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 Fabrication du papier à la formeJetez un coup d'il sur un chapeau de feutre noir ou tout autre objet également 
de feutre. Ceci n'est pas un tissu : point de fils tordus, point d'entrelacement 
régulier comme dans une étoffe. Des poils laineux, flexibles, frisés, 
ont été entremêlés, foulés et comme pétris 
ensemble. Fortement comprimés, ils s'entrecroisent au hasard, s'accrochent 
les uns aux autres et se tiennent assez fermement unis. Eh bien, une feuille de 
ce beau papier blanc et lisse - que vous négligez, ingrats, que vous salissez 
sans motif et déchirez sans regret, tandis que nos ancêtres l'eussent 
considérée avec admiration et ménagée comme une chose 
précieuse ! - cette feuille, dis-je, est tout à fait comparable 
à du feutre. Si vous regardiez la surface avec une loupe ou verre grossissant, 
vous y distingueriez alors des milliers de petites fibres, blanches, minces, tortillées, 
dont les fibres de la ouate blanche vous donneront très bien l'idée;
 mais ces fibres excessivement déliées, foulées, feutrées 
enfin, se tienne en masse avec une certaine résistance. - En examinant 
simplement un morceau de carton très grossier, vous aurez aussi une idée 
juste de la structure du papier-, dans ce gros carton votre il distinguera 
parfaitement les fibres entre-croisées. Or le papier diffère du 
carton seulement en qu'il est plus fin, plus blanc et plus mince; que ses fibres, 
plus menues, ne se discernent pas à la simple vue. Les fibres du papier 
et du carton ne sont pas des poils d'animaux comme ceux dont se fait le feutre; 
ce sont des fibres végétales comme celles du coton, comme celles 
du lin, du chanvre, dont sont fabriqués les fils, les ficelles, les cordes, 
le linge. Beaucoup de végétaux contiennent et peuvent fournir des 
fibres capables de servir à faire du papier; il s'agit de désagréger 
ces fibres, c'est-à-dire de les séparer ; puis de les blanchir, 
de les broyer ensemble, de les feutrer, de les comprimer. - Mais pourquoi ne pas 
prendre des fibres toutes séparées déjà, fines et 
blanches, de la ouate de coton, par exemple? - On peut le faire; on l'a fait : 
et c'est même avec du coton, avons-nous dit, qu'a été fabriqué 
le premier papier qui ait été connu chez nous. Mais ce papier était 
peu solide, surtout il coûtait cher.
 
 Le chiffon
 Or il vint à l'idée de je ne sais quel inventeur - 
l'histoire n'a pas conservé son nom - de prendre, pour fabriquer le papier, 
des fibres végétales déjà 
plus ou moins désagrégées et assouplies, déjà 
plus ou moins blanchies, des fibres ayant déjà servi sous une autre 
forme, sous forme de fils, de tissus. En un mot il imagina de faire du papier 
avec des chiffons. - Oui, ce chiffon, cette loque déchirée et poudreuse 
qu'on a dédaigneusement jetée, que le chiffonnier ramasse, le soir, 
au coin de la borne, sur le tas d'ordures, et cette belle et fine feuille blanche 
sur laquelle vous écrivez, cette page blanche de mon livre, que vous avez 
sous les yeux, c'est la même matière... Mais combien transformée, 
transfigurée par le travail ! Le papier de chiffons est connu chez nous 
depuis le XIe siècle au moins ; au XIII et au XIVe, il y avait en France 
des fabriques de papier. Mais c'est seulement depuis l'invention de l'imprimerie 
qu'il est devenu très commun; et maintenant il se fabrique en quantité 
immense, au moyen de machines extrêmement ingénieuses : si bien que 
les chiffons ne suffisent plus à la fabrication. Il a fallu chercher d'autres 
matières. Mais le papier de chiffons est toujours de beaucoup le plus beau 
et le meilleur; voyons comment il se fabrique.
 
 La fabrique de papier
 Une fabrique de papier est aujourd'hui 
une vaste usine, contenant un grand nombre d'ateliers où se font des travaux 
nombreux et variés. - Les chiffons achetés au chiffonnier et déjà 
un peu nettoyés ont été portés à la manufacture. 
