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Edouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile.
Troisième édition.
Paris, Edouard Rouveyre, 1880.

Du format des livres (1 2 3)

Ce
n'est pas une chose aisée que la connaissance des formats; on a vu des hommes instruits commettre des erreurs en ce genre qui ont fait naître des discussions assez sérieuses sur l'existence d'un ouvrage dont le format avait été mal indiqué.
Nous ne parlerons point ici du format du livre des anciens, qui dépendait souvent de l'étendue et de la forme de la matière subjective de l'écriture. Nous n'entendons parler que du format des livres depuis l'invention de l'imprimerie.
Le format est la résultante du nombre de feuillets contenus dans chaque feuille imprimée et pliée, quelle que soit d'ailleurs sa dimension. Il tire son nom du nombre
de feuillets ou de la moitié du nombre de pages que renferme la feuille.
Il existe un grand nombre de formats dont il n'est pas facile à première vue de déterminer la dimension, l'imprimeur employant quelquefois un papier plus grand ou plus petit, et chaque format pouvant être en grand papier, en papier ordinaire ou en petit papier (1); on peut prendre un in-folio pour un in-quarto, un in-douze pour un in-octavo, un in-dix-huit pour un in-douze, et réciproquement. L'in-octavo, par exemple, étant en petit papier, se confond aisément avec l'in-douze posé sur la même tablette ; le grand in-octavo se confond avec le petit in- quarto, etc. Ces confusions ne sont point préjudiciables pour l'arrangements des livres sur les tablettes ; mais il en résulterait des erreurs bibliographiques graves si, sur un catalogue, on désignait un petit in-octavo sous le nom d'in-douze ; c'est alors créer des éditions qui n'ont jamais existé. Il y a aussi de petits formats qui offrent des doutes, alors il faut avoir recours, pour les éditions en papier vergé, aux pontuseaux (2) et aux vergeures (3) pour les éditions en papier vélin, aux réclames (4) et aux signatures (5); à leur inspection on reconnaîtra sur-le-champ le format le plus douteux.
Pour voir comment la feuille est pliée dans chaque format, combien elle contient de pages, comment sont disposés les pontuseaux des différents formats, la manière de les faire connaître, nous allons exposer une table des dénominations de formats (6).

L'in-folio a la feuille pliée en 2, contient 4 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I .

L'in-4° a la feuille pliée en 4, contient 8 pages, et ses pontuseaux sont horizontaux --.

L'in-8° a la feuille pliée en 8, contient 16 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I .[L'in-8° a, comme la plupart des autres formats, diverses dénominations qui proviennent de la grandeur du papier employé par l'imprimeur.]

L'in-12 a la feuille pliée en 12, contient 24 pages, et ses pontuseaux sont horizontaux --.

L'in-16 a la feuille pliée en 16, contient 32 pages, et ses pontuseaux sont horizontaux --.

L'in-18 a la feuille pliée en 18, contient 36 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I .

L'in-24 a la feuille pliée en 24, contient 48 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I ou horizontaux --. [Comme l'in-24 est quelquefois incertain, il faut, pour connaître au juste sa dénomination, ouvrir le livre entre les pages 48 et 49; si la réclame se trouve au bas de la page 48, et la signature au bas de la page 49, alors le format est in-24; mais si la réclame est au bas de la page 64, et la signature au bas de la page 65, le format est in-32. ]

L'in-32 a la feuille pliée en 32, contient 64 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I.

L'in-36 a la feuille pliée en 36, contient 72 pages, et ses pontuseaux sont horizontaux --.

L'in-48 a la feuille pliée en 48, contient 96 pages, et ses pontuseaux sont horizontaux --.

L'in-64 a la feuille pliée en 64, contient 128 pages, et ses pontuseaux sont horizontaux --.

L'in-72 a la feuille pliée en 72, contient 144 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I .

L'in-96 a la feuille pliée en 96, contient 192 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I .

L'in-128 a la feuille pliée en 128, contient 256 pages, et ses pontuseaux sont perpendiculaires I . [Le format in-128 était appelé pouce, on l'employait jadis pour de très petits almanachs.]

On voit par ce qui précède quelles sont les différentes sortes de formats: huit ont les pontuseaux perpendiculaires, et six les ont horizontaux; on voit aussi le nombre de pages contenues à la feuille dans chaque format; alors, à l'inspection des signatures, il est facile de reconnaître toute espèce de format.

NOTES

(1) Il est bon d'observer aussi que les imprimeurs impriment quelquefois par demi-feuille et qu'alors les signatures tombent dans l'in-octavo à la neuvième page, dans l'in-douze à la treizième, dans l'in-seize à la dix- septième.

(2) Les pontuseaux sont des raies transparentes qui traversent entièrement le papier dans la distance de 12 à 15 lignes, ou de 27 à 33 traits selon la grandeur de la feuille; elles coupent, à angle droit, d'autres raies extrêmement rapprochées et moins sensibles que l'on nomme vergeures.

