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Claude Emmanuel Lhuillier dit Chapelle (1626-1686),
Poèmes . Epitaphe d'un chien

STANCES IRRÉGULIÈRES
Au moineau de Climène

Petit moineau, délices de Climène,
Qui l'amusez par sauts et tours badins,
Chassez, mordez galants bruns et blondins,
Que Cupidon à ses genoux. amène.


À mes rivaux livrez guerre traîtresse ;
Becquetez-les surtout quand leur tendresse,
S'émancipant, veut dérober faveurs
Qu'Amour ne doit qu'à mes vives ardeurs.

Daignez servir le beau feu qui me brûle,
Suivez Climène et gardez ses appas.
Quoique ne sois tant disert que Catulle,
Vers louangeurs ne vous manqueront pas.

Si méprisez les tributs de ma veine,
Ne me privez pour cela de vos soins ;
Biscuits friands je vous promets du moins.
Vous vous tiendrez à cette offre certaine ;
Bien je connois votre morale saine,
Sages moineaux, toujours solidité
Fixe vos goûts, Plaisir seul vous anime.
Il faut jouir, c'est là votre maxime,
Dogme chez nous follement contesté.

Pour vous, Moineau, si faites vanité
Du beau servage où le destin vous lie,
Pas ne serez accusé de folie,
Comme estimant frivole volupté
Là seulement gîte félicité.
L'heureux moineau que l'amant de Lesbie
Es bords du Tibre a jadis tant chanté
Moins vit d'attraits dans l'aimable romaine,
A qui plaisoit par sa vivacité,
Que n'en voyez aujourd'hui dans Climène.

Essaim de coeurs, tout percés de ses traits,
Savent qu'en dire et ne peuvent s'en taire.
Plus doit priser les éloges secrets
Qu'elle reçoit de mes soupirs discrets.
Telle louange, au tarif de Cythère,
On ne se paie avec souris coquets.

Cette monnaie, hélas ! fausse et légère,
Fait tout le fond de certains beaux objets.
Préserve, amour, tout coeur tendre et sincère
De s'engager à si mince salaire.
Des vrais amants soutiens les intérêts,
Tu n'auras pas grande besogne à faire.

Et vous, Moineau, confident de mes feux,
Cher favori de l'objet que j'adore,
Chassez, mordez, je vous le dis encore,
Chassez, mordez mes rivaux dangereux ;
Par cris perçants, par insulte soudaine
Interrompez leurs discours amoureux ;
Ne permettez à l'aimable Climène
Que d'écouter le récit de mes feux.

Edition et notes par Tenant de Latour (1854)

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