Là on commence par les trier, en écartant d'abord les tissus de 
laine ou de soie; car ceux de lin, de chanvre on de coton, en un mot ceux qui 
sont formés de matières végétales, sont seuls propres 
à faire du papier. Des ouvrières coupent les chiffons par petits 
morceaux, puis mettent à part dans un coffre à compartiments, selon 
leur qualité, les chiffons gros on fins blancs, de couleur claire ou de 
couleur foncée : ils serviront à fabriquer des papiers de qualité 
différente. On les bat et on les secoue pour en ôter la poussière; 
puis ils sont lavés à l'eau dans une grande cuve. Ce lavage ne suffirait 
pas; ils doivent être lessivés. - Le lessivage se faisait autrefois, 
comme le lavage, dans une vaste cuve où les chiffons, plongés dans 
la lessive, étaient remués avec des pelles de bois. Aujourd'hui 
on se sert d'un appareil nommé lessiveur. Le lessiveur est un vaste réservoir 
de tôle de fer, en l'orme de sphère ou de cylindre, et que nous comparerons, 
si vous voulez, à un gros tonneau qui serait embroché d'un gros 
essieu de fer, de manière à pouvoir tourner comme une roue. Cet 
essieu ou axe est creux, en façon de tuyau; et il communique avec l'intérieur 
du réservoir. La bonde de l'énorme tonneau, pour continuer notre 
comparaison, est un large couvercle de fer, fixé sur une ouverture arrondie. 
Par cette ouverture, le couvercle étant ôté, on charge environ 
1000 kilogrammes de chiffons. Puis, par le moyen d'un long tuyau aboutissant à 
l'axe creux, en ouvrant un robinet on fait entrer la lessive. Cette lessive, c'est 
de l'eau dans laquelle on a délayé une certaine quantité 
de chaux et fait dissoudre, en proportion convenable, de la soude : ces deux substances 
ayant la propriété de détruire les graisses, d'enlever les 
saletés - de nettoyer, en un moi. Le trou fermé, le couvercle solidement 
vissé, l'opération commence. On fait entrer, toujours à travers 
l'axe creux, au moyen d'un autre tuyau, en ouvrant un autre robinet, de la vapeur, 
qui arrive toute brûlante d'une grosse chaudière. En s'élançant 
dans l'intérieur du réservoir, elle remue, elle échauffe 
la lessive, qui arrive bientôt à un degré de chaleur plus 
élevé que celui de l'eau bouillante. En même temps, par le 
moyen d'une machine et d'engrenages, on fait tourner très lentement le 
lessiveur. Au bout de trois heures le lessivage est terminé. On fait écouler 
la lessive par un tuyau, et on la remplace par de l'eau pure, pour rincer les 
chiffons, comme on rince le linge sortant de la lessive. Alors, ouvrant le grand 
trou, et faisant incliner doucement l'appareil, on fait tomber les chiffons dans 
une vaste cuve de bois placée au-dessous. Si un seul lessivage ne suffit 
pas, on recommence l'opération. Les chiffons lessivés, il s'agit, 
de les défiler, de les broyer en quelque sorte pour les réduire 
en pâte. Cela se faisait autrefois à l'aide de pilons qui battaient 
les chiffons dans des mortiers. On se sert maintenant d'une machine appelée 
pile défileuse. Imaginez une vaste cuve où les chiffons sont versés 
et flottent dans une grande quantité d'eau. Un cylindre, armé de 
lames d'acier et tournant avec rapidité, est à demi plongé 
dans l'eau de la cuve; ces lames en mouvement viennent passer très près 
d'autres lames fixes, tenant au fond de la cuve, élevé en cet endroit 
en forme de plan incliné. En tournant, le cylindre produit dans la cuve 
une sorte de remous qui fait tournoyer lentement l'eau et les chiffons, et amène 
ceux-ci sous le cylindre même. Là, au passage, ils sont saisis par 
les lames d'acier du cylindre, et contraints de traverser l'étroit espace 
qui reste entre ces lames et les lames fixes. Ces lames qui se joignent presque 
font un effet qu'on peut comparer à celui des deux lames d'une paire de 
ciseaux qui se ferment, glissent l'une sur l'autre et coupent l'étoffe. 