(3) Il y a même quelques éditions du xve siècle dans lesquelles on n'aperçoit aucune trace de pontuseaux; ce papier ressemble presque à du papier vélin; mais on découvre des vergeures qui peuvent servir à faire connaître le format. Le meilleur moyen pour reconnaître le format avec ce papier consiste à chercher la marque de fabrique ou marque d'eau; si elle se trouve au milieu du feuillet, le volume est in-folio; si elle est au fond du volume, il est in-quarto; et, si elle est en haut du feuillet, il est in-octavo. Il y a des bibliophiles qui ont prétendu qu'on ne voyait pas de format in-octavo et au-dessous, avant 1480 ; ils se trompent, Peignot nous en indique deux : le Diurnale seu liber precum, Venetiis, 1480, in-24, SUR VÉLIN ; et un Psalterium Davidis, imprimé par Jean de Westphalie, vers 1480.

(4) La réclame (un mot ou quelques syllabes d'un mot) se trouve placée à droite sous la dernière ligne d'une page verso (le verso est la page qui est à la gauche du lecteur, et le recto celle qui est à droite); ce mot ou ces quelques syllabes du mot sont les mêmes qu'on réitère au commencement de la page suivante, pour faire connaître l'ordre exact des pages et des feuillets. Cet usage, qui est devenu inutile depuis qu'on a adopté celui des folios, n'en a pas moins persisté fort longtemps dans la typographie. On en a fait même un abus. Le livre de Heinecke, par exemple, intitulé "Idée d'une collection d'estampes, etc.", imprimé en Allemagne, en 1777, porte des réclames à toutes les pages, ce qui est absurde; car il ne pouvait y avoir erreur d'une page à l'autre du même feuillet. La réclame se place ordinairement à la fin de chaque feuille ou bien à la fin de chaque cahier, quand la feuille est partagée en plusieurs cahiers. Les réclames n'ont d'abord paru que dans le Confessionale sancti Antonini, Bononiae (sans nom d'imprimeur), 1472, in-4°. Magré de Marolles en avait vu dans le Tacite de Vindelin de Jean de Spire, qu'il croyait de 1468 ou 1469; mais Rive prouve que ce livre ne peut avoir été imprimé que vers la fin de 1472. On voit par là que dans les premiers temps de l'imprimerie il n'y avait pas de réclame; ensuite on les a beaucoup multipliées, maintenant elles ne sont plus guère en usage.

(5) On entend par signatures les signes particuliers qu'on emploie pour distinguer les différentes feuilles dont se compose un ouvrage. Autrefois, on se servait des lettres de l'alphabet; mais, depuis longtemps, on ne se sert plus que des chiffres. Si, par exemple, on veut s'assurer qu'un volume est in-8°, on n'a qu'à regarder au bas de la 17e page, on y trouvera B (si l'in-octavo est imprimé par demi-feuille, le B ou le chiffre 2 sera au bas de la 9e page); à la 33e, C; à la 490, D ; etc. Si le volume est in-12, on trouve B au bas de la page 25, C à la page 49 ; D à la page 73, etc., parce que la feuille étant pliée en douze, ce qui forme 24 pages, il est naturel que la pagination de la seconde feuille commence par le nombre 25, et que le bas de la première page de cette feuille soit marqué de la lettre B ou du chiffre 2. On se sert aussi de signatures pour connaître l'ordre des cahiers et des pages qui les composent, surtout dans les petits formats au-dessous de l'in-12, où une feuille renferme plusieurs cahiers séparés et a plusieurs signatures. S'il y a plus de cahiers ou de feuilles que de lettres, on multiplie l'alphabet par minuscules ajoutées à la majuscule, autant de fois qu'il est nécessaire, c'est-à-dire qu'après la 23e feuille on recommence l'alphabet ou signature A a; à la 47e, on reprend le troisième alphabet
ou signature A aa, et ainsi de suite. Il est reconnu que les signatures ont paru pour la première fois dans le Johan. Nyder praeceptorium divinae legis, Coloniae, per Johan. Koelhof de Lubeck, 1742, in-fol. à deux colonnes. De nos jours la signature par lettre est abandonnée et on ne se sert plus que de chiffres.

(6) Dans la première période de l'imprimerie, les livres étaient de format in-folio, in-quarto, in-octavo et in-vingt-quatre ; mais ce ne fut que vers la fin du xve siècle que Alde Manuce mit en vogue le format in-octavo. Au xviie siècle, les Elzeviers publièrent leurs charmantes collections qui mirent en vogue les formats in-seize et in-vingt-quatre. Au xviiie siècle, l'in-douze était fort commun. Aujourd'hui c'est l'in-octavo et l'in-dix-huit qui sont le plus en vogue. L'in-folio est à peu près abandonné, si ce n'est pour les atlas et quelques publications officielles. On n'imprime guère in-quarto que des dictionnaires, des recueils scientifiques et autres ouvrages qui ne sont consultés que dans les bibliothèques. Quelques éditeurs ont imaginé de faire tirer le même ouvrage sur deux formats, in-octavo et in-dix- huit; dans ce cas, l'in-dix-huit a trop peu de marges. Les formats qui conviennent le mieux aux romans, aux publications intimes, sont l'in-dix-huit jésus et l'in-dix- huit carré. >>


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