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Paul Dupont, La gravure sur bois appliquée à la typographie, 1853

Les ornements typographiques | Survivance de la xylographie
Nous avons ajouté les intertitres et quelques notes entre crochets [].

La gravure sur bois diffère de la gravure en taille-douce, en ce que celle-ci reproduit le dessin en creux, et que celle-là le présente en relief.
Nous ne parlons pas ici de l'art même de la gravure; de temps immémorial, on a gravé en creux et en relief sur tontes sortes de substances. Nous parlons de ces deux genres de gravure appliqués, depuis quelques siècles seulement, à l'impression sur toile ou sur papier.
Sous ce rapport, la xylographie ou gravure sur bois est plus ancienne que la typographie (La gravure sur bois fut pratiquée en Europe vers la fin du XIVe siècle ; la gravure en taille-douce sur métal ne parait pas plus ancienne que la typographie dont les procédés d'ailleurs sont tout différents), puisque c'est une planche xylographique qui a donné à Gutenberg l'idée de l'imprimerie en caractères mobiles de bois, bientôt remplacés par des caractères métalliques. et fondus, plus symétriques et plus durables.

Caractères en bois modernes (vers 1960)

Cependant on emploie encore des caractères de bois pour l'impression des affiches en grosses lettres, pour les grandes initiales ornées, les lettres de fantaisie, les vignettes, les fleurons et autres ornements typographiques. Les marques ou les blasons que les premiers imprimeurs mettaient sur leurs livres étaient aussi gravés en bois, de même que, les petits dessins placés dans le texte, et les arabesques qui encadraient les pages. Tous ces ornements, en pièces mobiles et en relief, comme les caractères d'imprimerie, s'intercalent dans les formes typographiques et se tirent en même temps. Souvent cette ornementation est en fonte; mais elle s'obtient maintenant au moyen du clichage opéré sur la gravure en bois, moins dispendieuse que la gravure en relief sur métal.
Ainsi la gravure sur bois est restée associée à la typographie, pour l'illustration des livres, comme la peinture l'était jadis à la calligraphie, pour l'ornementation des manuscrits.
Les premiers xylographes, appelés tailleurs de bois ou dominotiers, travaillaient d'une manière informe et grossière : on en peut juger par les livrets d'images exécutés avant l'invention de l'imprimerie; mais, vers la fin du XVe siècle, la xylographie fut exercée et perfectionnée par d'habiles artistes.
On cite les cartes géographiques gravées sur bois par Jean Schnitzer de Armsheim, pour la Cosmographie de Ptolémée, imprimée à Ulm en 1482 (Une édition antérieure du même ouvrage, imprimée à Rome en 1478, est accompagnée de cartes gravées sur métal); les nombreuses gravures qui accompagnent les ouvrages de l'empereur Maximilien Ier, faites par Hans (Jean), Burgmair et Albert Durer, ou du moins d'après leurs dessins.
Fournier jeune (Dissertation sur l'origine et les progrès de l'art de graver en bois, 1758) mentionne une œuvre xylographique de Marie de Médicis, femme de Henri IV. « Une estampe, dit-il, gravée en bois, de huit pouces de haut, représentant un buste de jeune fille, coiffée à la romaine, porte ces mots gravés au bas de la planche :
MARIA MEDICI F.
M.D.LXXXVII. »
La personne à qui l'exemplaire appartenait a écrit sur la marge, en caractères assez mal formés : Gravé par la Rayne Maiee en bouest. Suivant la note jointe à un autre exemplaire, la reine lit présent (le la planche de ce buste au peintre Philippe de Champagne, qui écrivit dessus : « Ce vendredi 22 de février 1629 la reine Marie de Médicis m'a trouvé digne de ce rare présent, fait de sa propre main. CHAMPAGNE. »
Pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle, quelques artistes se distinguèrent dans ce genre de gravure, entre autres Vincent, Lesueur, Papillon, mort en 1776, qu'on appela le dernier des Romains, parce que, après lui, l'art xylographique dégénéra et fut presque abandonné.

Ornements typographiques modernes (vers 1960)

Les ornements typographiques
Fournier, Cillé, Gando gravèrent des poinçons métalliques pour frapper des matrices de lettres fleuronnées et de vignettes.
Le Manuel typographique de Fournier (Paris, 1764-66) contient de nombreux modèles de vignettes en fonte exécutées d'après cette méthode, et qui d'ailleurs décèlent un goût parfait. Ce Manuel est un petit chef-d'œuvre typographique. L'école de Fournier pour l'ornementation des livres dura près d'un demi-siècle. En 1789, l'imprimeur Valade la suivait encore pour l'impression des petits formats Cazin.
Bien souvent aussi les vignettes et dessins des livres étaient gravés en taille-douce, et imprimés avant le tirage typographique.

Survivance et résurrection de la xylographie au XIXe siècle
La xylographie continua cependant d'être appliquée à l'impression des étoffes, des papiers de tenture, et à celle des estampes ou images communes, souvent coloriées et accompagnées d'un texte.
C'est de nos jours seulement qu'on la vit fleurir de nouveau.
Il y a environ soixante ans que les éditeurs anglais ont adopté la gravure sur bois pour leurs publications de luxe.
M. Thompson, habile graveur de Londres, commença à l'employer à Paris vers l'an 1820. Depuis cette époque, les artistes français ont porté cet art à un tel degré de perfection, que leurs gravures, tant pour le dessin que pour l'exécution, peuvent maintenant soutenir la comparaison avec tout ce qui se fait de mieux en Angleterre (*). Ils exécutent un grand nombre de planches pour les pays étrangers, surtout pour la Russie, l'Espagne et l'Italie.
Parmi les artistes qui se sont le plus distingués dans l'art de la gravure appliquée à la typographie, nous citerons M. Brevière, qui a été chargé par l'Imprimerie nationale de l'illustration de l'Histoire des Mongols et du Livre des Rois, et qui a obtenu la médaille d'argent à l'exposition de 1839; MM. Andrew, Best, Leloir, graveurs associés, qui ont obtenu la médaille d'or à l'exposition de 1844; - enfin, comme dessinateurs, MM. Raffet, Charlet, David et Monnier.


(*) Il y avait, en 1847, 39 industriels de ce genre à Paris. Le chiffre des affaires s'est élevé en 1847 à 521,950 fr., moyenne par entrepreneur 13,583 fr.; l'un d'eux fait pour plus de 200,000 francs d'affaires.
Le nombre des ouvriers employés est de 193 individus. La moyenne par ouvrier est de 2,704 fr.
En 1848, le total des affaires est descendu à 187,884 fr., réduction 61 p. 0/0. - Par suite, 124 ouvriers sur 193 ou 64 sur 100 ont été congédiés pendant les quatre mois qui ont suivi février.
46 ouvriers gagnent 6 et 7 francs par jour, 32 gagnent 8 francs, il gagnent 10 francs. (Extrait de la statistique publiée par la Chambre de commerce de Paris en l817.)

 


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