Jean Hippolyte Michon, Les Odeurs ultramontaines,
1867
Page
de titre | extraits | notice
de l'ouvrage | notice
de l'auteur
IIe partie : La presse ultramontaine
XII L'art ultramontain
Vous êtes-vous arrêté
quelquefois devant les magasins de la statuaire et de l'imagerie catholique
? Tout cela ne se produit aujour
d'hui et ne se vend
que sous l'inspiration des hommes de l'ultramontanisme. Ils ont pris,
dans l'Eglise, la direction de l'art.
J'avais remarqué, chez
un marchand de tableaux du quartier Saint-Sulpice, une fort jolie Vierge
tenant l'enfant Jésus. C'était de bon style, noble et pur.
Il n'y avait pas de chapelle et d'église à laquelle cette
toile ne pût faire honneur; et le prix coté était
raisonnable.
Près de
là étaient
des croûtes horribles, des copies de la prétendue Immaculée-Conception
de Murillo, qu'on a si justement comparée à une Velléda,
d'autres Immaculées plus hideuses encore, ayant tout de la femme,
hors la grâce vraie et la chasteté; des saints ignobles;
des saint Joseph avec ce visage effaré qu'on croirait que tous
les artistes du monde, depuis l'invention de la peinture à l'huile,
se sont entendus pour donner au protecteur de Marie; des christs à
figure blonde et fade, montrant sur la poitrine d'immenses coeurs entourés
de rayons lumineux; des descentes du Saint-Esprit sur la Vierge et les
apôtres, quelle Vierge, bon Dieu! et quels apôtres! C'était
bien, en plein Paris, dans la ville renommée, des artistes, l'exhibition
la plus étrange de toutes les horreurs de la peinture.
J'avais félicité
le marchand de son joli tableau.
- Voilà une toile qu'on
va vous enlever au premier jour, lui dis-je.
- Ah ! monsieur, l'abbé,
me répondit-il, voilà cinq ans que je l'expose, cinq ans
qu'elle est en évidence, comme vous la voyez; et personne n'en
a voulu.
- Vous plaisantez ? lui dis-je.
- Oh ! non, monsieur.
Je regrette bien l'argent qui dort là-dedans. J'ai eu beau l'offrir...
- Mais les maisons religieuses?...
- Ah ! oui! Il y a environ
un mois, une supérieure de communauté, suivie d'une autre
religieuse, entra dans mon magasin. Elle voulait un tableau. Je m'empressai
de lui offrir celui-ci.
- Mais, me dit-elle, je n'en veux pas.
- Je vous assure que c'est un tableau de mérite.
- Oh! bonne mère, ne prenez pas ça! dit la religieuse suivante.
Ce n'est pas notre sainte Vierge
à nous, c'est
une mère et un enfant.
- Vous comprenez que je n'insistai pas.
- Mais des prêtres intelligents!
- Les prêtres,
moins que les autres.
J'étais étonné.
Je repris :
- Je croyais que le
voisinage des Jésuites vous était favorable. Ils ont quelques
connaisseurs en archéologie, le Père Martin en particulier;
et, quand on se frotte un peu aux monuments, on en vient bien vite à
aimer les tableaux.
- Laissez donc ! un de ces Pères
m'a fait acheter cinq ou six mauvaises toiles pour la chapelle d'un château
qu'une dame, dont il est le directeur, a fait construire. Il a horriblement
marchandé pour la dame, et n'a voulu que de la pacotille.
- Je croyais les bons Pères
plus artistes que cela.
- Artistes! s'ils sont tous
comme celui dont je vous parle, ils ne le sont guère.
Le bonhomme craignit de s'être
trop avancé.
- Que cela soit dit entre nous,
monsieur l'abbé! Vous comprenez, je suis marchand.
- Oh! ne craignez rien, je ne
vous trahirai pas. Je
les connais beaucoup ces bons Pères,
quoique je les fréquente peu. Mais je pensais
qu'ils renonçaient enfin
au style
jésuite, qui
a couvert la Belgique,
l'Espagne, tout le nouveau
monde, de monuments d'une horrible
décadence.
