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J.-F. Sacombe (1750/60-1822), La Luciniade

CHANT II


AU DOCTEUR VITALIS

DOCTEUR

Ami des bonnes Sages-femmes
Je les accueillis dans mes cours
Par elles, requis près des Dames
Je leur prodiguai mes secours.
Pourquoi dans le siècle où nous sommes
L'art voudrait-il les dédaigner ?
C'est que l'avarice des hommes
Veut tout envahir pour gagner.
Afin d'effrayer les matrones
On a forgé mille instrumens
Les usurpateurs de leurs trônes,
Du beau sexe ont fait les tourmens,
Interprète de la nature
Le compas d'Euclide à la main
Du champ de la progéniture
Je vous ai décrit le chemin,
VITALIS, nom digne d'envie
Qui se compose de deux mots
Vitam alis (1) soutien de la vie
Ou vrai remède à tous les maux.
Ah ! la divine providence,
A Nismes m'a conduit trop tard
Docte et respectable vieillard
Ou laissez-moi votre science
Ou dans les champs de la Provence
N'allez point exercer votre art ;
Pour vous la fontaine du Gard,
Est la fontaine de Jouvence.

SACOMBE

ARGUMENT

Le poète durant son sommeil se croit transporté d'abord aux Champs-Elisées, où il voit les ombres infortunées des femmes mortes sous le couteau Césarien ; ensuite il descend aux enfers, séjour des accoucheurs Césariens, fléaux de l'humanité. A son reveil, Lucine vient réaliser son rêve, enfant de la nuit, et le transporte sur son char dans l'Elysée où il rencontre tour-à-tour Jeanne de Seymour, Reine d'Angleterre, que son barbare époux Henri VIII fit tomber sous le couteau Césarien ; Vasseur, à qui Baudelocque et Dubois ouvrirent le flanc ; Cornélie, Aurélie, Alespachen, Desmoulins. Lucine et le Poète rencontrent aux Champs-Elisées les anti-césariens Ambroise-Paré, Guillemeau, Brunet, Viard, Charbonet, Marchand, Peu, Dionis, Ould, Heister, Puzos, Rolfink, Jonhson, Smellie, Amand, Paul-Portal, Clément ennobli par Louis XIV, pour avoir accouché la Vallière. Elle obtient de son amant la révocation de l'édit de Nantes. Le Poète aperçoit dans un coin Perard et Puzos qui lisaient leurs titres de noblesse. Discours de la médecine et de sa soeur la chirurgie, aux barbiers Vulviens ou sages-femmes en culottes. Entrevue du Poète et de Pean accoucheur de Paris, persécuté par ses confrères parce qu'il accouchait toujours sans instrumens. Éloge de Pean, par Leblanc, chirurgien et membre du Département de la Seine, prononcé dans une séance publique, présidée par le Poète dans la salle du Tribunat. Lucine présente au poète son bisaïeul Jean-Pierre Benezeth, médecin de l'amiral Coligni, égorgé la nuit de la Saint-Barthélemi. Henri-Quatre veut connaître l'état actuel de la France. Querelle violente entre plusieurs femmes, épouses des plus célèbres accoucheurs de Paris. Description du Palais de Proserpine, bâti par Pluton aux Champs-Élysées, parce que sa jeune épouse se déplaisait aux enfers. Le Poète, présenté par Lucine à la Reine des enfers, aperçoit l'ombre de Madame Tardieu, qui demandait justice de l'attentat commis sur elle par Baudelocque qui décola son enfant, et fit condamner l'auteur de la Lucine française, pour avoir révélé à l'Univers cet acte d'impéritie. Mort funeste de Bichat. Le Poète sortait avec Lucine des Champs-Élysées lorsqu'il voit entrer l'ombre de Madame Dénos morte de l'opération césarienne que lui pratiqua Coutouly. Lucine engage son fils à ne point invoquer l'Autorité, contre une opération la honte de l'art et l'effroi de l'humanité, dont le tribunal de l'opinion publique a déjà fait justice.

CHANT SECOND

O nuit délicieuse, à la fois et rapide
Que le Dieu du réveil me parut insipide,
Lorsqu'il vint tout-à-coup, par un zèle indiscret
Aux songes les plus doux m'arracher à regret.
Je rêvais que, porté sur le char de Lucine,
Près d'elle et d'Apollon, Dieu de la Médecine
Après avoir franchi les monts Aëriens
Nous descendions tous deux aux champs Élysiens,
Afin d'y visiter les ombres fortunées
Des femmes en travail, par l'art assassinées.
Je les interrogeais, et chacune à son tour,
Me peignait ses malheurs, sans crainte et sans détour.
Bientôt après, du sein des îles fortunées
Nous volons aux enfers. Les ombres condamnées
Pour avoir, du beau sexe, osé percer le flanc,
Pour avoir, sans pitié, versé des flots de sang
François Rousset, Bauhin, et leurs nombreux complices,
S'offrent à mes regards, au milieu des supplices,
En déplorant leur sort, je rendais grâce aux Dieux
D'avoir ainsi puni leurs forfaits odieux,
Lorsque le doux sommeil, a fui de ma paupière.
Et cependant l'Aurore, au Dieu de la lumière,
Ouvrait à l'Orient les deux portes du jour,
Quand sur son char Lucine arrive en ce séjour,
Embelli par l'éclat de sa gloire immortelle.
Évellle-toi, mon fils, et partons, me dit-elle,
Je viens réaliser les songes dont la nuit
A charmé ton sommeil, au fond de ce réduit,
...

 


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