| Poésie | Page d'accueil. Home page | Adhésion

Louis Ménard, Poèmes et Rèveries d'un Paien mistique

Apotéose du féminin

Parmi les causes qi ont aidé à la transformacion des croyances et des moeurs du monde occidental, une des plus importantes, qoiq'on l'ait peu remarqée, a été l'axion continue des fames. Ne pouvant tourner leur activité vers la politiqe, les fames se rejetaient sur la religion. Leur nature nerveuse les entrainait surtout vers les cultes mistiqes, où la mort et la résurrexion d'un Dieu étaient célébrées par des alternatives de douleur bruyante et de joie passionée. Pendant plusieurs siècles, les fames avaient préparé l'avènement du Cristianisme ; èles prirent une part active à sa propagacion. Èles suivaient le Crist au désert, suspendues à sa grave parole, car il n'avait pas voulu condamner la fame adultère, et il pardonait beaucoup à cèle qi avait beaucoup aimé. Au jour de sa passion et de sa mort, vendu par un de ses apôtres, renié par un autre, abandoné de tous ses disciples et de tous ses amis, il vit des fames en pleurs sur le chemin de son suplice. Èles embrassaient la crois et buvaient le sang de la régénéracion. Qand èles revinrent aus premières lueurs du matin et trouvèrent le sépulcre vide, c'est à èles q'il aparut d'abord et, avant toutes les autres, à cèle de laqèle il avait chassé sept Démons. Èle fut la première à saluer le nouveau Dieu du monde, et le monde crut à sa parole et répéta après èle : « Le Crist est ressuscité ».

Qe leur a-t-il doué, pour pris de leur dévocion à son culte ? On dit aujourdui qe le Cristianisme a émancipé la fame : il i avait longtemps qe cela n'était plus à faire. En substituant le mariage à la poligamie patriarcale, l'Hellénisme avait élevé la faine à la dignité de mère de famille, de maitresse de maison, selon l'expression d'Homère. Des Déesses siégeaient dans l'Olympe à côté des Dieus, et les oracles divins étaient rendus par des fames, les Péléiades de Dodone, les Pythies de Delfes. Mais le Dieu du Cristianisme s'incarne sous la forme d'un orne, et le Féminin n'a pas place dans la Trinité. La fame est l'instrument du Démon et la source de la damnacion du monde. Ses mains ne sont pas assez pures pour ofrir le sacrifice ; sa bouche, pleine de mensonges, ne peut anoncer au peuple les paroles divines. Èle est exclue du sacerdoce, la plus haute fonxion dans l'ordre moral; repoussée au pied de l'autel, èle s'agenouille devant le prêtre, confesse ses fautes et implore son pardon. L'orne investi d'un caractère sacré, l'intèroge coure un juge, lui impose la pénitence expiatoire, éclaire sa conscience obscure et dirige tous les actes de sa vie.

Et cependant, sur les débris de la dernière église, la fame viendra prier. C'est qe le Cris.tianisme a fait bien miens qe de l'afranchir, il l'a conqise. Ce n'est pas la liberté q'èle demande, c'est l'amour, qi la choisit et qi la dompte. Sa religion n'est pas la justice, c'est la grâce ; sa morale n'est ni le droit ni le devoir, c'est la charité. Èle n'a qe faire de ces divinités viriles qi, du haut des acropoles, excitent les omes au combat. Èle n'a nul souci de la patrie et des religions républicaines; il lui faut un Dieu enfant à bercer dans ses bras, un Dieu mort il inonder de ses larmes. Q'a-t-èle besoin d'être Déesse, pourvu q'èle soit la mère de Dieu, son lis immaculé, soit épouse élue, envelopée dans sa lumière ? Èle lave les plaies, èle détache la courone d'épines, savourant ses douleurs bénies, le coeur percé du glaive, mais le front couroné d'étoiles, ravie, transportée, défaillante, dans le nimbe radieus des assompsions.

