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Pierre Constant (XVIe siècle), Opuscules, 1879

Notes complémentaires et éclaircissements

Chateauvillain, située dans une plaine assez étendue, sur la rivière de l'Aujon, à 21 kilomètres sud du chef-lieu de la Haute-Marne, faisait, en 1589, partie de la province de Champagne, du bailliage de Chaumont et de l'Évêché de Langres. On y remarque encore sur beaucoup de points des restes des anciennes fortifications qui consistaient dans un large fossé creusé dans le roc calcaire, ayant seize mètres de largeur sur six de profondeur. On y trouve en outre des vestiges d'assez fortes murailles qui avaient plus de 2600 mètres d'étendue, 2 mètres 40 centimètres d'épaisseur et 5 mètres 60 centimètres de hauteur. Elles étaient flanquées de cinquante-six tours. Une digue en maçonnerie présentant des ouvertures basses et cintrées était pratiquée dans la partie du sud-ouest en amont du pont Saint-Jacques. Lorsqu'on fermait ces ouvertures, l'eau couvrait toute la partie sud de la ville et remplissait les fossés.
Cette première enceinte avait trois portes : deux ont existé jusqu'en 1833 ; la troisième se voit encore aujourd'hui, c'est la porte qui sert d'entrée au parc et qui est connue sous le nom de Porte-Madame.
La seconde enceinte renfermait la ville proprement dite. On ne voit plus que quelques restes de ses fortifications et une faible partie des fossés qui longent les ruelles des Tanneries, Saint-Marc et Saint-François. Le chateau qui était très-vaste avait également des fortifications. Il a été détruit à la Révolution.
La position de Chateauvillain, limitrophe de la Bourgogne et de la Champagne, lui fut plus d'une fois fatale. Sans parler des guerres des ducs de Bourgogne avec les rois de France, dont elle eut beaucoup à souffrir, elle fut prise et pillée jusqu'à quatre fois pendant les guerres de religion. Elle était alors du petit nombre des villes qui, avec Langres, tenaient pour le parti du Roy.
"En celle mesme année (1589) enuiron les vendanges - dit Javernault - la ville de Chastelvillain fut une seconde fois assiégée par les trouppes de Lorraine conduictes par les sieurs de Molay (1) & de Guyonvelle, les soldats Langrois deffendirent ce fiege vaillamment. Le baron de Merrey y eftoit auec les lieurs du Cerf, la Mare, & plusieurs braues de ce païs qui pour marquer leur résolution laisserent les portes de Chastelvillain ouuertes iour & nuict. Le sieur de Franciere entra en cette place, passant sur le ventre des ennemis qui estoient deuant. Les foldats estoient charges de pouldre fur leurs cheuaulx. Enfin la bresche faicte & l'assault bien soubtenu, les Lorrains leuerent le sïege apres y auoir perdu 400 hommes. On fict une chanfon sur celle cacade" (2).
Six semaines après, aussitôt qu'Henry IV apprit la délivrance de Chateauvillain, il s'empressa d'écrire à Roussat, maire de Langres : ".... J'escript au comte de Chafteauvillain afin qu'il tienne la ville & le chafteau dudict Chafteauvillain bien munis, à quoi je vous prie tenir la main & me rnander le debuoir qu'il en aura faict. J'escrits aux fieurs Dinteville, de Meuse, & de St-Amant, pour leur faire entendre, combien j'ay de contentement du fervice qu'ilz m'ont faict en la deffense de la dicte place, & que s'offrant l'occasion je recongnoisteray leurs dicts souvenirs."
Camp du Mans, 30 nov. 1589.
A côté de Dinteville, de Meuse, et de St-Amand, cités à l'ordre du jour par le Roy, nous devons nommer, parmi les défenseurs de Chateauvillain, le capitaine du Cerf, langrois de grand coeur, commandant de la garnison de Marac ; d'Autricourt le vaillant, à qui Henry IV avait confié la garde du chateau de Mussy ; Henry de Mesmes, Chauvirey Grattedos vaillant gentilhomme ; Genouilly, La Marc, braue soldat & rare; de Francieres, gouverneur de Langres , le baron de Merrey, etc.
Les assiégeants étaient commandés par Philippe d'Anglure, seigneur de Guyonvelle, plus connu sous ce dernier nom. Il était fils de Jacques d'Anglure, seigneur en partie de Guyonvelle ; par son mariage avec Beatrix Leboeuf, dame de l'autre partie de cette seigneurie, il devint possesseur de la totalité. Philippe de Guyonvelle embrassa le parti de la ligue malgré les conseils de tous les membres de sa famille, et quand M. de Brantigny, bailli de Chaumont, eut été destitué en 1589 par les ligueurs de cette ville, Guyonvelle fut appelé à le remplacer et devint dès lors le chef de la ligue dans le Bassigny. C'est à ce titre qu'il commandait en chef le siège de Chateauvillain, où il fut grièvement blessé. Il avait avec lui son fils et d'Anglure de Melay, son parent, gouverneur de La Mothe; les seigneurs de Dampierre, de Montarby, de Clinchamp, d'Epinant, des Carreaux, de Raucourt, de Bricon et le baron de Cirey. Un certain Cap de fer, capitaine au service de l'union, y reçut une blessure grave, pour laquelle on lui vota une récompense de cinquante écus à prendre sur les biens confisqués.

(a) Le 16 octobre, l'un des canons que la ville de Chaumont avait envoyés s'étant rompu, on fut obligé d'abandonner la place. (Histoire de la ville de Chaumont.)

(b) Jean de la Taille, dans sa Familière description des estats de la ligue (Oeuvres de Jean de la Taille. Paris, Léon Willem, 1878), s'est souvenu de ces deux vers de P. Constant, quand il fait dire aux Seize par une femme en colère

Messieurs, gardés que l'on s'accorde
Sans vous en demander advis ;
Car après, sans miséricorde,
Pourriés bien, un bout d'une corde
Faire la moue à vos amis


et un peu plus loin, quand Henri IV entré dans Paris, "les Seize et autres semblables vermines, se voyants destituez de supports, furent contraints caller le voile & faisant bonne mine,

Crier au Roy miséricorde
Pour les affranchir de la corde."


(1) Le duc de Lorraine envoya M. de Melay, gouverneur de La Mothe, avec huit cents chevaux, deux compagnies de lances et sept compagnies de pied.

(2) C'est celle que nous reproduisons ici. Parmi les titres satiriques des ouvrages composant la Bibliothèque imaginaire, attribuée à Madame de Montpensier, l'Estoile cite, à la date de 1587 La grande Cagade du duc de Guise à Jarnetz, avec la prise de Sedan, par ledit sieur, imprimé à Reims.


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