- Je ne le vois pas
trop, si j'en juge par les autels de leur chapelle de
la rue des Postes. Ils
ont fait fabriquer des saints et des saintes en cire, le tout de grandeur
naturelle; les reliques sont enchâssées dans cette cire,
et ces grands corps sont étendus sous l'autel derrière des
vitrines. Ah ! monsieur l'abbé, puisque nous parlons entre nous
et que vous m'avez l'air d'un honnête homme, je vous dirai que cela
fait mal à voir. Je suis
un peu artiste moi-même,
quoique marchand. J'ai un peu vu, et je dois vous avouer que Ces exhibitions
de belles jambes en cire mal couvertes de draperies écarlates,
blessent le goût autant que la décence.
Il soupira.
- Moi-même, hélas!
je vends ici des choses dégoûtantes. Il faut bien tenir ce
que demande le client.
Et d'un geste de désespoir,
il me montra ses Sacrés-Coeurs, ses Immaculées, ses Pentecôtes.
- En être là, monsieur,
pour notre époque, quand nos artistes produisent de si jolies choses
en d'autres genres, c'est pitié!
Cet homme parlait bien et m'avait
fait plaisir.
J'étais, pour le moment,
en flâneur dans les quartiers de la rive gauche, cherchant à
me reposer de l'agacement de nerfs que m'avait donné la lecture
des Odeurs de Paris. Je
m' assis ; et, suivant
du regard beaucoup de toiles que je n'avais pas remarquées encore,
je tombai sur une Apparition de Notre-Dame de la Salette.
Maximin et Mélanie étaient
debout, l'air bête et effaré, devant une dame bizarrement
accoutrée. Elle avait des souliers blancs avec des roses de toutes
couleurs autour de ses souliers ; ses bas étaient jaunes, son tablier
était jaune ; sa robe blanche était parsemée de perles.
Elle avait un fichu blanc garni de roses, un bonnet haut comme les portent
les Dauphinoises, mais recourbé en avant, une couronne avec des
roses autour de ce bonnet; son cou était entouré d'une chaîne
portant un crucifix. Ce crucifix avait à gauche des tenailles,
à droite un marteau. La figure était pâle et allongée.
Le peintre avait très-exactement rendu le récit officiel
de l'apparition. Il n'avait pas manqué, selon ce même récit,
de faire les pieds de la Vierge ne touchant pas le sol, mais portant sur
le bout de l'herbe. Ce sera une preuve éclatante à tous
de la fausseté du récit de l'apparition, puisque la montagne
de la Salette, couverte d'herbes fines aux mois de mai et de juin, ne
présente en septembre qu'un gazon ras que les bêtes ont tondu
depuis plusieurs mois.
- La laide chose
! m'écriai -je.
Vous ne trouverez personne
pour vous acheter cela. Cette vierge,
tant idéalisée par nos visionnaires, prend ici un
aspect de folle. Si on avait
voulu faire une dérision
du catholicisme, on n'aurait pas mieux
réussi. Jetez-moi cette saleté aux chiffons !
Mon artiste marchand
partit d'un éclat de rire..
- Ah! monsieur, c'est ce que
je vends le plus ! Le peintre qui s'abaisse à faire cela, gagne
largement son année à me fournir et à fournir mes
confrères. Nous expédions en province.
Et Bernadette Soubirous dans
sa grotte, voulez-vous la voir ?
Ouvrant alors la porte de son
arrière- boutique, il me montra l'extatique de Lourdes dans son
pauvre costume de Pyrénéenne, au moment où elle croit
voir l'Immaculées.
-
Digne pendant de la Salette ! m'écriai-je.
- Aussi nous vendons cela autant
que le reste. Payé rubis sur ongle ! Le laid dans ce monde-là,
c'est le beau. On parle de réalisme dans l'art ; on le reproche
à nos artistes. Leurs pauvres petites Vénus grelottantes
au milieu de touffes de fleurs, ou s'enveloppant de gazes, ne sont pas
très-chastes, je le reconnais; mais, au moins, c'est le corps gracieux
de la femme; c'est toujours un hommage rendu par l'art à la plus
belle création de Dieu. Mais ces hideuses figures, que disent-elles
? Ce n'est pas du réalisme comme l'a conçu ce brave Courbet,
c'est du réalisme comme l'exécuteraient des Peaux-Rouges.
