La Ville de Paris en vers burlesques de Berthod
La pièce que nous avons placée à la suite de Paris ridicule,
quoiqu'elle ait été faite quelques années auparavant,
est intitulée : La Ville de Paris en vers burlesques, qui
fut publiée pour la première fois en 1652, sous le nom du
sieur Berthod et dans plusieurs éditions subséquentes sous celui
du sieur Berthaud. « Quel est ce sieur Berthaud ? se demande
Viollet-Le-Duc dans sa Bibliothèque poétique (page 504).
Ne serait-ce pas le neveu du poëte, évêque de frère
de madame de Motteville, l'auteur des Mémoires, et dont parle Tallemant
des Réaux, comme faisant de mauvais vers ennuyeux et pleins de vanité,
que l'on distingua à la cour par le nom de Bertaud l'incommode, d'un
autre Berthaud, musicien soprano, que madame de Longueville avait surnommé
Berthaud l'incommodé ? »
Il est assez singulier, en effet, que l'auteur d'un poëme qui a été
réimprimé pins de dix fois soit absolument inconnu; les biographes
l'ont passé sous silence ; l'abbé Goujet lui-même, toujours
si bien informé, ne l'a pas même cité dans la Bibliothèque
françoise, nous avions
cru devoir conclure de cette absence complète de renseignements sur ce
poëte, que son nom, écrit de différentes manières
(Berthod, Berthaud, Berthauld et Bertaut), n'était
qu'un pseudonyme. Nous étions même disposés à reconnaître
sous ce pseudonyme François Colletet, qui n'a voulu faire que la Secondé
partie de la Ville de Paris, en composant son Tracas de Paris dans
le même style et le même goût que le poëme burlesque
de Berthod ; notre supposition aurait eu d'autant plus de vraisemblance, que
Colletet avait obtenu, dès l'année 1658, un privilége du
roi pour continuer l'ouvrage de Berthod, et que ce fut lui sans doute qui donna
cette année-là une édition nouvelle de cet ouvrage, avant
de publier sa continuation en 1666, puisque Berthod est nommé Berthaud
ou Berthauld dans toutes les éditions à partir de 1658. Mais,
en dépit des analogies de naïveté ou même de platitude
qui existent dans la poésie triviale et prosaïque de Berthod et
de Colletet, nous avons fini par nous persuader que ces deux noms là
représentaient bien deux poëtes différents, et qu'il fallait
laisser à Berthod ce que nous voulions donner à Colletet, car
Berthod a fait acte d'individualité poétique, en faisant paraître
un autre poëme que celui de la Ville de Paris ; ce poëme moins
burlesque sans doute que Je premier porte pour titre : Histoire de la Passion
de Jésus-Christ. L'auteur de la Passion de Jésus-Christ,
en vers français, est indubitablement l'auteur de la Ville de
Paris en vers burlesques : les deux poëmes, malgré la divergence
du sujet et du genre, ont entre eux des points de contact et de similitude étonnants
; ils ont été, d'ailleurs publiés à peu près
à la même époque et dans la même librairie, car la
première édition de l'Histoire de la Passion, format in-12,
a paru en 1655, chez J. B. Loyson, trois ans après la publication de
la Ville de Paris. On peut donc établir avec certitude que ce
dernier poëme a été rimé, comme le précédent,
par le père Berthod, cordelier.
La première édition de la Ville de Paris, dont le privilége
est délivré au sieur Berthod, à la date du 5 août
1650, avait vu le jour chez Jean-Baptiste Loyson et sa mère, veuve de
Guillaume Loyson, en 1652 : elle forme un volume in-4° de 3 feuillets et
97 pages, avec deux figures, dont la seconde, tirée au verso du troisième
feuillet, porte le monogramme de François Chauveau. Elle fut réimprimée
l'année suivante, même format, même nombre de pages, mêmes
gravures. Ce poëme burlesque, tout mai écrit qu'il soit, eut un
si grand succès, que la veuve et le fils aîné de Guillaume
Loyson le réimprimèrent identiquement encore en 1655, et
que les Elzeviers ne dédaignèrent pas de le contrefaire, en
mettant le nom de l'auteur sur le titre ainsi conçu : Description
de la ville de Paris en vers burlesques (Jouxte la copie à Paris,
1651, petit in-12 de 62 pages). Cet ouvrage, dont il y eut des éditions
in-12 publiées par Jean-Baptiste Loyson, en 1658, 1660, etc., trouva
plus de lecteurs et d'acheteurs que l'Histoire de la Passion de Jésus-Christ,
que les Loyson réimprimèrent pourtant aussi en 1660.
On a lieu de croire que l'auteur était mort, puisque le libraire Antoine
Raflé avait donné en 1665 une nouvelle édition de la Ville
de Paris, augmentée de la Foire Saint-Germain, par Scarron
(in-12 de 84 pages, y compris les liminaires), et que, sur le titre de cette
édition comme sur celui des suivantes, publiées par le même
libraire (sans date, 1666, 1669, etc.), le père Berthod est nommé
le sieur Berthaud. La Bibliothèque Bleue de Troyes s'empara de
ce poëme, que nous voyons imprimé en 1699 chez la veuve Oudot, sous
la rubrique de Paris. Depuis cette édition troyenne, les éditions
de Troyes, avec ou sans date, se succèdent si rapidement qu'il serait
bien difficile de les énumérer ; car elles se ressemblent toutes
par le format, le papier et les caractères, si ce n'est par les fautes
d'impression, qui vont toujours s'empirant et se multipliant.
Nous n'avons pas eu de peine à donner un texte plus correct que celui
de ces nombreuses éditions de Troyes, en recourant à la première
édition qui peut passer pour avoir été revue par l'auteur,
ou du moins sur son manuscrit. Nos annotations et celles de M. Bonnardot se
rapportent à l'histoire physique et morale de Paris à cette époque
; car c'est là seulement ce qu'on peut aller chercher dans la poésie
burlesque du père Berthod.