La différence, c'est que dans la machine les chiffons ne sont pas tranchés 
nettement, au contraire : les fils sont arrachés, déchirés; 
froissés et quelque peu broyés. Un courant d'eau pure arrive continuellement 
dans l'appareil, et le trop-plein de l'eau s'écoule par une sorte de grille 
ingénieusement dis. posée, qui laisse passer l'eau et retient les 
fibres broyées. Au bout de trois heures environ les chiffons sont déjà 
suffisamment broyés pour former avec l'eau une sorte de pâte. Si 
on employait cette pâle encore incomplètement triturée, on 
pourrait faire de grossier carton gris, non pas de beau papier fin et blanc.
 
 Blanchir le papier
 - La première chose à faire, à ce moment, est de blanchir 
cette pâte, qui est d'un gris sale produit par le mélange des chiffons 
de toute couleur. Or il y a une substance, une espèce de sel qui a la propriété 
curieuse de détruire la couleur de ton tes sortes de teintures, et de rendre 
blancs les tissus, les fils, les fibres - la pâte aussi, par conséquent 
: cette matière est appelée hypochlorite de soude, ou, par abréviation, 
chlorure. Cette substance, étant dissoute dans l'eau, forme une sorte de 
lessive décolorante. La pâte grise est mélangée a cette 
lessive dans une pile qu'on nomme pile blanchisseuse, semblable à peu près 
à celle que nous venons de décrire, mais dont les lames sont en 
bronze, non pas en acier, parce que le chlorure rongerait rapidement et détruirait 
l'acier. Au bout de quelque temps la pâte, est devenue blanche; et en outre 
elle est plus finement broyée. On fait alors arriver de l'eau pure en abondance, 
tandis que le cylindre continue de tourner; car il faut laver la pâte et 
entraîner, par le courant d'eau, l'excédent de chlorure qui nuirait 
au papier s'il agissait trop longtemps. y a un autre procédé pour 
blanchir la pâte, mais il est plus compliqué : au fond, c'est le 
même phénomène. La pâte blanchie et suffisamment lavée 
n'est pas encore assez broyée : on la fait passer dans une autre pile nommée 
pile raffineuse, dont les lames sont plus tranchantes et plus serrées. 
Au bout d'une couple d'heures la pâte est très finement broyée; 
elle semble former de très légers flocons qui flottent dans le liquide. 
Pour fabriquer, avec cette pâte, des feuilles de papier, il y a deux procédés 
: l'ancien et le nouveau. Disons d'abord un mot de l'ancien procédé, 
qui est le plus simple. -La pâte, mêlée à la quantité 
d'eau convenable, est versée dans une vaste cuve.
 
 La feuille
 L'ouvrier, ou, comme 
on dit pour le désigner, l'ouvreur, prend en main une sorte de tamis en 
façon de cadre rectangulaire, qu'on nomme une forme. Imaginez, dis-je, 
un cadre peu épais; dessous, une sorte de toile métallique, ou plutôt 
un treillis très serré de fils de cuivre fins, bien tendus. - L'ouvreur 
puise, avec cette forme, une certaine quantité de pâte; par une légère 
secousse, il l'étale bien également. Il enlève sa forme de 
la cuve : l'eau s'écoule à travers les fils comme à travers 
un crible; la pâte reste, formant sur le fond de la forme une couche mince. 
Pour être plus sûr d'enlever à chaque fois la même quantité 
de pâle, tandis que la forme est plongée dans le liquide, il la recouvre 
d'une sorte de couvercle qu'on nomme frisquette, et qui empêche la forme 
de se charger d'une trop grande quantité de matière. La forme étant 
ôtée du liquide, l'ouvreur en enlève le couvercle, et la met 
à égoutter un instant sur une rigole inclinée, près 
du bord de la cuve. Puis il prend une autre forme vide et recommence la même 
manuvre.
