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Poètes du XVIe siècle


Bérenger de la Tour
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Ce poëte étoit né à Albenas en Vivarais, il a vécu sous François Ier et Henri Il. On a de lui trois poëmes : le Siècle d'or, la Choréide, ou éloge de la danse, et l'Amie des amies, imitation de l'Arioste, ainsi qu'une assez grande quantité de traductions, épîtres et épigrammes.

EXTRAIT DE LA CHORÉIDE
Aux Dames.

Blame tant qu'on voudra la danse,
J'ay espoir mettre en évidence
Sa louange, et veux soutenir
Qu'on ne doit rien plus cher tenir.
Son cours, mes dames, est plus long
Qu'on n'a cru. L'ignorance donq
Avoit la rumeur esventée
Qu'Israël l'avoit inventée
Et la mit sus tout de nouveau
Le jour qu'il adora le veau;
Mais mille et mille ans par delà
Eut origine; et pour cela
Je veux la chanter. O Thomine,
Louïse, Blanche et Maximine,
Votre plaisir soit d'avancer
L'oeuvre que je vais commencer.
Les cieux ont esté les premiers
Et seront aussi les derniers
Qui ont dansé et danseront;
Et quand plus ce train ne feront,
Quand plus ne verrons les adresses
Des sept planettes danseresses,
Leur accord, leur tour, leur cadence,
Et de tout point lairront la danse,
Tout mourra; car finie icelle,
Sera la fin universelle.
Les vents dansent et font danser,
Et les eaux on voit s'avancer
D'un long branle, et au rang des ondes
Se conforment les forets blondes.
Les feuilles voletants par l'aër,
Ne vous semblent-elles baler ?
Et pour aux animaux descendre,
Qui les pourroit au milieu fendre,
Il verroit un bal ordinaire
Au poulmon, au coeur, en l'artere,
Lequel on ne peut destourner
Sans cette vie abandonner.
La danse est si bonne et si belle,
Qu'au temps de l'antique Cybelle,
Dont la race a si longue traite,
Eut cours en Phrygie et en Crete;
A quoy les peuples exercez .
Estants les debats commencez
Entre les Dieux, s'entrebattoient
Des glaives dont armez estoient,
Et des boucliers retentissants ;
Si que par ces boufons dansants,
Par Jupiter fut évité
Le courroux du père irrité.
Tant eut après de cours la danse,
Que tous les hommes d'aparance,
Jusque aux rois de ces pays là,
S'y exerçoient; et pour cela
Le grec poëte vient hausser
Merion par son beau danser;
Car par cela il évitoit
Les traits qu'en guerre on lui getoi.
Du fils d'Achille on dit autant;
Mais Lacedemone ajoutant
À ce bal les vers poëtiques,
Aussi les instruments antiques,
Conduisoit par mesmes accords
La voix, le pié et tout le corps;
Et voit-on encor l'aparance
Aux fiers escadrons de la France,
De ce bal, leur pas d'ordre hastant,
Quand l'ennemi vont combatant;
A quoi leur servent les trompettes,
Et aux guilidins les musettes.
Ne savez-vous point la coutume
Introduite à Rome par Nume,
Au nom de Mars, quant à la danse?
Devant qui, par longue observance,
Les prestres dansoient? O bal donques
Plus saint que chose ne fut onques
Dont jadis Socrate se print
A te louer, voire l'aprint
En ses derniers ans; car sans toy
S'estimoit estre rien; par quo-,
Entre les arts il t'eslevoit,
Que plus en estime il avoit
Et si beau tu n'estois encores
Ne si parfait que tu es ores.
Combien plus donq il t'aymeroit
A présent et t'estimeroit!
L'exercice recommandé
Rend le corps d'autant emendé,
Qu'il le purge de ses humeurs,
Et s'cri font meilleures les moeurs.
Puis les pas, espars par compas.
Les tours sur un pic, n'ont-ils pas Grace
?
Ne l'ont-ils pas aussi
Les sauts ? Et cet oeil éclairci,
Oeilladant çà et là ses flammes,
A quoy tant vous plaisez, mes dames,
Danseur le faites devenir,
Et accord avec vous tenir.
La danse qu'en mes vers je loue,
Ce n'est pas, non, celle qui couve
Tant de maux, et qui moyen donne
D'abolir celle qui est bonne.
Ce n'est point la danse ionique,
N'aussi d'Herodia l'inique;
Quant à la nostre, où qu'elle soit,
Vice aucun jamais ne recoit;
Et si quelcun s'y entremesle,
Des danseurs provient, et non d'elle,

A MAD. AD. DE POET., SA SOEUR D'ALLIANCE.
Ce beau jardin où nous entrons, ma soeur,
Est plein de fleurs richement colorées,
Dont la plus part sont blanches on dorées,
Et le printemps en est le possesseur
Puis en hiver flétrissent, et suis seur
Qu'ainsi en prend à la jeunesse blonde;
Car elle va, et s'enfuit comme l'onde :
Beauté s'efface et se perd d'heure en heure.
Or cueillez donc son fruit; car en ce monde
Mort le pouvoir, le regret nous demeure.


ÉPIGRAMME SUR LES CHEVEUX DE LOUISE.
Le poil doré, clair et luisant,
Qui fait -un front beau et plaisant
A Louïse, est sien comme dit
Ce qu'est vray, car j'estois présent
Quand le marchant les lui vendit.

ÉPITAPHE D'YSABEAU.
Regreter on doit Ysabeau,
N'agueres mise en ce tombeau;
Car si grand'mémoire avoit elle,
Que pour lors que mort la tenoit,
De tous ses faits se souvenoit,
Hormis du temps qu'estoit pucelle.

 

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