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J.-F. Sacombe (1750/60-1822), La Luciniade

CHANT III

AU DOCTEUR GOY.

DOCTEUR,

VIEUX soldat de la Médecine
Dont le nom fait trembler la mort
Goy, protège un fils de Lucine,
Jouet des méchans et du sort.
Durant tout le cours de la vie,
Les méchans ont armé l'Envie
Contre un père et ses deux enfans.
De Laocoon leur modèle
Ils étaient l'image fidèle ;
Leurs corps étaient ceints de serpens.
Lorsqu'à ce reptile homicide,
Le Désiré, nouvel Alcide,
De son sceptre a brisé les dents.
Vieillard facétieux, affable,
Sans préjugés, de bonne foi,
Goy, parcours l'enfer de la fable
Et tu conviendras avec moi,
Que ces grands faiseurs de miracles,
Qui du vulgaire, au bon vieux temps
Etaient les Dieux et les oracles
Ne furent que des charlatans.

SACOMBE.


ARGUMENT

Le poète, guidé par Lucine, arrive aux enfers; comparaison des aboyemens de Cerbère, avec les cris des aboyeurs césariens ; arrivée de l'accoucheur Plessmann, rédacteur de l'opération miraculeuse du Césarien Bacqua, de Nantes, couronné par le tripot médical de Paris, dont Baudelocque était le meneur à cette époque ; comparaison de la monture Nantaise de Baudelocque, avec l'ânesse du prophéte Balaam; Lucine montre, en passant, à son fils, Typhon, Tantale, Sisyphe, Salmonée, Ixion, les Danaïdes et Phlégias, prédicateur des ombres infernales ; ensuite elle le conduit dans l'antre des Césariens ; le poète y voit Henri VIII, roi d'Angleterre, qui, le premier, fit pratiquer l'opération césarienne sur le sujet vivant ; Rousset, propagateur en France de cette opération, pour servir, par fanatisme et par ambition, la politique infernale de Médicis et de Charles IX ; Haller et Antoine Portal, apologistes de François Rousset, n'ont pas même lu son ouvrage ; confession de Mauriceau ; Lauverjat, auteur
d'une nouvelle méthode d'éventrer les femmes enceintes, tuto, cito et jucundè, confesse qu'il a trompé le public en feignant un succès césarien ; Sigault avoue ingénument que c'est Alphonse Le Roi qui est l'auteur de la Comédie SOUCHOT, en un acte et en prose, jouée pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la Faculté de Médecine, rue Saint enfin, Lucine fait voir à son disciple, des Césariens moins fameux, Renaud, jésuite; l'accoucheuse Flandrin, Scipio-Mercuri, Tribolet, Schifirli, Rhoonhuisen, Sonnius, Rudbekius, et ce fameux Taureau qui d'un coup de corne
pratiqua, avec succès l'opération césarienne à Saint-Sébastien en Espagne ; le poète arrive au tribunal des enfers ; Rhadamante impose silence à un avocat qui sortait de sa cause pour calomnier sa partie adverse à défaut de bonnes raisons ; Lucine engage son fils à plaider la cause de Marchais, accoucheur de Paris, dont l'ombre venait d'arriver aux enfers ; cet accoucheur français est conduit en triomphe aux Champs-Élysées ; Lucine trempe l'ame de son élève dans les eaux du Styx pour le rendre intrépide à venger la cause de l'humanité, contre tous les Césariens convoqués dans le temple des Protestans de la rue Saint-Thoams-du-Louvre ; Millot vaincu dans cette journée donne bientôt après des signes de folie en composant son ouvrage sur l'art de procréer les sexes à volonté.

 

CHANT TROISIEME.

J'ai franchi le Cocyte, et nous gagnons la route
Qui doit guider mes pas sous l'infernale voûte
De l'empire odieux dont Pluton est le Roi.
Tous mes sens sont saisis et d'horreur et d'effroi
Aux. hurlemens affreux dont retentit l'Averne,
Et qui se prolongeant de caverne en caverne,
Annoncent que ce gouffre, inaccessible au jour,
Des plus grands scélérats est le digne séjour.
A l'odeur d'un mortel, en ces lieux inconnue
Cerbère entre en fureur, en défend l'avenue.
Mille fois dans Paris, j'ai vu sans m'effrayer,
Sur mes pas, nuit et jour, une meute aboyer.
Mais Cerbère à lui seul est bien plus effroyable
Que des Césariens la secte impitoyable.
Ceux-ci n'ont point de tête, et Cerbère en a trois
Ceux-ci sont dangereux, mais lâches, mal-adroits,
Un seul geste, un regard, les réduit au silence,
Cerbère audacieux vers moi soudain s'élance.
Trois gueules et sis. yeux ouverts tous à la fois
Rendent plus effrayant leur triple son de voix.
Jadis nu demi-dieu, qu'à bon droit on nous vante;
Avant de l'enchaîner fuit saisi d'épouvante.
Coin lui, je sentis mon courage abattu
Mais Lucine parait, et Cerbère s'est tu.
L'ombre d'un malheureux déposé sur la rive
Au séjour des enfers, en ce moment arrive,
A sa mine allongée, à son air patelin
Je reconnais Plesmann, mon coeur toujours enclin
...

 

 


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