 
 Séchage
 Un second ouvrier, appelé coucheur, saisit la forme pleine, 
la recouvre d'un large morceau de feutre blanc; puis il renverse la forme en retournant 
adroitement le tout ensemble : la couche de pâte déposée, 
encore extrêmement molle, se détache du fond de la forme et tombe 
sur le feutre, où elle reste étalée. Il prend une autre forme, 
renverse la feuille de pâte qu'elle contient sur un autre feutre; et ainsi 
de suite. Les feutres, avec la feuille de pâte déposée sur 
chacun, sont empilés à mesure; quand cette pile de feutres est assez 
élevée, le tout est fortement serré sous une presse tout 
à fait semblable à un simple pressoir. L'eau s'écoule, les 
feuilles de pâte, comprimées, amincies prennent déjà 
un peu de consistance : on peut les enlever, les détacher du feutre en 
prenant quelque précaution. Ce sont déjà des feuilles de 
papier, mais humides et fragiles. L'ouvrier les enlève donc, les superpose 
avec adresse, en forme une nouvelle pile, mais sans feutres interposés 
cette fois; puis il les presse de nouveau et fortement, ce qui les rend plus fermes 
et plus lisses.
 
 Encollage du papier
 Le papier fabriqué ainsi serait du papier buvard, c'est-à-dire 
dans lequel l'encre ordinaire s'imbiberait en s'étalant et en formant des 
taches. Lors donc que le papier est destiné à recevoir l'écriture, 
il doit être collé, imbibé d'une faible quantité de 
colle de pâte ou de colle de peau (gélatine) semblable à la 
colle forte de menuisier, mais plus blanche et plus fine. Cette colle unit les 
fibres du papier, le rend plus solide; en même temps elle bouche les pores, 
les espaces excessivement petits qui existaient entre les fibres enchevêtrées; 
elle empêche l'encre de se glisser dans ces pores et de s'étaler. 
L'ouvrier trempe donc les feuilles encore humides dans de la colle très 
claire; il les fait égoutter, puis les presse une fois de plus. Enfin on 
fait sécher, en étendant les feuilles à l'air sur des cordes 
tendues. Le papier ainsi préparé ne boira plus l'encre. Mais quand 
le papier est destiné à faire des livres, à être imprimé, 
cette dernière opération est inutile; l'encre d'imprimerie ne s'étale 
pas. La plupart des livres sont imprimés sur du papier sans colle, et qui 
boit, comme vous en avez fait l'expérience, lorsqu'il vous est arrivé 
de laisser tomber maladroitement une goutte d'encre sur un de vos livres de classe.
 Fabrication du papier à la machine Le procédé que nous venons de décrire était seul connu. 
autrefois; on l'emploie encore pour certains papiers qui doivent être très 
forts et très durables. Le papier ainsi fabriqué est appelé 
papier à la forme ou encore à la feuille, parce que chaque feuille 
est faite séparément. Mais aujourd'hui tous 1es papiers dont on 
fait les cahiers et les livres sont fabriqués l'aide d'une machine produisant, 
non pas des feuilles séparées, mais une large bande continue, qui 
s'allonge indéfini, ment, et se roule en gros rouleaux semblables aux rouleaux, 
des papiers de tenture dont on tapisse nos appartements. Si vous avez suivi avec 
attention la description précédente, vous comprendrez facilement 
le principe et la disposition, générale de la machine à papier. 
Cette machine est très grande : elle remplit toute une vaste salle. Ce 
qui frappe vos yeux; si vous entrez dans la salle, c'est l'assemblage confus d'une 
multitude de cylindres, de rouleaux, les uns très gros, les autres plus 
menus ; tous tournent à la fois, et entre eux passent, circulent de la 
façon la plus compliquée de larges bandes d'étoffes, et aussi 
la bande de papier fabriquée. - Tâchons de débrouiller un 
peu cette confusion apparente.
