| Enfantina | Page d'accueil. Home page | Adhésion

La morale en action, 1822. Introduction

RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES.

De toutes les connaissances, il n'en est point certainement qui demande de nous plus d'attention et de soin que celle qui regarde les moeurs ; et il n'en est point dont souvent on s'instruise avec plus d'indifférence. Il semble que plus elles sont nécessaires, moins on ait d'intérêt de les approfondir ; la chose ne paraîtrait pas même vraisemblable, si une triste expérience ne la mettait tous les jours sous les yeux. La nécessité d'apprendre, dans certains cas, les règles les plus difficiles des sciences et des arts, ne produit point de tels exemples dans le monde; et c’est dans la religion seule qu'on les trouve. Les jours de l'homme, quelque longs qu'ils soient, dit un célèbre théologien, ne suffisent pas pour faire un excellent peintre, un bon architecte, un parfait philosophe ; mais ces mêmes jours, quelque courts qu'ils soient, suffisent pour faire un vrai chrétien. Nous ne sommes pas au monde pour amasser des richesses, pour mener une vie de plaisir ; nous n'y sommes pas aussi pour remplir notre esprit de sciences curieuses, pour faire des vers, pour tracer des lignes, etc. Notre principale vocation est de travailler à nous rendre dignes de l'héritage céleste par une vie vraiment chrétienne. Quel usage plus utile pourrait-on faire de ses lumières et de ses talens, que de les employer à perfectionner la partie de l'éducation qui concerne les moeurs ? C'est à quoi tendent mes faibles efforts dans les circonstances présentes. Il est nécessaire, dans toutes les conditions, de connaître à fond ce qui règle nos moeurs, et ce qui nous sert de boussole au milieu des révolutions et des écueils de la vie. La morale, dit un pape d'heureuse mémoire, comme la base de la probité du christianisme, est toujours d'usage ; au lieu que les autres sciences ne peuvent servir que dans certains temps. Dieu a mis entre notre esprit, notre coeur, notre ame, nos passions, nos sens, une telle connexion, que tout ce qui est en nous ait concourir à nous mettre bien avec nous-mêmes et avec le prochain. La morale est une science qui a des ramifications si étendues, et en si grand nombre, que les empires, les cours, les sociétés, les villes, les familles, ne se soutiennent que par son heureuse influence, et par la vertu qu'elle a de nous montrer, de la manière la plus claire et la plus précise, ce que nous devons à Dieu, à nous-mêmes, et aux autres. La même main qui traça l'image de sa toute puissance dans les cieux en caractères de feu, grava dans nos ames nos principaux devoirs. Notre coeur est une table de décalogue, que rien n' a pu briser, mais que nos passions effaceraient, si le cri de la conscience ne nous reprochait nos écarts.
L'ouvrage que nous offrons au public a un rapport direct avec les moeurs, par les grands exemples dont il est rempli, et par les réflexions qu'on y a semées. Réunissant l'utile à l'agréable, il doit plaire, surtout à la classe des lecteurs que nous avons en vue. C'est un fait, que la plupart des livres d'histoire ennuient les enfans. Nos recueils de poésies leur nuisent, parce qu'ils sont faits par des gens peu difficiles ou peu scrupuleux. Nos fabulistes même ne respectent pas assez ceux à qui les fables s'adressent principalement. Il y a, dans la plupart de leurs recueils, des contes trop libres, des fables indécentes, et quelquefois des ornemens typographiques pires que tout cela. Il est cependant de la plus grande importance, pour les moeurs et pour le goût, de n'offrir aux jeunes gens que des ouvrages très-épurés et bien écrits. Le premier mauvais livre qu'ils lisent, les dégoûte ordinairement de tous les bons.
Les gens instruits s'apercevront aisément que nos meilleurs écrivains l’ont enrichi. Il est à désirer que messieurs les professeurs l'adoptent, sur-tout dans les
hautes classes, et le fassent lire journellement. Les enfans, exercés à rendre compte, de vive-voix et sur-le-champ, de tel ou tel morceau, contracteront l'habitude de parler purement, et graveront, dans leur mémoire, des traits de bienfaisance, d'humanité et de générosité, etc., qui élèveront leurs ame aux vertus nobles et touchantes.
Heureux les enfans dont les instituteurs sages et vigilans travaillent de concert avec des parens attentifs et chrétiens, à perfectionner leur ame, et à orner leur esprit par la culture ! Mais en vain donnera-t-on aux enfans des leçons de vertu et de probité ; en vain se fera-t-on honneur de leur débiter les maximes les plus héroïques de la sagesse, si les parens et les maîtres, en les démentant eux-mêmes par des moeurs opposées, affaiblissent l'impression qu'elles auraient pu faire. Loin de leur inspirer des sentimens de vertu par ces impressions contredites par l'exemple, on les accoutume à penser de bonne heure que la vertu n'est qu'un nom ; que les maximes qu'on leur débite ne sont qu'un langage qui a passé du père aux enfans, mais que l'usage a toujours contredit, et que ceux qui en ont paru dam tous les temps les plus zélés défenseurs, ont toujours été, au fond, semblables au reste des hommes.

Un enfant, élevé avec les précautions que nous désirons, cherchera bientôt, par une noble émulation, à égaler les modèles que nous lui présentons. Il sentira combien la vertu est aimable, fera le bien sans faste, et trouvera son bonheur le plus par dans le bonheur d'autrui. Ses heureux penchans à l'honnêteté seront peut-être le fruit de ses premières lectures et des réflexions qu'un maître zélé lui aura fait faire, et les,vertus de la vie découleront de ses premières habitudes. Adolescens juxtà viam suam, etiam cùm senuerit, non recedet ab eâ. (Prov. 22, 6.)

 
    © Textes Rares