Aus jours de sa jeunesse, la Grèce avait enfanté la religion d'Homère et de Fidias; qand son idéal fut transformé par la filosofie, èle légua aus races nouvèles le fruit de sa vieillesse, le Verbe, le dernier né de ses Dieus. Une filosofie ne peut devenir une religion q'en revètant la forme concrète du simbole; il faut qe les idées divines prènent un corps, come les àmes qi veulent entrer dans la vie. Cète incarnacion du divin n'est pas, come on l'a cru, l'oeuvre artificièle des lètrés et des prêtres : c'est une oeuvre populaire, une révélacion inconsciente et spontanée. Les filosofes n'ont jamais pu créer un simbole religieus, pas plus q'ils ne peuvent créer une langue. Mais leur pensée avait pénétré il leur insu dans la profondeur des couches sociales, parmi les vaincus et les esclaves. Dans les derniers rangs d'un peuple méprisé, il était tombé un rayon de cète lumière sacrée, l'éternèle Raison, qi est le seul Dieu de la filoselle, et le Verbe s'était incarné dans le sein d'une vierge juive. Le souffle créateur de la Grèce, l'Esprit aus ailes de colombe, avait visité l'âme religieuse de l'Orient et l'avait fécondée sans la flétrir.

D'après le fragment des Grandes Eoiées placé au comencement du Bouclier d'Hésiode, Zeus, voulant oposer un protecteur puissant au fléau de la guère, résolut de doner Héraclès au monde; c'est dans ce but q'il entra chez Alcmènè, en prenant les traits d'Amfitryon, « car aucune faine n'aima autant son mari ». Dans le dogme crétien, une vierge sans tache, épouse d'un juste, est choisie pour enfanter le Sauveur ; la forme du simbole est plus chaste, mais c'est la même pensée : la naissance des héros est un bienfait des Dieus. Hèraclès est appelé tautôt le fils de Zeus, tantôt le fils d'Amfitryon ; Jésus passe pour le fils de Josef, et l'Evangile expose la généalogie qi le ratache à David, qoiq'il soit mitologiqement fils de Dieu. Le Rédempteur ne pouvait naître qe d'une vierge, car c'est la pureté de l'âme qi enfante le sacrifice de soi-même. Bien de plus transparent qe ce gracieus simbole de la Vierge mère, qi devait fournir à l'art de la Renaissance un type nouveau du Féminin éternel.

La Grèce avait conçu et réalisé tous les tipes de la beauté umaine et en avait peuplé son Olympe ; mais l'art grec n'avait pas songé à confondre dans un tipe uniqe les deux formes idéales du Féminin, la Vierge et la Mère. L'art crétien a comblé cète lacune : la Vierge-Mère a toujours été son tipe de prédilexion. A l'idéal féminin qi flotait confusément dans les rêves du Moyen-âge, il falait une forme définitive : la Renaissance l'a réalisée, et le véritable apôtre de la mère de Dieu, c'est Rafael. Sa gloire est d'avoir su doner au tipe divin de la Vierge- Mère sa plus haute et sa plus complète expression. La Madone de Rafael n'est pas cète pàle Vierge byzantine qi règne dans un nimbe d'or, ni cèle qi, dans les paradis d'Angelico de Fiesole, reçoit la courone des mains de son fils, dont èle semble plutôt l'épouse. Ce n'est pas non plus l'umble et douce ménagère des maitres de la Flandre et de l'Allemagne, moins encore la Vierge sans enfant des assompsions espagnoles, qi ne regarde pas la tère, et qi s'envole dans le bleu sur l'aile des chérubins. La Madone est plus qe tout cela, c'est l'apotéose de la famille, une mère qi sourit à son enfant. Le père si èfacé dans la légende, le menuisier à la barbe grisonante, qi figure toujours au second plan dans les Saintes familles, se repose de son travail en contemplant ce tableau de la pais et du boneur. La Madone est la plus sublime créacion de l'art crétien : c'est encore plus beau qe les catédrales gotiqes ou les fresqes du Vatican.

Qoiqe la Mère de Dieu ait été exclue de la Trinité par l'inflexible ortodoxie monotéiste, èle a bien plus d'importance dans le culte qe le Saint-Esprit et même qe Dieu le père. Seule, èle se manifeste encore aujourdui par des téofanies et des guérisons miraculeuses. Son culte est la plus populaire des religions vivantes; il est éclos spontanément dans la conscience du peuple, qi place la Sainte Vierge, la Boue Vierge, au plus haut du ciel, dans le rayonement de la gloire de son fils. De nos jours, l'Eglise romaine a consacré la dignité du Féminin éternel parle dogme de l'immaculée concepsion. Ce dogme récent, qi précise le caractère mitologiqe et divin de la Vierge Mère, est le couronement du Cristianisme : l'apotéose de l'umanité ne serait pas complète, si le Féminin n'en avait sa part.

 

 

Textes Rares