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Pierre Constant (XVIe siècle), Opuscules, 1879

La grande cacade de Guyonvelle... **


Attendois d'heure en heure,
Qu'une plume meilleure
Que la mienne en ma main,
Chantast la desbandade
De l'infame Cacade
Deuant Chasteau villain :
Aucun ne s'y presente,
Si fault il que ie chante
L'honneur grand des vainqueurs,
Blasonnant l'infamie
De la trouppe ennemie
De noz traistres Ligueurs.
Ce fut le iour vnziesme
De cest octobre mesme,
Que ces Ligueurs felons,
D'une forme inhabille
Assiegerent la ville
Auecques leurs canons.
Et fans l'auoir sommée
Leur trouppe ramassée
De brigants & meurtriers,
Feit de grande furie
Sonner l'artillerie
Durant deux iours entiers.
Tant plus faisaient ilz rage,
Plus croissoit le courage
Aux habitans du lieu,
Qui plus au ciel qu'en terre
Ne trouuoient en la guerre
Ni derrier ny meillieu :
O chose non pareille!
L'affiction resueille
Ainsi comme faict l'eau
La masse paresseuse
De la chaux sommeilleuse
Que recuid un forneau.
Tandis, de faire bresche
L'ennemy se despesche,
Et comme par effect,
Son canon qui commande
Faict une bresche grande
Que souuent on refaict.
Mais le feigneur de Meuse,

A l'ame genereufe,
Dautricourt le vaillant,
Vaillant comme l'espée
La bresche ont occupée
En contre-bataillant :
Henry monsieur de mesme
Dont la vertu supresme
Soustint, non a demy,
Comme vne ferme roche
L'iniurieuse approche
Du ligueur ennemy.
Vn baron de courage
Valeureux & bien sage
De Sainct Ama(n)d seigneur
Luy feit aussi parestre
Que peult la noble dextre
D'un homme de valeur.
Ie ne tairay en somme
Vn vaillant gentilhomme
Chauuirey grastedos,
Qui durant la furie
Sans crainte de sa vie
N'estoit pas a repos
Sans que le coeur leur tremble,
Ilz soustiennent ensemble
Deux assaulx de fureur
En si iuste querelle
La puissance éternelle
Leur feit grossir le coeur.
Genouilly qui abonde
En valleur, les seconde
Et combat tant qu'il peult
Le resolu la mare,
Braue soldat & rare
En defaict tant qu'il veult.
En ces chauldes alarmes
Apres avoir en armes
Vn long temps deffendu,
L'ennemr peste mesme
Tombe comme la gresle
Sur la place eftandu.
Les charognes infectes
De ces trouppes defaictes
Rempliffent les fossez :
O la belle despeche !
Voila comme on despesche
Ces ligueurs ramassez.
Or la trouppe ennemye
Voyant la boucherie
De tant & tant de morts,
Se prend a Guyonuelle,
Le tanse et le querelle
Qu'ilz ne font assez forts.
D'un courage fort lasche
Auecques sa rondasche
De cirer le baron,
Faifant femblant & mine
D'approcher la ruine,
Y torna le tallon.
A tant ces beaux gendarmes,
Moins vaillants que leurs armes,
Se treuuerent soudain,
Sans courage, & sans pouldre,
Ainfi cessa leur fouldre
Deuant Chasteau-villain
Et pour marque eternelle,
L'enfeigne colomnelle
De ces lasches couards,
En la ville assiegée
Sert d'vn brave trophée
A nos vaillants soudars,
La groffe guillemette
Naguieres à Chaumont faicte
Y fut conduicte en vain,
Tout Chaumont en souspire,
Elle a cresué de rire (a)
Deuant Chasteau-villain.
Vous Seigneurs Capitaines
Dont les ames certaines
Sont nobles au frapper,
Pourroy-ie bien escrire
Condignement, ou dire
Vostre vertu fans pair.
Dieu vous en recompense,
Cest pour la pauure France,
Trouble-france touiours,
Que la ligue importune
Vous faict courir fortune
Au hazard de voz iours.
Le Roy nostre bon maistre
Que tout doibt recognoistre
(Pour son Pouuoir sacré)
Par sa puissance toutte
A l'aduenir sans doubte,
Vous en scaura bon gré.
Quant à toy Guionuelle,
Et ton frere rebelle
Vous porterez au col
Pour voz loyaux services
Comme aussi voz complices
Vn infame licol.
Et apres ceste guerre
Tout de mesme à Dampierre,
A Montarbis autant,
De clinchamp à la corde
Criera misericorde (b)
Auecques d'Espinant.
Des Carreaux le seuere
Tué depuis naguere
Debuoit à Montfaulcon,
Sans fa mort accomplie
Pendre en la compagnie
De Raucourt & Bricon.
Ainsi Dieu nostre pere,
Tout benin et seuere,
Qui nous va recherchant
D'une iuste ballance,
Le bon il recompense,
Et punit le meschant.


FIN



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