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Le Gay, Mes souvenirs et autres opuscules poétiques, 1788 :

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Description de la fête des roses

Un des beaux jours du joli mois
Qui rend aux arbres leur feuillage,
La verdure aux gazons, aux oiseaux leur ramage,
Et les fait deux à deux voltiger dans les bois ;
Eveillés avant que l'Aurore,
Fuyant son vieil époux, répande au sein de Flore
Ces pleurs que Phébus change en rubis éclatans,
Quleques Anacréons dont pas un seul ne cloche,
Bien gais et bien dispos, l'un de l'autre contens,
Bouquet de rose en main, et jolis vers en poche,
Courent loin de la ville et des sots importans
Fêter le retour du printems,
Dans un cabinet de verdure
De mille roses nuancé,
Près d'une source qui murmure
Se réunit le grouppe dispersé.

Sur un banc raboteux, chancelant, mal-posé,
Nous nous plaçons à l'aventure.
Chaque bouquet bientôt, en couronne tressé,
Presse nos fronts d'une fraîche ceinture.
La nappe au même instant disparaît sous les fleurs.
La couleur du vin qu'on varie
Tantôt contraste et tantôt se marie
A l'incarnat de leurs couleurs.
Le Dieu de la plaisanterie,
Momus vient animer les propos des buveurs.
On parle Vers, Amour, même Philosophie :
Tout en riant on apprécie
Les illusions de la vie,
Les charmes d'une Belle, et l'esprit des Auteurs...
Tout-à-coup le bruit cesse. Aux plus gentils Poëtes,
A tous ces paresseux qui chantèrent l'Amour,
Aux Chapelle, aux Chaulieu, nous buvons tour-à-tour,
En répétant nos chansonnettes.

Mais lorsque du soleil les rayons imortuns,
Introduits à travers la voûte du feuillage,
Dissipent de nos fleurs les suaves parfums,
Nous quittons notre Eden, en disant : "Quel dommage,
Quand le chagrin semble allonger les jours,
Que les instans heureux nous paraissent si courts !"


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