Je ne parle pas de sang-froid,
reprit-il, et j'ai honte d'être marchand de ces vilaines choses.
- Oh! certainement, lui dis-je,
Dieu, qui: est l'inspirateur du beau, vous tiendra, compte de vos souffrances
d'artiste.
Ce pauvre homme faisait réellement
ici-bas son purgatoire.
J'examinai alors la toile qui
représentait Bernadette. C'était bien en effet la fille
ignorante arrivée à l'illuminisme, quelque chose de l'ange
et quelque chose de la bête. Ce front déprimé -et
bas, ces yeux dilatés étrangement, ce facies allongé,
cette bouche niaise, ces aspérités osseuses, indice du penchant
à l'ascétisme, rendaient. parfaitement, mais durement, l'extatique
de Lourdes.
O peinture chrétienne!
si suave dans les catacombes, plus suave encore sous le pinceau divin
de l'humble Fra Angelico, le grand miniaturiste du catholicisme, tu es
descendue, en plein dix-neuvième siècle, aux fades Sacrés-
Coeurs, aux langoureuses Immaculées, aux reproductions grossières
des scènes ridicules de la Salette et de Lourdes! Voilà
ce que nos saints de l'ultramontanisme ont fait de toi !
Je serrai la main du marchand.
- Du silence sur notre
conversation, me dit-il. Nos clients n'ont pas de goût, et il y
en a de redoutables.
Je continuai ma course vagabonde
dans le pays où l'on vend des saintetés, et j'arrivai près
du Gesù. Les révérends Pères font maintenant
du gothique. C'est mieux que leur architecture des trois derniers siècles.
Mais encore celle-ci était-elle à eux, leur oeuvre mauvaise,
leur bâtarde conception. Ils n'ont plus cette vitalité qui
s'accentue par quelque chose; ils sont descendus à la dernière
décadence, ils copient.
Ils devraient bien trouver l'art
religieux moderne ; mais leur talent ne va pas à cette hauteur.
Produire un art, c'est rendre une idée. L'idée manque chez
eux plus qu'ailleurs. Donc de l'art, jamais ! C'est triste, mes illustres
Pères, mais vous êtes stériles.
Ce qui va son train autour de
vous, c'est le négoce des boutiques de statuaire religieuse. J'entrai
dans une d'elles. J'examinai les madones, les jolies crèches, les
saint Joseph, les saint Louis de Gonzague, les saints Stanislas Kostka.
J'avais vu l'odieux en peinture,
mais il y a toujours sous le pinceau un Jeu de lumière adoucie
qui ôte à la toile la plus misérable ses tons de crudité.
Maintenant j'avais sous les yeux tout le barbare de la statuaire.
O Vierges poupées, avec
vos joues coloriées en rose et vos petites bouches en coeur, Immaculées
en attitude de prêtresses sur le trépied, que vous rendez
bien l'esprit religieux de l'époque ! Celui qui peut vous regarder
sans éprouver une répulsion d'instinct, celui-là
est descendu jusqu'à la stupidité béate. Vous lui
allez ! Il peut jouir. Quelles poses, grand Dieu ! Quelles faces de marottes
!
Je demeurai ébahi devant
cette statuaire écoeurante.
- Bonjour, madame ! dis-je brusquement
à la demoiselle qui tenait ce ridicule magasin.
Et je cours encore.
Un homme de talent,
qui s'est égaré parmi les ultramontains de la catégorie
du Monde,
Léon Gautier, un garçon
qui a appartenu à l'École des Chartes et qui a dit quelquefois
des choses sensées au milieu du fatras violent des illustres de
la rue de Grenelle, n'a pas pu se dépouiller assez de ses bons
instincts pour accepter cet art de lamentable barbarie. Aussi sévère
que nous, il s'écrie :
« Images à dentelles
et à ressorts, lyres, colombes roucoulantes, échelles mystérieuses,
orangers à
surprises, guitares, coeurs
trop enflammés, Vierges mielleuses, Enfants-Jésus en cire
et en carton-pâte, petites chapelles mécaniques, petites
horreurs de tout genre, que voulez-vous de moi ? C'est la vingtième
fois que je vous jette l'anathème, et ce n'est pas la dernière.
