Le frêle arbuste qu'il agite
Ne l'est pas autant que mon coeur.
Sous ce marbre ma pauvre mère
Sommeille donc… mais pour toujours.
A peine hélas! dans la carrière
Elle a vu flétrir ses beaux jours.
Objet de l'amour le plus tendre,
Moins malheureux encor que moi,
Mes pleurs ranimeraient ta cendre,
S'ils pouvaient aller jusqu'à toi.
J'entends au loin gronder l'orage
Et le bruit affreux des torrens ;
L'éclair sillonnant le nuage
Scintille en éclats effrayans :
Ce saule vers l'onde rapide
Penche son feuillage noirci ;
Déjà sa racine est humide ;
Il pleure, et moi je pleure aussi...
Bientôt l'aurore blanchissante
Ouvrira les portes du jour ;
Philomèle reconnaissante
En célébrera le retour.
Moi, sur cette urne funéraire,
Je viendrai répandre des pleurs,
Et l'écho triste et solitaire
Redira mes chants de douleurs.

Par le C. N. R. A....RE.


L'HYMEN DE MERCURE AVEC LA LIBERTÉ

O toi du souverain des Dieux,
Le messager sûr et fidelle,
Mercure, si nos bons aïeux,
Enfans d'une secte nouvelle,
Ont abandonné tes autels ;
Si de téméraires mortels
Ont de la légende céleste
Rayé ton nom, ce sort funeste
Cède à des destins plus brillans.
En vain le sévère orthodoxe
Appuyant ses rêves savans
Du nom d'Augustin et d'Eudoxe.
Et nous rappelant nos sermens
Dans l'étroit sentier de la grace ;
Rassure nos pas chancelans :
C'est à peu près le bon Ignace
Qui prêchait la grace efficace
Aux demoiselles de son temps.

De ce fatras théologique
Ah! nous sommes bien revenus ;
Déjà l'idole catholique
A vu ses temples abattus,
Et la doctrine de Jésus
N'est qu'un rêve mythologique
Auquel le bon sens ne croit plus.
De Sisyphe l'illustre père
Obtient un hommage nouveau,
Et le cœur de plus d'un Bonneau
Est devenu le sanctuaire
Du Dieu qui préside au barreau.
Un vil instrument de supplice
Ne décore plus nos salons.
Mortels ingrats! nous oublions
Qu'un Dieu s'offrit en sacrifice
Pour nous arracher aux démons.

Mais en faveur de l'habitude
Ne doit-on pas être indulgent ?
Ne blâmons pas la gratitude
De nos Sisyphes d'à présent.
Ils m'ont volé, dit en pleurant
Un rentier réduit à l'aumone.
Volé ! le mot est peu décent ;
Mais au fond n'a rien qui m'étonne.
Eux exceptés, il n'est personne
Qui ne nous puisse en dire autant ;
De là j'induis la conséquence,
Que nous aurions tort en effet
De blâmer leur reconnaissance ;
Pour payer un pareil bienfait.
Ils ont rendu l'apothéose
A Mercure ; il avait tant fait
Pour eux, qu ils devaient quelque chose
A la main qui les conduisait.
Si j'en crois la mythologie,
Le volage amant de Maïa
Dans l'Olympe se signala
Par plus d'une tendre folie.

Les jours d'Astrée ont disparu :
Chétifs insectes que nous sommes!
A peine voit-on chez les hommes
Des vestiges de la vertu.

Comment trouver une déesse
Qui veuille habiter parmi nous ?
Sans craindre que le ciel jaloux
Ne l'arrache à notre tendresse.

A nos Pénates malheureux
La liberté seule est fidelle ;
Elle est jeune et même assez belle,
Si j'en crois les amans nombreux
A qui la sainte est infidelle.
Mercure sera son mari :
Le dieu des voleurs, et la dame
Que nos grands adorent ici,
On n'a jamais vu, sur mon ame,
Mariage plus assorti.

Par le même.


TON HOROSCOPE
A JULIE

Agée de 9 ans, qui touche fort agréablement du forte-piano, et joue avec grace des petits rôles de comédie.

Musique de M. BOIELDIEU

Tel qu'un lierre souple et rampant
S'attache à l'arbre tutélaire,
Sous l'aile d'une tendre mère
Crois aimable et sensible enfant.
De même qu'un lis dans la plaine,
Beau d'innocence et de fraîcheur,
Croit sous l'ombrage protecteur
Que lui prete un antique chêne ;

D'une douce et tendre harmonie
Embellis tes jolis accens ;
Aux badinages de Thalie
Accoutume tes jeunes ans.
Et si le temps qui fuit sans cesse
Doit flétrir, avec tes attraits
Les fleurs qui parent ta jeunesse,
Le talent ne vieillit jamais.