 
 Imaginez une toile métallique sans fin horizontale, 
tendue entre deux rouleaux. Sachez d'abord qu'on appelle toile sans fin, ruban, 
corde sans fin, une bande de toile, un ruban, une corde dont les deux bouts sont 
rattachés; en sorte que cette bande, ce ruban ou cette corde peut circuler 
entre deux rouleaux ou deux poulies, toujours dans le même sens, allant, 
par exemple, en dessus, revenant par-dessous : telle la corde d'un rouet que l'on 
tourne circule entre la roue et la bobine. Imaginez donc cette toile sans fin, 
composée de fils de cuivre très déliés, circulant 
entre deux rouleaux assez éloignés l'un de l'autre, avançant 
en dessus, revenant en dessous. Pour que cette toile chargée ne fléchisse 
pas, par son poids, entre les deux rouleaux, on la soutient sur une rangée 
de petits rouleaux sur lesquels elle glisse. La surface supérieure de cette 
toile, ainsi parfaitement droite et horizontale, forme ce qu'on appelle la table 
de la machine; elle représente exactement la toile qui fait le fond de 
la forme dans la fabrication du papier à la main; elle remplit la même 
fonction. A l'une des extrémités de la machine est une large cuve 
remplie de pâte bien fine, bien mélangée. La pâte arrive 
continuellement dans cette cuve par un tuyau; et, continuellement aussi, elle 
déborde par-dessus un bord replié en forme de lèvre, comme 
un étang par le déversoir. Cette pâte, à mesure qu'elle 
déborde ainsi, tombe sur la toile sans fin qui passe au-dessous du déversoir; 
elle s'y étale bien également dans toute la largeur de la table. 
Et comme la toile avance continuellement, la pâte versée se trouve 
former à sa surface une couche égale. L'eau de la pâte coule 
à travers la toile, comme à travers un tamis; les fibres, retenues 
sur la toile, se tassent; un petit mouvement de secousse en travers donne par 
la machine à cette toile, aide à faire écouler l'eau. Vous 
voyez que l'ingénieux mécanisme imite, le mieux possible, le travail 
manuel de l'ouvrier fabriquant le papier à la feuille. - La couche de pâte 
suit la toile, s'égouttant toujours. Or, avant de se replier pour revenir 
en dessous, la toile sans fin passe entre deux rouleaux garnis de feutre, tournant 
en sens contraire, assez fortement serrés l'un contre l'autre. La couche 
de pâte, traînée avec la toile, passe aussi entre ces rouleaux; 
elle es pressée. La plus grande partie de l'eau qu'elle contenait encore 
est exprimée par la pression ; en ressortant de l'autre côté 
du rouleau, elle forme déjà une feuille de papier très humide, 
il est vrai, extrêmement fragile. Il s'agit maintenant, comme dans le cas 
de fabrication à la feuille, de la comprimer fortement pour lui donner 
plus de consistance, puis de la sécher. Pour cela, à mesure que 
la feuille avance, sortant de dessous le cylindre, au lieu de continuer de suivre 
le mouvement de la toile métallique qui, se repliant en dessous, revient 
vers l'autre rouleau, elle se sépare de la toile, et se pose, à 
mesure, sur une large bande sans fin de feutre, qui circule, elle aussi, dans 
le même sens et avec la même vitesse, entre d'autres rouleaux convenablement 
placés. Étalée sur ce feutre, et avançant avec lui, 
la feuille molle est amenée entre deux nouveaux cylindres très serrés 
l'un contre l'autre. Obligée de passer avec le feutre lui-même entre 
ces cylindres, elle est fortement comprimée, ce qui lui donne une consistance 
assez ferme.
 
 Séchage "en ligne"
 La feuille de papier est faite; il faut la sécher. Au sortir 
des cylindres presseurs la feuille, quittant sa bande de feutre, passe sur un 
autre feutre sans fin, qui la conduit de même. Suivant ce nouveau feutre 
qui la porte et la soutient, la feuille vient s'appliquer, sans forte pression, 
contre un gros cylindre tournant, chauffé par de la vapeur d'eau bouillante, 
qui de la chaudière arrive dans l'intérieur du cylindre sécheur 
en suivant de longs tuyaux. La feuille appliquée contre la surface chaude 
du cylindre commence à sécher. Mais, pour que ce séchage 
soit suffisant, il faut qu'elle passe de la même façon, toujours 
conduite par le feutre, autour de plusieurs cylindres sécheurs semblables. 