Il faut que vous disparaissiez à tout prix. Il faut que vous cessiez
d'affadir les coeurs, de gonfler les paroissiens des jeunes filles et
d'efféminer leurs âmes.
Delenda est Carthago ! »
Oui, vous avez mille fois
raison. Il faut ,détruire cette Carthage. Mais, imprudent ! cette
Carthage, c'est vous et les vôtres. Vous ne voyez pas que vos petites
images, vos statues, vos tableaux, tout cela n'est ,qu'une traduction
d'idées? On n'en vient à :fabriquer les chapelles mécaniques
qu'au temps où les notions vraies du temple selon l'esprit ont
disparu dans l'Église, et où les décorations mécaniques,
comme à l'Opéra, ont envahi le grave tombeau des catacombes
; vous avez vos Vierges mielleuses, parce que vos innombrables petits
livres sur la Vierge, vos
quarante mille prédications
du Mois de Marie, chaque année, ne présentent qu'une Vierge
mielleuse, puisque ce
mot vous va. Vos
coeurs trop enflammés sont nés de l'extravagance ascétique
prêchée à vos jouvencelles auxquelles des directeurs
imprudents enseignent « à mourir de regret de ne pouvoir
mourir. »
Vous n'aurez plus de colombes
roucoulantes,
le jour où pénitentes
et confesseurs ne roucouleront
plus les langoureux épanchements
du mysticisme. Les
images à
ressorts tomberont avec
une religion à ressorts, que la théorie
jésuitique fait chaque jour prévaloir de pl us belle.
Tant que le catholicisme
des grands mystiques,
comme vous le nommez, de votre père Faber, de
votre soeur Emmerich, de votre curé d'Ars,
triomphera, la Vierge,
la femme forte du Calvaire,
ne sera que « la petite fille sucrée et
souriante ». Vos prêtres, même professeurs à
facultés de théologie,
écriront des livres
comme ceux de
l'abbé Davin et de l'auteur
du Diable a-t-il
des cornes ? Et tous vos pères,
jésuites, carmes,
franciscains produiront ces
oeuvres inconcevables
et écoeurantes qui s'étalent
dans les prospectus des libraires pieux du
quartier Saint-Sulpice.
Homme à contradiction, vous parlez des lettres de Bossuet, de ses
Elévations
sur les
mystères, et vous dites
que là « il n'y
a pas de langueur, ni
de pamoisons, ni de nerfs, ni de vapeurs ». Je le crois bien. Il
y a là, et vous le dites, « une piété vigoureuse
dont nous avons singulièrement besoin » . Et vous ne voyez
pas que le foyer impérissable de ces langueurs, de ces mollesses,
c'est- précisément la littérature de mysticisme effréné
qui compose tous les livres du père Faber, de Catherine Emmerich,
de Marie Lataste, livres que vous vous obstinez à conseiller, comme
si « la piété vigoureuse » des livres de Bossuet
n'était pas la négation formelle de ces livres « fadasses
et douceâtres, capables de dégoûter de la piété,
tous les coeurs vraiment forts et soucieux des grandes choses " ? Et qui
a dit cela de la littérature pieuse efféminée? Vous.
L'art religieux n'étant
qu'une traduction des idées religieuses d'une époque, vous
êtes condamnés au supplice de voir croître et se multiplier
encore ces petites horreurs de tout genre, tant que vous n'aurez pas ramené
ces idées de piété vigoureuse à la Bossuet,
qui feraient un catholicisme nouveau au sein du catholicisme affadi que
prêchent vos mystiques.
Comprenez donc dans quel cercle,
vous,
hommes de bons désirs,
vous vous renfermez. Vous ne pouvez étre logiques qu'en flétrissant
le principe qui fait produire toutes ces laideurs de l'art catholique
contemporain. Et le jour où vous entrerez dans le catholicisme
rationnel, votre place est auprès de moi, auprès des amis
de Bossuet ; et vous tournerez pour jamais votre voile vers des régions
plus sereines que celles du Monde, où l'on blasphème
ce que nous aimons.
