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Baillet, La vie de Mr Descartes, 1693 :

 

Extrait de Michaud, Louis-Gabriel, Biographie universelle ancienne et moderne, 1843

Adrien Baillet naquit à la Neuville en Hez, village à quatre lieues de Beauvais, le 13 juin 1649, de parents pauvres. Les cordeliers du couvent de la Garde, chez lesquels il allait ordinairement servir la messe, voyant ses dispositions, voulurent le faire élever à leurs frais, pour l’attacher à leur ordre. Le curée de la Neuville en détourna le père de Baillet, prit l’enfant chez lui, et, après lui avoir appris les premiers éléments de la langue latine, le mit au collége de Beauvais.

Baillet n’y brilla pas beaucoup; il étudiait les langues et l'histoire. Il savait l'hébreu à la fin de ses classes, et, n’étant qu'en rhétorique, il avait déjà fait des tables de chronologie.

Ses études finies, en 1679. il régenta deux ans la quatrieme, et deux ans la cinquieme, dans le collège où il avait été élevé ; prit les ordres en 1676, et accepta un vicariat de campagne, à Lardières, du revenu de 300 livres. Cette modique somme suffisait à ses dépenses, quoiqu’il fût chargé d’un de ses frères et d’un petit valet; il trouvait même encore de quoi acheter de livres. En 1679, il obtint la place de chapier de l'église de Beaumont, qu’il remplit jusqu'en 1680. Le jeune avocat général Lamoignon, qui venait de perdre son père, chargea Hermant de lui choisir un bibliothécaire. Baillet fut proposé et accepté. Il entra sur le champ en fonctions,et en 1682, il avait rédigé, en 33 volumes in-fol., écrits de sa main, un catalogue de la bibliothèque confiée à ses soins : c'est une table des matières. qui indique non-seulement les auteurs qui en ont traite ex professo, mais encore tous les endroits où d’autres auteurs en ont parlé en passant. Pendant près de vingt- six ans que Baillet fut bibliothécaire de Lamoignon, il ne sortait qu’une fois la semaine (les lundis), et passait tout le reste du temps en études. ou en conférence avec les savants. Il ne dormait que cinq heures par jour, encore le plus souvent habillé, ne faisait qu’un repas, ne buvait pas de vin, ne se chauffait jamais qu’en compagnie ; dès qu’il était seul, il éteignait son feu, tant par mortification que pour être moins distrait de l’étude.

Il était d’une taille médiocre; des yeux enfoncés, un large front, des cheveux noirs prévenaient en faveur de son esprit et de sa mémoire. Son extérieur était négligé; il ne se donnait pas le temps de ranger ses habits, ses meubles, se contentant d’ôter de la vue ce qui aurait pu la blesser. Dans ses écrits. la première expression qui se présentait à son esprit était ordinairement celle dont il se servait ; on ne voyait point de ratures dans ses manuscrits.

Sa santé, naturellement faible, fut encore altérée par l’excès du travail; il mourut le 31 janvier 1706.

On a de lui :

1) Jugement des Savants sur les principaux ouvrages des auteurs, 1685 et 1686, 9 vol. in-l2. Cet ouvrage, trop vaste pour être exécuté par un seul homme, devait avoir 6 parties.

Baillet n’a pu faire que la 1ere et une portion de la 2e. II y parle des imprimeurs, des critiques, des grammairiens et philologues, des traducteurs, des poètes grecs et latins, et des poètes modernes. Les jugements qu’il y porte des Poètes lui attirèrent beaucoup de désagréments. Le P. Commire l’attaqua par des épigrammes. dont on peut apprécier le ton par le titre de lune d’elles : Asinus in Parnaso. Les jésuites ne pouvant lui pardonner d’avoir fait l'éloge des écrivains de Port-Royal, et la critique de quelques-uns de la société, le combattirent dans des Réflexions pleines de causticité, qu’on attribue au fameux P. Tellier. Au milieu de beaucoup de chicanes que renfermaient ces écrits satiriques, il y avait des critiques fondées, principalement sur les cinq premiers volumes, composés avec trop de rapidité pour qu’il ne s’y fut pas glissé bien des fautes et des méprises. On ne saurait cependant lui contester le mérite d’avoir tracé un vaste plan, bien conçu, qui a servi de modèle a ceux qui, après lui, sont entrés dans la même carrière, et d’y offrir des morceaux d’une saine critique. "Cet ouvrage, dit la Monnoie, est un tissu à la mosaïque, composé de diverses pièces taillées par différentes mains, artistement rassemblées par une seule, qui en forme un ensemble bien ordonné."

2) Des Enfants devenus célèbres par leurs études et par leurs écrits, 1688, in-12.

