Offrir à
la jeunesse studieuse les Prières usuelles, traduites
en grec, n'est pas une idée nouvelle. Dès l'année
1595, un célèbre professeur à l'université
de Paris, Frédéric Morel, fit imprimer en grec et en latin
l'Office de la sainte Vierge, suivi d'un grand nombre d'oraisons, d'hymnes,
de psaumes. Le pape Clément VIII voulut bien en agréer
la dédicace. Ce petit volume, sorti des presses de Jérôme
de Marnef, est encore recherché des amateurs.
En 1786, Suère du Plan, qui a consacré une partie de sa
fortune à faciliter et étendre l'étude du grec,
édita l'Ordinaire de la Messe et un Psautier complet. Les intonations
qui se trouvent à la fin du volume montrent que le désir
du pieux auteur eût été que les élèves
s'exerçassent quelquefois à chanter en grec les sublimes
cantiques du roi-prophète.
Les Jésuites,
si renommés par leurs succès dans l'instruction de la
jeunesse, firent paraître, à diverses époques, plusieurs
ouvrages du même genre. On a du P. Canisius un catéchisme
grec-latin qui eut plusieurs éditions ; nous avons sous les yeux
celle de 1644, et une beaucoup plus jolie imprimée chez Barbon
en 1733.
Le P. Mayr (1615) traduisit en grec l'Imitation de Jésus-Christ.
Cette traduction a paru de nouveau en 1824, chez Firmin Didot, par les
soins de notre ancien condisciple, le savant M. Brosset. - En 1823,
Seguin d'Avignon, sollicité par les révérends Pères,
publia, in-18, le Petit Office de la sainte Vierge. - En 1848,
un prêtre du diocèse de Nîmes a fait imprimer un
livre grec fort pieux intitulé : Selectae preces e patribus
ecclesiae orientalis ad usum piorum clericorum, in-32. (M. le chevalier
Drach, appliquant à l'hébreu le même principe, a
fait paraître chez Gaume le Pieux Hébraïsant.)
De plus, dans l'Alphabetum graecum de Robert Estienne (1580),
et à la fin de quelques grammaires, le Pater, l'Ave, le Credo
et autres Prières ont été imprimés pour
servir aux commençants de premiers exercices. Ainsi l'a fait
le P. Giraudeau, dans sa grammaire à l'usage des sixièmes.
Ainsi l'avaient fait, avant lui, les grammairiens Clenard (1530), Antesignan,
Scot (1605), et quelques autres.
Nous ne faisons donc
que continuer ou reproduire, en les améliorant, les travaux des
maîtres expérimentés et savants dont nous venons
de parler, et nous avons droit d'espérer que notre livre de Prières
grecques ne sera pas moins favorablement accueilli que leurs anciennes
publications, ni jugé moins utile à l'étude de
la langue grecque.
En effet, l'avancement
rapide dans la connaissance d'une langue quelconque dépend, en
grande partie, de la promptitude à laquelle l'élève
parvient à classer, dans sa mémoire, la nomenclature
et les règles principales de cette langue.
Or rien ne l'aidera
plus facilement à atteindre ce but que la lecture et la récitation
habituelle des Prières, contenues dans cet opuscule. En
faisant ses exercices de piété, notre pieux Hélléniste
se familiarisera infailliblement avec le sens exact et précis
de plusieurs milliers de mots, racines ou dérivés - avec
les principales inflexions des verbes réguliers et irréguliers
- avec les adverbes, les conjonctions et les prépositions qui
s'emploient plus fréquemment - avec les règles les plus
importantes de la syntaxe.
De peur que le goût sévère d'un maître ne
s'alarme de voir, comme auteur auxiliaire, entre les mains de
ses écoliers un livre de prières, nous ferons remarquer
qu'une grande partie du Pieux Hélléniste se compose
de grec ancien, tiré ou des Septante, ou d'anciennes liturgies
; et, quant aux traductions de facture moderne que nous y avons jointes,
on peut affirmer que les mots y sont employés dans leur sens
propre, et que les règles de syntaxe y ont été
observées. - Dire que nous devons quelques traductions à
l'obligeance de feu M. Fleuri Lecluse, ancien doyen de la faculté
des lettres de Toulouse, c'est donner une garantie suffisante de la
grécité de ces morceaux. Cet estimable helléniste
a bien voulu nous en céder la propriété. - Nous
devons aussi d'heureuses corrections, dans les morceaux écrits
en prose, aux judicieux conseils d'un homme en qui une rare modestie
s'allie au savoir le plus profond. Nous voulons parler de M. Frédéric
Dübner, qui rend en Fance de si grands services aux lettres grecques
par ses propres ouvrages, et par les soins consciencieux qu'il apporte
aux importantes publications de MM. Didot et Lecoffre.
De notre côté,
nous avons tâché d'améliorer et de compléter
notre premier travail. On nous saura sans doute gré d'avoir ajouté
les prières du matin et du soir telles qu'elles se font généralement
dans les communautés (celles du matin commence par ces mots :
Très-Sainte et Très-Auguste Trinité ...,
et celle du soir : Je vous adore, ô mon Dieu, avec la soumission
...) ; - quelques effusions de coeur envers la sainte Eucharistie
; enfin les Vêpres de l'Immaculée Conception de la Très-Sainte
Vierge, que les élèves réciteront avec délice,
principalement dans le temps des vacances, ou, dans le cours de l'année,
les jours de congé et de promenades. Ce sera comme un écho
prolongé de la proclamation du dogme si cher à tous les
enfants de Marie : Ex ore infantium perfecisti laudem.
C'est à la
piété des jeunes hellénistes d'abord que
nous offrons ce petit volume, destiné, lors même qu'il
ne sera plus pour eux un livre d'exercices, à leur servir
chaque jour de manuel de prières. Nous devons toutefois
les prévenir qu'il ne conviendrait pas qu'ils en fissent usage
à l'église, avant de s'être suffisamment exercés
d'abord à bien comprendre les morceaux qu'ils voudraient y lire.
Dieu ne pourrait pas bénir des travaux qui seraient une irrévérence.
Il ne faut pas changer le temple saint, qui ne doit être consacré
qu'à la prière, en un lieu d'exercice et d'étude.
En éditant
notre Pieux Helléniste, nous n'avons pas eu seulement
en vue les étudiants ; nous avons encore espéré
être utile aux gens du monde qui, ayant achevé leurs études,
n'ont plus guère occasion de revoir leurs auteurs de classe,
et oublient si facilement le peu qu'ils ont appris de la langue d'Homère
et de Platon. Ce petit ouvrage leur viendra en aide : il entretiendra
dans leur mémoire quelque connaissance du grec, pourvu qu'ils
veuillent bien s'en servir habituellement comme livre de messe,
comme manuel qu'ils portent à l'office ou dont ils se
servent, matin et soir, pour accomplir les exercices du chrétien.
Il y aurait beaucoup
d'avantage à rédiger en allemand, en anglais, en italien,
en espagnol, etc., de petits livres sur le plan de celui-ci. L'étude
si suivie aujourd'hui des langues vivantes serait du moins sanctifiée,
et les hommes du monde oublieraient moins les titres de leur noble origine
et comprendraient mieux la nécessité d'entretenir avec
le souverain Être dont ils dépendent des rapports de soumission
et de prière.
Henri Congnet.
Soissons, le 2 février
1857.
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