Quant à ce coeur muet encor
L'amour viendra se faire entendre
Alors tu béniras le sort
Qui te donne une mère tendre :
Va, tu lui rendras à ton tour
Tous les soins qu'un bon coeur procure :
On ne vole pas à l'amour
Ce que l'on donne à la nature.

Bientôt ton époux fortuné
Verra s'augmenter son ménage,
De même qu'un myrte sauvage
De nombreux fils environ1lé.
Alors à la jeune famille,
De la vertu suivant les pas,
Pour exemple tu donneras
Celle qui te nomma sa fille.

Par le même


LE VIEUX TOIT
Conte imité de DOUVILLE


Madame Alix, déjà sur le retour,
Gissait au lit. Fièvre et paralysie
L'accablaient à la fois.... Mamour,
Dit son mari, vieillesse est maladie
impossible à guérir... c'est une hôtellerie
Où pleut partout... Je te plains ; mais
Ta toiture n'est pas nouvelle ;
Elle offre aux vents le plus facile accès.
Je le crois aisément, dit-elle,
Le couvreur n'y monte jamais.

Par le même


L'APPARTEMENT EN DEUIL
CONTE


Un couple joint du nœud de mariage, 
D'amour épuisant les doux feux,
Vivait au sein du plus joli ménage :
Femme jamais, n'eut un sort plus heureux
Mainte voisine en fut jalouse ;
Je le crois bien, notre homme à son épouse
Faisait par chaque nuit, cinq ou six fois courir
La poste du plaisir :
Si que madame en était fort contente.
Ce beau jeu-là devait durer longtemps
Chaque jour, nouveaux agrémens!
Mais on fut bien trompé dans son attente
Car notre époux
Devint jaloux ;
Puis dégoûté du mariage,
Il s'avisa d'être volage :
En un endroit, oubliant son serment,
Y prit certain mal assez drole,
Que je voudrais nommer plus décemment ;
Mais que des gens grossiers ont appelé v......
Enfin, puis-je dire autrement ?
Il en fut pourvu d'abondance :
La pauvrette qu'il délaissait.
Gémissant en silence,
Jour et nuit regrettait
Ses plaisirs et sa jouissance
Or elle vit certain homme de bien,
A l'œil hagard, à longue mine,
Bâtard de Gallien,
Vrai goujat de la médecine,
Scalpel en main, à petit bruit
S'introduisant chez le mari.
Femme. on le sait, est curieuse,
Et dans semblable occasion
L'être est permis, je pense avec raison ;
Et puis femme est toujours d'humeur capricieuse.
Or donc pour couper court **,
Lorgnant du trou de la serrure,
Elle connut pour son amour
Une assez fatale aventure :
Dans de nombreux linceuls
l'instrument de nature
Par l'homme noir lui semble enseveli :
Elle ouvre à cet aspect un œil tout ébahi ;
Son tendre cœur doucement en murmure ;
Mais usant de discrétion,
Elle attend que l'animal pie
Soit décampé de la maison ;
Puis découvrant sa chose tant jolie,
D'encre elle barbouilla la route des plaisirs.
Notre homme, à cette vue,
Semble tombé de nue :
Femme, dit-il, quels sont donc vos désirs ?
 Dites-moi, que signifie
Tout cet appareil-là ?...Je ne vous conçois pas ;
Vous êtes folle assurément, ma mie.
Folle! il n'est que trop vrai, mon cher époux, hélas !
Et vous saurez bientôt d'où vient cette manie :
Je l'ai vu descendre au cercueil,
Le pauvre malheureux qui cause ma folie,
Et je tendais l'appartement en deuil.

Par le même.

Notes :
* A vous MM. les censeurs
*
* Idem

COUPLETS DE RUPTURE
A Mlle A..., M,....


AIR : La boulangère a des écus

Votre petit air engageant 
Cache tant de malice,
Qu'il fallut vous prendre en naissant
Pour vous trouver novice.

Vraiment ;
Pour vous trouver novice.
Vous chantez assez joliment ;
Mais ce n'est pas merveille ;
Vous ne pourriez, convenez-en,
Écorcher que l'oreille,
Vraiment ;
Écorcher que l'oreille.

Votre ventre est assurément
De taille rondelette ;
Mais c'est un tambour discordant
Qui ne bat que retraite,
A présent ;
Qui ne bat que retraite.

Vous faire du bien, ce serait
Le voeu d'un coeur sensible ;
Car pour du mal on ne saurait ;
C'est la chose impossible,
En effet
C'est la chose impossible.

Par le même

 

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