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Bernard Mandeville, La fable des abeilles, 1750
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Médecin hollandais (né en 1670), émigré à Londres (à partir de 1694) Mandeville est d'abord un homme de lettres. La traduction de fables de La Fontaine lui vaut quelque succès littéraire. Mais, avec la Fable des Abeilles, au style vif et enjoué, Mandeville fait plus : il prend position dans les débats philosophiques de son temps concernant les principes de fonctionnement de la société.
Il partage avec Thomas Hobbes (1588-1679) une même vision anthropologique. Pour Hobbes, dans l'état supposé de nature, l'homme est un loup pour l'homme... Pour Mandeville l'homme est un fripon. Mais Mandeville se sépare de Hobbes pour ce qui concerne la vie sociale. Pour Hobbes, il est nécessaire, par l'intermédiaire du pouvoir politique, de recourir à la coercition pour amener les hommes à coopérer, pour lutter contre la guerre permanente de l'homme avec l'homme et imposer la paix civile. Pour Mandeville, au contraire, il suffit de laisser faire. Dans les grandes sociétés (comme en témoigne l'Angleterre du début du XVIIIème), les vices privés, laissés à leur libre cours, assurent automatiquement le bien public.
Mandeville prend également position par rapport aux thèses optimistes du philosophe Shaftesbury (1671-1713). Pour Shaftesbury (au contraire de Hobbes) les hommes sont "naturellement " bons. Ils sont bienveillants les uns à l'égard des autres. C'est cette bienveillance qui fonde la sociabilité : la bonté naturelle se transforme sans effort en un bien social. Mandeville se moque de cette morale du sentiment, il ne croit nullement à cette bienveillance initiale. Au contraire, et la Fable le dit expressément, la ruche dépérit si chacun de ses membres est vertueux. Mais qu'importe si le point de départ est totalement opposé (l'homme est naturellement vertueux selon Shaftesbury ; l'homme est naturellement vicieux selon Mandeville, au sens où il fait toujours passer son intérêt égoiste et personnel avant l'intérêt commun), le résultat final est le même ! autrement dit ce qui est obtenu c'est le bien public.
En celà Mandeville, antérieurement à Adam Smith, est un visionnaire du libéralisme économique et politique. Mais en dévoilant crûment que toute société repose sur le conflit des intérêts, il subira la longue éclipse du XIXème siècle français.
Si ce n'est la notice que Christian Bartholmèss lui consacre dans le Dictionnaire des sciences philosophiques de Franck. Où, selon la mode du temps, la psychologie sert parfoisde point d'appui à la critique. Comme le montre cette délicieuse citation : «Mandeville ne parvint jamais à exercer son art [la médecine] avec quelque réputation. Comme il ne pouvait rester dans l'obscurité, il se mit à écrire [...] en anglais. [...] Enfin, voulant réussir à tout prix, il recourut à un moyen de célébrité alors très usité, le scandale»

© Textes rares 2003