| Poésie | Page d'accueil. Home page | Adhésion


Poètes du XVIe siècle


Jacques Gohorry
--------------------------

Ce poëte, surnommé le Solitaire, professeur de mathématiques, étoit de Paris, où il mourut en 1576. Il fut philosophe, grand chimiste, et a laissé plusieurs ouvrages scientifiques tant en latin qu'en françois, ainsi qu'une traduction passable de quatre livres d'Amadis de Gaule.

CHANSON.
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.
L'autre hier, trouvai Sylvette,
Son petit troupeau gardant :
Quand je la trouvai seulette,
S'amour allai demandant.
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.

"A quoi pensez-vous, bergere
En cette fleur de quinze ans?
La beauté passe légere,
Comme la rose au printemps.
"Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.

"Fille qui ne fait ami
De tout son desir content,
On ne fait cas ni demi
De son teint, de son corps gent."
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.

"Il vous donnera ceinture
Demi-ceint ferré d'argent,
Rouge cotte, et la doublure
Plus que l'herbe verdoyant."
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.

"À la feste aurez la danse
Et le joyau triomphant."
Lors vis à sa contenance
Qu'elle s'alloit échauffant.
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des charnps.
Répond qu'elle est si jeunette,
Que n'entend mon preschement ;
Mais qu'on dit qu'en amourette
N'y a que peine et tourment.
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs,

Depuis, l'épie au passage,
Tant que la trouvai filant
À l'orée du bocage,
Près de son troupeau beslant.
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.

"Dieu gard', dis, la filandiere,
Et celui qui la surprend ! "
Elle regarde derriere,
Et un doux salut me rend.
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que des champs.

"Voici un chapeau de paille,
Un couvre-chef tavolant ;
Combien que le don peu vaille,
Le coeur est franc et vaillant."
Adieu. ville. vous command ;
Il m'est plaisir que des champs.

Je l'affuble, et lui déclaire
Que de soif allois mourant ;
Me moue à la source claire,
lui dis le demeurant:
Adieu, ville, vous command ;
Il n'est plaisir que clos champs.

CHANSON.
La jeune vierge est semblable à la rose,
Au beau jardin, sur l'épine naïve ;
Tandis que sûre et seulette repose,
Sans que troupeau ni berger y arrive,
L'air doux l'échauffe, et l'aurore l'arrose,
La terre, l'eau, par sa faveur l'avive.
Mais jeunes gens et dames amoureuses,
De la cueillir ont les mains envieuses.
La terre et l'air, qui la souloient nourrir,
La quittent lors, et la laissent flétrir,

CHANSON.
O combien est heureux
Celui qui se contente
Des biens si plantureux
Que nature présente !
Autres biens que ceux-ci
Sont meslés de souci.

J'ai toute suffisance
Que la vie requiert:
Qui abonde en chevance
Pour autrui en acquiert.
Trésors En vain sont amassés.

Qui se fonde en l'honneur,
A Fortune se joue,
Qui, du haut de bonheur,
Jette au bas de sa roue ;
La foudre va toujours
Frapper les hautes tours.

O combien est heureux
Celui qui se contente
Des biens si plantureux
Que nature présente !
Autres biens que ceux-ci
Sont meslés de souci.

 

 

© Textes Rares