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Jules Richard, L'art de former une bibliothèque, 1883

EX-LIBRIS - ARMOIRIES - CACHETS

Un beau livre volé est aujourd'hui souvent aussi difficile à revendre qu'un beau diamant.
Tout le monde bibliophile le connaît, en sait le signalement sur le bout du doigt. D'ailleurs les collections importantes sont marquées, non avec ces ignobles cachets gras qui déshonorent le titre d'un livre et sont tout au plus tolérables dans les administrations publiques, chez lesquelles les bibliothèques deviennent des immeubles par destination ; non point
davantage avec des timbres secs. Mais avec des ex-Libris soigneusement gravés, collés sur la garde - qu'on peut enlever, il est vrai, - et mieux encore, par des armoiries sur les plats et des chiffres sur le dos de la reliure.
La coutume des ex-Libris est charmante et peu coûteuse.
Il y a des personnes qui font collection des ex-Libris. L'éditeur Poulet-Malassis, d'érotique mémoire, a publié sur ce sujet amusant de l'histoire de la Bibliophilie, un volume in-8°, accompagné de 24 planches, où il a réuni les types les plus recherchés parmi les ex-Libris français.
Quelques-uns sont de vrais petits chefs- d'oeuvre de gravure et sont relevés en outre par une maxime piquante. Les plus communs représentent les armoiries ou les attributs professionnels du collectionneur avec ces mots : ex-Libris, ex-Musoeo... ex- Bibliothecà d'un tel. Malgré toutes ces précautions, un amateur jaloux fera toujours bien de se souvenir de ces deux vers que Guilbert de Pixérécourt avait fait insérer sur le fronton de sa bibliothèque :
Tel est le triste sort de tout livre prêté
Souvent il est perdu, toujours il est gâté.
Les plus minces bibliophiles tiennent naturellement à leur bien autant que les gros seigneurs. Et je suis de l'avis de ceux qui ne prêtent point de livres. Il y a des bibliothèques publiques instituées pour rendre ce service aux travailleurs qui en abusent d'autant plus qu'ils sont plus haut placés. Villemain ne rendait jamais les livres empruntés et il fallait la complicité de son secrétaire pour que le prêteur pût aller reprendre furtivement son bien. Loménie gardait cinq ans un livre de dix sous et refusait cyniquement de le rendre.

 

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