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RAPPROCHEMENTS IMPRÉVUS Entre deux mots disparates. RAVE-LAURIER. Quand la paix mettait des entraves Aux exploits d’un peuple guerrier, Le front couronné de laurier, Cincinnatus plantait des raves. Montélimar, 1869. JUSTICE-LOCOMOTIVE. Chez la nation grecque et la nation juive, La justice a parfois frappé des innocents ; La justice est, hélas ! une locomotive Qui déraille de temps en temps ! Collège de Courtrai, 1872. CHÉRUBIN-SABOTS. Souvent la richesse est profane ; La pauvreté parfois cache moins de défauts, Et, pleine de vertus, plus d’une paysanne Est un chérubin en sabots ! Saint-Nicolas, 1872. VERTU-CHASSEPOT. Lorsque Satan, sorti de son noir entrepôt, De ses tentations fait siffler les mitrailles, La vertu fut toujours le divin chassepot Avec lequel les saints ont gagné leurs batailles. Collège de Notre-Dame de la Tombe (Tournai), 1872. TOUR-BONNET DE COTON. Pour rapprocher les mots qu’on me donne, aussitôt Je vais avoir recours au bon roi d’Yvetot. Alors que ce roi très-habile, Au sortir d’un combat, regagnait sa maison., En rentrant dans la tour qui lui servait d’asile, Il mettait pour dormir son bonnet de coton Melle, 1871. SABOT-POÉSIE. Quand Pégase prend le galop Aux chemins de la fantaisie, Il fait jaillir sous son sabot Les éclairs de la poésie . Namur (Collège Notre-Dame de la Paix), 1871. PHILOSOPHIE-JARDIN BOTANIQUE De rapprocher ces mots aisément je me pique ; Car, à l’époque où nous vivons, La philosophie est un jardin botanique Qui renferme, ici-bas, pas mal de cornichons ! Bruxelles (Institut Saint-Louis), novembre 1871 ALEXANDRE-CLOPORTE Alexandre le Grand sous son fier diadème Abrita des instincts pervers. Lui qui gouverna l’univers, Il ne sut pas se gouverner lui-même. Bref, ce grand roi n’eut pas l’âme assez forte Pour échapper à la contagion Il commença comme un lion ; Mais il finit comme un cloporte . Bruges, 1872. SAUCISSE-BÉNITIER. Saint Antoine eut jadis une tentation Dont l’histoire a gardé le souvenir célèbre ; Le diable, chez ce saint, mit tout en action Pour lui faire un instant embrouiller son algèbre. Saint Antoine resta ferme dans l’étrier, Et, trouvant un secours contre tant d’injustices, De son pauvre cochon il sauva les saucisses En aspergeant le diable avec son bénitier. Paris, 1867. LA BALLE AU BOND. Voici en quoi consiste ce tour de force poétique : dans le courant d’une improvisation sur un thème imposé, le poète doit saisir au vol les mots les plus disparates lancés par l’auditoire et les intercaler dans ses vers, sans s’interrompre ni s’écarter du sujet donné. La Mort de César. Son génie était grand, sa gloire fut immense ! César avait soumis le monde à sa puissance… ÉTEIGNOIR Mais la mort le soumit lui-même à son pouvoir ; De ce flambeau de Rome elle fut l’éteignoir. TRAPPE La mort n’épargne rien, en aveugle elle frappe, Et, pour tous, du tombeau sa main ouvre la trappe. BONNET Du revers de sa faulx, elle fend au hasard, Comme un simple bonnet, le casque d’un César. FICELLE De quelque nom brillant que l’histoire l’appelle, L’Homme n’est qu’un pantin dont Dieu tient la ficelle. CHANDELLE Revenons à César. Disons à quel propos Sous un fer assassin tomba ce grand héros. Phébus, le dieu du jour dont le char étincelle, Avait à l’horizon allumé sa chandelle. CARÊME Bref, le soleil au ciel répandait ses lueurs, Lorsque César parut parmi les sénateurs, Qui montraient sur leurs bancs une face plus blême Qu’un pauvre sacristain au sortir du Carême. TABATIÈRE A l’illustre César, Brutus, d’un air fort doux, Offre sa tabatière et dit : En usez-vous ? PRUSSIEN Il tire en même temps, action diabolique, Un vieux sabre prussien du fond de sa tunique. CERVELLE César prend une prise, et Brutus, ô terreur ! Lui brûle la cervelle en lui perçant le coeur. GRIMACE Dans sa toge, César s’enveloppa la face Pour cacher aux Romains sa dernière grimace, Et, la prise agissant sur le même moment, sa grande âme s’enfuit dans un éternuement. Marseille (Cercle de l’Athénée), 1869. © Textes Rares |