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Norvins**, L'immortalité de l'âme, 1829
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Epilogue

INSTRUITE par les Dieux, la sage antiquité
Légua l'ame immortelle à la postérité.
L'histoire cache en vain, sous des fables lointaines,
Son front mythologique et ses moeurs incertaines
Et le Gange et le Nil, rivaux mystérieux,
Vainement aux regards dérobèrent les dieux,
Ou, les défigurant sous de honteux emblèmes,
Profanèrent du ciel les puissances suprêmes.
A travers cette nuit, une heureuse clarté
Conduisait les mortels à l'immortalité
La vérité, l'erreur, dans toutes les contrées,
Furent de nos destins les compagnes sacrées.
Ces rivales pour nous ont un égal attrait
Le sage les distingue et garde son secret.
Socrate le trahit : généreuse victime,
Il paya de son sang ce parjure sublime;
Son ame en proclamant soi, immortalité,
Du Dieu qui la reçut proclama l'unité.
L'univers l'entendit aux plus lointains rivages.
Ainsi, pour l'éclairer, Dieu suscitait les sages.
Des bornes de l'Aurore aux plages de Chalcis
Brillèrent Zoroastre, Hermès, Anacharsis,
Confucius, Thalès, Pythagore, Hippocrate,
Démocrite Zénon, Parménide, Socrate.

Socrate, jeune encor, par un art tout nouveau,
Embellit la sagesse, illustre son ciseau.
A côté de minerve il fit jouer les Grâces.
Quand son maître mourut, Platon suivit ses traces
Du dieu de l'harmonie il empruntait la voix,
Pour rendre plus sublime et plus douce à la fois
De son maître adoré la sévère sagesse,
et du crime d'Athène il consolait la Grèce.
Les Muses inscrivaient sur leurs livres sacrés
Ses préceptes divins par Socrate inspirés.
Le platane abritait, sous son riant ombrage
Les autels des Neuf Soeurs et le foyer du sage.
Là, doucement mêlés air murmure des eaux ,
Coulaient ces entretiens si touchans et si beaux,
Où la philosophie au sein de la nature
Semblait avoir choisi sa grâce et sa parure.
Mais, pour livrer son ame aux plus hautes clartés
Platon de ces jardins fuyait les voluptés,
et, du noir Sunium gravissant, les rivages.
Transportait son école lit séjour des orages.
Là, Minerve a son temple ; et , dominant les flots,
Elle reçoit les voeux des pâles matelots.
Les filles d'Apollon et les grâces légères
Ne trouvent point d'encens à ses autels austères.
De l'Éther et des flots sondant les profondeurs,
Là, Platon du seul Dieu révélait les grandeurs;
Il unissait sa voix à la voix du tonnerre;
Il dérobait les cieux pour éclairer la terre.
Il disait que ce Dieu , de toute éternité,
Avait de l'univers conçu la majesté,
et, des mondes entr'eux expliquant l'harmonie,
Aux oeuvres du Très-Haut imprimait son génie.
Hermodore, sans toi , ton maître était mortel.
Tu gardas ses écrits. On te doit un autel.
Par toi l'heureuse Grèce éclata de lumière,
et l'astre de Platon couvrit l'Asie entière.
Ses ouvrages divins, par tes soins répandus,
Des fjords de l'Hellespont aux rives de l'indus
Au vainqueur de Porus portèrent la sagesse,
et du monde étonné le temple fut la Grèce.
De leurs muets autels abandonnant les dieux,
Les peuples tout à coup regardèrent les cieux.
Rome asservit les Grecs. Mais l'école d'Athènes
A leurs vainqueurs altiers faisait porter ses chaînes;
et lem derniers Romains, Tullius et Caton,
Puisèrent leur génie aux dogmes de Platon
Caton saisit, son glaive en invoquant le sage,
et deux fois le trépas illustra son courage.
En drames instructifs admis dans les festins
Ses entretiens charmaient les enfans des Romains.
Trajan les proposait à leur jeune mémoire ;
En éclairant leurs coeurs il préparait leur gloire.

Platon nomma le Verbe, il entr'ouvrit les cieux .
Dans l'auguste triangle il renferma les dieux;
Il plaça dans les cieux les vertus immortelles,
et dévoua le crime aux flammes éternelles.
Paul, Jérôme, Augustin, ces demi-dieux chrétiens
Goûtèrent ses écrits, dont les dogmes païens,
Immolant au vrai Dieu les profanes symboles,
Préparaient. son autel dans le, champ des idoles.
Muse, garde ces chants pour un tems plus sacré !
A recevoir le Christ loin d'être, préparé,
Sous des dieux différens le monde se sépare:
La Grèce a vu Platon, et l'Europe est barbare !
Depuis un siècle entier Socrate a des autels,
Et le glaive d'Odin moissonne les mortels !

 

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