3) Des Satires personnelles, traité historique et critique de celles qui portent le titre d'Anti, 1689, 2 vol. in-12 Ménage, piqué d’avoir été repris plusieurs fois dans les Jugements des savants, en avait publié une critique sous le titre d’Anti-Baillet. Baillet, au lieu de répondre directement à cette attaque, composa et fit imprimer le traite des Satires personnelles où il parle des ouvrages qui portent le titre d'Anti, et fait voir que toutes les critiques qui s'attachent aux personnes sont odieuses. Prosper Marchand, dans son Dictionnaire historique, donne une liste de beaucoup d’Anti, "dont Baillet n'a fait aucune mention, ou dont il n'a dit qu'un mot en passant."

4) Auteurs déguisés sous des noms étrangers, empruntés, supposés, faits à plaisir, chiffrés, renversés, retournés ou changés d'une langue en une autre, 1690, in-12. Ce n'est que la préface d'un plus grand ouvrage, qu'il abandonna lorsque ses amis lui eurent représenté que ce livre ferait beaucoup de mécontents.

Ces quatre ouvrages de Baillet ont été réimprimés avec beaucoup de notes de la Monnoie, Paris, 1722, 7 vol. in-4°.

L'Anti-Baillet avec les notes du même éditeur, ne fut imprimé à Paris qu'en 1730 ; in-4°; il avait déjà été imprimé en Hollande, dans des éditions données en 1725, 8 vol. in-4°, ou 8 vol. in-12, en 17 parties. Ces éditions de Hollande comprennent, outre l'Anti-Baillet et les notes de La Monnoie :

1* Les Jugements des Savants sur les Auteurs qui ont traité de la rhétorique par Gibert

2* les Réflexions sur les Jugements des Savants, en quatre lettres, par le P. Tellier, jésuite

3* les Réflexions d'un académicien sur la vie de Descartes, par le même Tellier. La vie de Baillet qu'on trouve dans cette édition, est d'Augustin Frion, son neveu

4* Vie de Descartes, 1691, 2 vol. in-4°, dont il publia un abrégé, 1693, in-12

6* Histoire de la Hollande, depuis la trêve de 1600, où finit Grotius, jusqu'à notre temps, 1690, 4 vol. in-12, publiés sous le nom de la Neuville.

7* La dévotion à la sainte Vierge, et du culte qui lui est dû, 1694, in-12, ouvrage solide et instructif, où l'auteur tient un juste milieu entre les protestants qui traitent d'idolâtrie le culte qu'on rend à la Mère de Dieu, et les dévots indiscrets qui le surchargent de pratiques minutieuses et même superstitieuses. Cet ouvrage fut dénoncé à l'archevêque de Paris (de Harlay), qui n'y trouva rien à reprendre, et à la Sorbonne, qui, au lieu de faire droit à la dénonciation, censura le livre de Marie d'Agréda, où ce culte est poussé à des excès ridicules.

8* De la conduite des âmes, 1695, in-12, sous le nom de Daret de Villeneuve : c'est un traité des devoirs d'un directeur, et de la soumission qui lui est dûe.

9* Les Vies des Saints, 1701, 3 vol. in-fol., ou 12 vol. in-8°, ce qui fait un volume pour chaque mois.

10* Histoire des Fêtes mobiles, les Vies des Saints de l'Ancien Testament, la Chronologie et la Topographie des Saints, 1703, in-fol. ou 3 vol. in-8°. On a réimprimé ces deux ouvrages à Paris, 1704, 4 vol. in-fol., et 1739, 10 vol. in-4°.. On préfère les éditions originales.

« Cet ouvrage, dit l'abbé Lenglet, est ce que Baillet a fait de meilleur ; il n'a point laissé passer de miracle qu'il n'ait examiné de tout sens. »

On a publié en 1701 un Abrégé des Vies des Saints, 1 vol. in-fol.

11* Les Maximes de St Etienne de Grammont, 1704, in-12 traduit du Latin.

12* Vie d'Edmond Richer, 1714, in-12 ; on doute qu'il en soit l'auteur.

13* Vie de Godefroi Hermant, qui avait été son confesseur et son protecteur auprès des Lamoignon, 1717, in-12.

14* Histoire de démêlés du pape Boniface VIII avec Philippe le Bel, roi de France, 1717, in-12, réimprimé en 1718. L'éditeur fut le P. Lelong, qui y ajouta vingt-deux pièces justificatives. On ne peut être mieux instruit de ces démêlés qu'en lisant l'ouvrage de Baillet, à moins qu'on ne veuille avoir recours aux originaux et autres actes, dont il est un extrait fidèle.

15* Relation curieuse et nouvelle de Moscovie, 1760, publié sous de nom de Balt. Hezeneil de la Neuville, anagramme de Baillet de la Neuville en Hez.

16* On attribue généralement à Baillet la Nouvelle Relation contenant les voyages de Thomas Gage, dans la Nouvelle-Espagne, traduite de l'anglais, par Beaulieu Huet Oneil, 1676, 2 vol. in-8° ; 1690, 2 vol. in-12.


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