En l'air, ma plume, en l'air
(page 329-330, extrait)
EN L'AIR, MA PLUME EN L'AIR ! deux et trois, trois et quattre,
quattre tirades et plus s'il le faut ; tirades à centaines, poinctes
sur pointes, eslans sur eslans, à l'honneur de ce grand Roy, qui
aux flux de nos prosperités, nous fait sentir la douce influence
de sa vertu : comme jadis en l'affluence du laict de leurs brebis, les
habitans de Galaxius au pais de la Boeoce recognurent la faveur de leur
Dieu,dit Plutarque. Et qui sçauroit assez donner de parfums aux
Dieux ; qui assez de valeur, qui assez de prix aux bons Princes ; &
quelle vertu ne se trouveroit hors d'haleine, si le vent de l'honneur
ne luy donnoit en pouppe ? EN L'AIR, MA PLUME EN L'AIR !
Je sçay, je je sçay, tout homme d'honneur, qui d'ordinaire
par ses belles actions, hante la vertu, son familier, son domestique ;
non, non, n'a garde qu'il prenne langue d'emprunt, ny à louage,
pour gaigner l'air & le vent du monde ; non, n'a garde, qu'il employe
Apelle, pour couvrir les défauts d'Antigonus ; moins & beaucoup
moins le mensonge ; qui se pertuise, qui se perce à jour au moindre
raion de la verité : sa conscience luy est un tabour battant aux
oreilles, & il n'a que trop de tesmoings en sa seule conscience.
EN L'AIR, MA PLUME EN L'AIR ! ...
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