-Enfin, le papier étant suffisamment séché, on le fait passer, 
seul cette fois, sans feutre, entre deux cylindres parfaitement polis fortement 
serrés, qui comprimant le papier sec, l'écrasant pour ainsi dire, 
rendent sa surface lisse et douce : cette machine se nomme la calandre. Si vous 
avez bien suivi cette description, vous comprenez que la même bande de papier, 
passant d'un cylindre à l'autre, forme continue, sans interruption ; la 
machine verse sans cesse, à l'une de ses extrémités, de la 
pâte à papier, et sans cesse aussi une large bande de papier tout 
fait et ut sec sort à l'autre extrémité, en se déroulant 
de dessous la calandre. Il ne reste plus qu'à enrouler la bande, à 
mesure qu'elle suit, avec une sorte de dévidoir, sur lequel elle forme 
de très gros rouleaux, semblables, vous disais-je, aux rouleaux des papiers 
peints. Plus tard, déroulant la bande, on la coupera en feuilles de la 
grandeur que l'on voudra. - Lorsqu'on veut obtenir du papier collé, le 
procédé le plus simple consiste à mêler la colle, en 
quantité convenable, à la pâle à papier elle-même; 
la feuille formée se trouve par cela même contenir de la colle; elle 
ne boit plus l'encre et peut servir pour l'écriture. La colle employée 
à cet effet est, ou de la gélatine, semblable à celle que 
l'on emploie pour coller les feuilles fabriquées à la forme, ou 
une sorte de savon, que l'on produit en faisant bouillir de la résine avec 
une lessive très forte, et une certaine quantité d'un sel nommé 
alun. Pour éviter la teinte un peu jaune que prend quelquefois le papier, 
on a l'habitude d'ajouter à la pâte à papier blanc une très 
faible quantité de couleur bleue, qui donne à sa blancheur un reflet 
légèrement azuré. - Les machines a papier ne sont pas toutes 
exactement semblables; mais elles ne diffèrent que par les détails. 
On peut faire du papier, avons-nous dit, non pas seulement avec des chiffons, 
mais avec toutes sortes de végétaux fibreux, pouvant fournir des 
fibres très fines. On fait aujourd'hui beaucoup de papier avec de la paille, 
du foin, des roseaux, avec une herbe fibreuse qu'on nomme l'alfa, et qui est très 
commune en Algérie; avec des écorces filamenteuses, et même 
avec du bois... Toutes ces matières sont d'abord hachées, pilées, 
écrasées à l'aide de machines convenables, pour commencer 
à séparer les fibres; puis on les broie, on les blanchit; on les 
met en pâte, enfin, de même que les chiffons. Mais le papier que l'on 
fait avec cette pâte est moins fin, moins beau et surtout moins solide que 
le papier de chiffons. Le papier fabriqué à la machine est coupé 
en feuilles. Vingt-cinq de ces feuilles de papier, superposées et pliées 
ensemble, sont ce qu'on appelle une main de papier. Vingt mains de papier réunies 
forment une rame. Une rame, contient donc cinq cents feuilles.
 
 Le carton
 Le carton, dont 
on fait la couverture des livres, ne diffère du papier qu'en ce qui est 
plus épais à la fois et plus grossier; les fibres ont été 
moins finement broyées, à peine blanchies; la pâte est épaisse 
et grise. On emploie pour la former de la paille, des roseaux, des chiffons grossiers, 
de vieilles cordes, enfin toutes sortes de retailles de papiers, de vieux registres, 
etc. La machine qui sert à fabriquer le carton est toute semblable à 
la machine à papier, plus grande seulement et plus forte; la couche de 
pâte versée sur la table de cette machine étant plus épaisse, 
la feuille formée est plus épaisse aussi. La bande continue de carton 
est, comme la bande de papier, pressée à son passage entre des cylindres 
presseurs, puis séchée sur de gros cylindres sécheurs et 
enfin découpée en larges feuilles.
 © Textes rares
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