Si vous voulez un art chrétien
digne des grandeurs de l'Évangile, sortez du paganisme que les
mystiques ont implanté dans l'Église! Acclamez la nécessité
de rompre avec les mystiques ! Sinon, dévorez votre honte, et mourez
dans « les mollesses, et dans « les pâmoisons »
avec « les Enfants-Jésus en carton- pâte, les orangers
à surprises et les guitares ». Mais ne vous plaignez pas!
--------------------------------------------------------------
IIIe partie : Les folies
ultramontaines
III
Le troisième
sexe ultramontain
Parmi les furieux qui
se sont escrimés contre mes livres, il s'est rencontré un
Raoul de Navery. J'ai bien sur la conscience d'avoir traité ce
Raoul avec quelque rudesse, dans une de mes préfaces. Mais je trouvais
ce Raoul d'une rare impertinence, autant que d'une nullité littéraire
absolue. Qui se souvient du livre de Navery contre ma Religieuse ?
Ce Raoul, qui figure royalement
parmi les illustrations de la Revue du monde catholique, n'est,
hélas ! qu'une fiction. Si vous allez, au bureau de la revue, demander
M. Raoul, un benêt du tapis vert vous rit au nez. Pas de M. Raoul.
Ah! messieurs les ultramontains,
on vous y prend !
Vous faites un si grand crime
à l'auteur du Maudit d'avoir caché son nom sous ses trois
brillantes étoiles; vous lui avez crié d'un ton si haut
: Nommez-vous !
Le connaitriez-vous mieux, s'il
eût pris un nom de hasard, précédé d'une particule
?
Hommes bizarres, vous avez deux
poids et deux mesures. Dans la grande revue où trônent Louis
et Eugène, on accepte ce mensonge; et encore, ô honte pour
ces puritains si irrités contre mon anonyme ! leur Raoul n'est
qu'un geai paré des plumes de la virilité, leur Raoul est
une femme.
Dès lors, madame, je
dois être courtois pour vous. Vous avez été bien modeste,
plus modeste qu'on ne l'est d'ordinaire dans ce petit monde des femmes
qui écrivent et que votre maître, M. Veuillot, a appelées
« le troisième sexe ». Vous avez voulu que votre gloire,
la gloire d'écrire à côté de Louis et d'Eugène,
ne pût rejaillir sur votre véritable sexe. Humble violette
de la littérature. ultramontaine, continuez d'exhaler vos parfums
autour du tapis vert de la grande revue. Vous
pourrez neutraliser un peu les dures émanations de style de MM.
Lasserre et Chauvelot. Eugène, celui qui a été appelé
l'innocent Eugène, paraîtra moins noyé dans les longues
insignifiances de ses périodes ; Chauvelot sera plus raisonnable
et moins brutal sous les tièdes haleines littéraires d'une
femme. Et si quelquefois mon oeuvre, tant exécrée dans ces
régions ultramontaines, est menacée de leurs violences,
puisque votre mauvais destin vous a jetée dans cette littérature
furibonde, soyez ma protectrice auprès de ces loups affamés.
Défendez-moi contre eux. J'ai la conviction intime que vous ne
m'avez jamais bien lu et que vous ne m'avez critiqué que de seconde
main. Vous y alliez, pauvre femme, avec la douce bonne foi de votre nature.
Mais croyez bien que l'impartialité n'est pas la vertu dominante
de vos saints, et à l'avenir ne jurez pas sur leur parole.
Maintenant, je vous pardonne
de grand coeur. Ce n'est pas vous qui êtes le cerbère de
ce temple. Qui que vous soyez, vous êtes femme; je vous prends pour
mon ange gardien.
Il y a aussi dans ce monde ultramontain
une autre muse qui se voile sous le pseudonyme. Elle prend le nom de Jean
Lander.
Quel ravissant style que celui
de Jean Lander ! C'est bien là une touche fine, et il n'y a que
des doigts délicats pour faire vibrer ainsi, la lyre.
On vous y prend donc toujours
au pseudonyme. Mais vous y trouvez votre bénéfice. Cela
donne à M. Ernest Hello le doux privilége de vanter les
pages de Jean Lander. On ne se prive pas de telles joies. Mais aussi,
Jean Lander, c'est, assure-t-on, madame Hello.
|