AVERTISSEMENT.
Il est
peu d'ouvrages si on excepte ces productions du génie, nées
d'un souffle, créateur et de vastes pensées, qui, dès
l'abord, soient conçus dans leur ensemble et dans tous leurs
détails, par l'écrivain qui entreprend de les écrire
: une première idée se présente, elle est négligée
; elle revient à notre insu, nous nous y attachons, et elle ne
tarde point à être féconde ; une autre la suit,
qui, loin de l'effacer, lui donne pour ainsi dire plus de relief
: déjà nous avons imaginé un plan ; il est bientôt
tracé : nous prenons la plume ; nous sommes étonnés
des développemens qui naissent naturellement de l'idée-mère,
et ce n'est plus qu'en achevant l'ouvrage que nous connaissons toutes
les ressources du sujet que nous venons de traiter. C'est ainsi que
se passe, dans les cerveaux ordinaires la création d'un livre,
et même d'une compilation. Celle-ci n'a point eu d'autre origine.
Nous fûmes invité à réunir en un même
recueil et sous un même point de vue, les animaux qui, doués
d'un instinct plus développé, et de grands moyens d'exécution
, remplissent sans le secours de l'éducation des actes qui les
rendent ou nos maîtres, ou nos imitateurs. Les premiers qui s'offraient
à nous, d'après cette indication, étaient le castor,
le renard, l'abeille et la fourmi ; mais qu'alors nous
étions loin de connaître toutes les merveilles du règne
animal, et combien de jouissances nous étaient ménagées,
que nous devions goûter à mesure que nous avancerions dans
ce riche domaine, où nous n'étions d'abord entré
que pour reconnaître quelques individus. Les connaissances nouvelles
faisaient souvent tort aux anciennes ; et, comme il sera facile d'en
juger d'après nos expressions, nous étions parfois surpris
d'être aussi ignorant de ce que savaient faire nos voisins, et
mécontent de l'indifférence où nous étions
resté à leur égard. Le rat qui habite nos parquets
; l'araignée qui établit son domicile dans les
joints de nos lambris ; la mouche qui passe l'hiver suspendue
à nos plafonds y devenaient pour nous des êtres non moins
curieux que ces animaux amenés à grands frais par les
voyageurs des pays les plus lointains.
Une observation minutieuse, mais riche en résultats, nous fit
apercevoir une grande partie de notre travail : les naturalistes et
les voyageurs que nous consultions en même temps, et avec lesquels
nous allions à la découverte des particularités
de même genre que présentent les animaux des autres parties
du globe, nous permirent bientôt de l'envisager dans tout son
ensemble. Connaissant alors ce que nous devions extraire, et ce que
nous devions négliger, toutes les parties de l'édifice
étaient acquises, et il ne s'agissait plus que de les mettre
en oeuvre.
Il nous sembla que les faits curieux que nous allions faire connaître
à nos jeunes lecteurs faisaient surtout, de notre ouvrage, un
livre d'agrément, et que nous devions nous interdire une classification
trop sévère des dénominations trop techniques :
nous avons été fidèle à ce plan. Cependant,
comme il n'est pas de composition qui satisfasse l'esprit, si la confusion
y règne , nous avons senti le besoin de rattacher nos articles
épars sous des titres généraux et nulle division
n'était plus naturelle que celle du règne animal en quadrupèdes,
oiseaux, poissons, insectes, etc. C'est aussi celle que nous avons
adoptée ; mais dans chacune de ces classes, nous n'avons point
indiqué à quel genre appartenait tel individu, ni quels
étaient ses caractères distinctifs.
En tète de chaque classe, nous avons parlé d'abord d'une
manière générale des animaux qu'elle contient,
voulant apprendre à nos jeunes lecteurs quelles ressources possédaient
ceux dont ils allaient admirer le talent, et les mettre à même
de comparer les moyens avec les résultats. Nous avons encore
essayé, autant qu'il nous a été possible, de faire
sentir toutes les différences qui existent entre le quadrupède
et l'oiseau, entre l'oiseau et l'insecte, et nous aurons
atteint notre but, si, s'habituant de bonne heure à l'observation,
à la réflexion, nos lecteurs cherchent toujours entre
les objets qui les entourent d'autres différences que celles
qui résultent de la forme, de la couleur, du son,
que celles enfin qui n'affectent que les sens.
Ce livre une fois terminé, il lui fallait un titre ; et le choix
à faire en cette occasion était embarrassant. Après
bien des irrésolutions , nous adoptâmes celui des Animaux
industrieux, bien persuadé cependant qu'il était
insuffisant, parce qu'il est inexact. En effet, parmi les animaux dont
nous avons parlé, il en est qui ne méritent point cette
épithète, qui, sans réflexion, sans volonté
peut-être, n'exécutant tel fait que parce qu'il est dans
leur organisation de l'exécuter : tel le rossignol qui n'étudie
point son chant, dont son gosier fait seul tous les frais. On pourra
donc regarder plus exactement cet ouvrage comme un recueil, dans lequel
on a pris soin de rassembler tout ce qui pouvait mettre en évidence
les merveilles produites par l'intelligence des animaux, on les singularités
dignes de remarque que présente l'organisation de quelques-uns
d'entre eux.
Avec ce livre, jeunes lecteurs, vous pouvez suivre les animaux dans
l'intérieur de leurs nids, dans leurs courses, dans leurs chasses,
dans leurs travaux ; et si votre plaisir, à la vue des prodiges
qui se passeront sous vos yeux, est moins vif, moins entier, que celui
que j'éprouvai en les découvrant, après de nombreuses
recherches et quelques fatigues, comme moi vous n'aurez point à
passer des momens d'indifférence et de dégoût; vous
n'observerez jamais intimement, et peut- être cette compensation
me fera-t-elle, obtenir de vous un merci..., seule marque d'approbation
à laquelle je m'attends, seul tribut que j'envie.
B.
ALLENT.
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