| Poésie | Page d'accueil. Home page | Adhésion

Alfred de Bougy, Un million de rimes gauloises... anthologie, 1858 

Epitaphes 1
....................

**Les notes sont d'Alfred de Bougy

Epitaphe
Quand tu naquis, au monde vins tout nu,
Et, quelque bien que tu puisse amasser,
Au départir te les faudra laisser,
Et t'en aller comme tu es venu

Pantaléon Barthélon


**Le titre de ce quatrain n'est pas parfaitement juste. Il eût fallu l'intituler : Avis aux riches.


Epitaphe d'Ysabeau
Regretter on doit Ysabeau,
Naguères mise en ce tombeau ;

Car si grands mémoire avoit-elle,
Que pour lors que mort la tenoit,
De tous ses faits se souvenoit,

Hormis du temps qu'estoît pucelle.

Bérenger de la Tour**

** Il était de la ville d'Aubenas, en Vivarais,et vivait sous François II , et Henri II. Il avait pour devise ces mots : Soupir d'espoir, et entretenait des relations avec Charles Fontaine, Laurent de la Gravière, Antoine Dumoulin etGuillaume de la Perrière. On ne sait rien de plus touchant ce poëte languedocien.


Epitaphe de Rabelais
Pluton ! Rabelais reçoi,
Afin que toi, qui es le roi
De ceux qui ne rient jamais,

Tu ais un rieur désormais.

    Jean-Antoine de Baïf


Epitaphe de Passerat
Jean Passerat ici sommeille,
Attendant que l'ange l'éveille,
Et croit, qu'il se réveillera,
Quand la trompette sonnera.
S'il faut que maintenant en la fosse je tombe,
Qui ai toujours aimé la paix et le repos,
Afin que rien ne poise* à ma cendre et les os,
Amis, de mauvais vers ne chargez pas ma tombe**.
    Jean Passerat

* pèse
** La même épitaphe trouve, en latin , de Passerat
"
Ille situs in parva Janus Passertius urna ;
"Ausoni doctor eloqui ;
"Discipuli memores tumulo date serta magistri ;
"Ut vario florum munere vernet humus.
"Hoc culta officio mea molliter ossa quiescent,
"Sint modo carminibus non onerata malis.



Epitaphe
Cy-gist qu'on appeloit Dando,
Mon compère messire Etienne ;
Il est céans qui fait dodo :
S'il est bien ayse, qu'il s'y tienne.

    Anonyme (XVIe siècle)


Epitaphe d'un chien
D'abois les larrons je chassois,
Aux amans je faisois caresse :
A mon maitre ainsi je plaisois,
Ainsi plaisois-je à ma maîtresse

J. Vauquelin de la Fresnaye



Epitaphe de M. d'Is*
Ici dessous gît monsieur d'Is,
Plût à Dieu qu'ils y fussent dix :

Mes trois soeurs, mon père et ma mère,
Le grand Eléasar mon frère,
Mes trois tantes, et monsieur d'Is,
Vous les nommé-je pas tous les dix ?

Malherbe

*Dans certain recueil, cette épitaphe est attribuée à Maynard. Voici la note du Nouveau recueil des épigrammes françaises (1720) :
"Cette épitaphe est faite pour M. d'Is, parent de Malherbe, et de qui il était l'héritier. Elle a donné sujet aux ennemis de Malherbe de l'accuser d'avoir l'âme basse, et d'être si fort attaché à ses intérêts particuliers, qu'il en avait même perdu les sentiments naturels de l'humanité. Mais il est facile de remarquer que cette épitaphe est plutôt un jeu d'esprit qu'un témoignage de la disposition du coeur de Malherbe à l'égard de ses parents, et que ce poète avait pris plus de soin de les renfermer tous dans quatre vers que de montrer son attachement pour les biens."



Epitaphe de Regnier
J'ai vécu sans nul pensement,
Me laissant aller doucement
A la bonne loi naturelle ;
Et je m'étonne fort pourquoi
La mort daigna penser à moi,
Qui ne m'occupai jamais d'elle.

Mathurin Régnier

 



Epitaphe de Jacques Sylvius ou Du Bois, docte et avare médecin**
De l'avare du Bois la science féconde
Ne donna rien pour rien, tant qu'il véquit au monde ;
Et, si les morts encor s'animent pour le bien,
Il est sous ce tombeau, qui soupire et qui gronde,
De quoi tu lis ces vers sans qu'il t'en coûte rien.

Colletet

** Un de nos principaux néographes (ou réformateurs de l'orthographe française). Il fraya la voie à Meigret, à Pelletier (du Mans), à Expilly, etc.



Epitaphe
Ci-gît ma femme...oh ! qu'elle est bien,
Pour son repos et pour le mien

Du Lorens*

*Né vers 1583 à Chateauneuf en Thimerais, mort en 1648 ou 1655. D'abord avocat, puis poete satirique. Il se maria à Chartres ; sa femme lui apporta une dot considérable, mais elle était, à ce qu'il paraît, d'humeur difficile et fort acariâtre. Du Lorens lui fit cette épitaphe devenue célèbre.



Epitaphe de Tristan composée par lui-même
Ebloui de l'éclat de la splendeur mondaine,
Je me flattai toujours d'une espérance vaine,
Faisant le chien couchant auprès d'un grand seigneur ;
Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paraître ;
Je véquis dans la peine, attendant le bonheur,
Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.

Fr. Tristan-L'Hermitte*

*Né en 1601 au château de Soliers (Marche), mort à l'hôtel de Guise, inhumé à Saint-Jean-de-Grève. Poète dramatique, memebre de l'Académie, se disait descendant de Tristan-L'Hermite, grand prévôt de Louis XI. Triste vanité !



Epitaphe d'un prodigue
Ci-gît le prodigue Airancy,
Ce glouton qi mourut plus nu que les apôtres ;
Ne mangea-t-il point la terre où le voici ?
Il en a mangé beaucoup d'autres.

Le chevalier de Cailly (d'Aceilly)


Epitaphe de Scarron
Celuy qui cy maintenant dort
Fit plus de pitié que d'envie,
Et Souffrit mille fois la mort
Avant de perdre la vie.
Passant, ne fais ici de bruit,
Et garde bien qu'il ne s'éveille,
Car voici la première nuit
Que le pauvre Scarron sommeille.

Scarron

*Cette épitaphe, qui rappelle les infirmités et les douleurs du malheureux poëte burlesque, a quelque chose de touchant.



Epitaphe d'une dame qui mourut constipée
Cy-gist qui se plut tant à prendre,
Et qui l'avoit si bien appris,
Qu'elle aima mieux mourir que rendre
Un remède qu'elle avoit pris.

Scarron


Epitaphe
Cy-gist, oui, gist, par la mort-bleu !
Le cardinal de Richelieu ;
Et ce qui cause mon ennui,
Ma pension avecque lui.

Isaac de Benserade*

*Gentilhomme normand, né à Lyons-les-forêts en 1612, mort en 1691. Il fut membre de l'Académie Française...

 

 

© Textes Rares